Zéphirin Diabré : « En politique, il n’y a ni ami éternel, ni ennemi éternel»
Le Chef de file de l’opposition politique au Burkina fait partie des sujets au centre de l’actualité nationale. D’abord, parce que l’institution semble être divisée à cause de deux regroupements qui s’y sont récemment créés : la Coalition des forces démocratiques pour un vrai changement (CFDC) et la Coalition pour la démocratie et la réconciliation nationale (CODER). Y a-t-il implosion ? Ensuite, parce que l’an II de l’insurrection populaire s’annonce. La CFDC organise une conférence nationale en marge de la commémoration officielle du gouvernement. N’y aura-t-il pas télescopage ? Zéphirin Diabré a reçu Burkina24 dans ses bureaux ce 24 octobre 2016 à Ouagadougou pour une interview. Comment se porte le Chef de file de l’opposition politique ? « Je me porte bien et je rends grâce à Dieu ! », a-t-il répondu, avant d’entrer dans le vif du sujet.
Burkina 24 (B24) : Sans mâcher les mots, il y a deux pôles qui ont été créés au sein du CFOP. Donnez-vous raison à ceux qui parlent aujourd’hui d’implosion au sein du CFOP ?
Zéphirin Diabré (ZD) : Non pas du tout ! Il n’y a pas d’implosion nulle part et surtout pas au sein de l’opposition, puisque j’imagine que c’est de cela que vous voulez parler en utilisant le terme CFOP. Il est normal qu’au sein d’un vaste ensemble, les partis puissent se regrouper par affinité. D’ailleurs, la Charte qui régit nos travaux le permet et ce n’est pas la première fois. C’est valable aussi bien dans l’opposition que dans la majorité et c’était valable hier comme aujourd’hui.
Il y a beaucoup d’avantages en cela. Les partis n’ont pas la même histoire politique, ni les mêmes ambitions, même s’ils sont tous opposés au régime en place. Lorsqu’il y a des affinités, il faut les laisser s’exprimer, et cela est facile dans les regroupements.
Deuxièmement, cela permet à certains regroupements de porter parfois des revendications qui sont spécifiques, alors que pour que l’ensemble de l’opposition porte une revendication, il faut qu’il y ait un consensus. Ce qui n’est pas toujours facile à obtenir.
Troisièmement, chaque regroupement peut attirer à lui, des forces politiques ou sociales qui ne voudraient pas forcement venir à l’ensemble de l’opposition pour des raisons diverses.
N’oubliez pas que nous (l’UPC et d’autres partis) continuons de travailler dans le cadre de l’ancienne « coalition Zeph 2015 » que nous avons rebaptisée « Coalition des forces démocratiques pour le vrai changement » (CFDC). Ce n’est pas dans un esprit d’implosion ou de division que nous l’avons fait. Nous avons simplement estimé que nous avions une logique politique qu’il fallait continuer d’entretenir.
« Vous votez pour des gens et après vous vous étonnez des résultats ! Que voulez-vous qu’on fasse ? »
C’est pour cela que nous accueillons tout à fait favorablement le fait que d’autres aussi se regroupent.
Enfin, vous êtes tellement obnubilés par les regroupements, que vous oubliez qu’au sein de l’opposition, il y a aussi des partis qui n’appartiennent à aucune coalition. Quand je prends l’URD/MS de Alphonse Ouédraogo par exemple, elle n’appartient à aucune coalition mais est membre de l’opposition.
Ces différentes postures montrent la diversité de l’opposition. Il faut l’assumer et ne pas chercher à la masquer par des unanimismes de façade. Cela dit, il faut travailler pour que sur les questions importantes, l’opposition puisse parler d’une même voix et adopte la même attitude vis-à-vis du pouvoir en place.
B24 : Une question qui revient au sein de l’opinion nationale. C’est celle de savoir si vous n’éprouvez pas une gêne à cohabiter avec les personnes que vous avez combattues il n’y a pas longtemps, notamment le CDP ?
ZD : Je ne vois pas où se trouve le gêne de se dire opposant pendant que des gens avec qui nous avons eu des divergences, se disent aussi opposants au régime en place. On est opposant lorsqu’on n’est pas d’accord avec ce que fait le Gouvernement en place. Mais chacun décide de ne pas être d’accord pour des raisons qui lui sont propres. C’est une question d’opinion.
Vous, vous partagez des opinions avec des gens avec qui vous n’êtes pas d’accord. Est-ce que vous cohabitez avec eux ? Et dans notre vie quotidienne, on peut avoir des divergences avec quelqu’un sur telle ou telle question, mais avoir la même opinion que lui sur une autre question. L’UPC est dans l’opposition avec le CDP, mais l’UPC n’a pas de pacte politique avec le CDP. Du moins, pas encore.
Nous sommes tous dans un ensemble qui s’appelle l’opposition. Nous souhaitons que cet ensemble devienne à terme un instrument de conquête de l’exercice du pouvoir. Cela veut dire qu’il va falloir qu’on échange, qu’on discute et qu’on puisse trouver des points d’accord. Et en politique, les bagarres d’hier ne sont pas les bagarres d’aujourd’hui ou de demain. Il n’y a ni ami éternel, ni ennemi éternel.
Enfin ce que vous me dites est aussi valable au sein de la majorité. Là-bas cohabitent des gens qui se sont combattus. L’UNIR/PS a combattu le MPP lorsqu’ils étaient (les dirigeants, NDLR) au CDP. Cela ne les a pas empêchés de se retrouver aujourd’hui dans la même majorité. Pourquoi ce qui est possible dans la majorité ne peut pas l’être dans l’opposition ?
B24 : Aujourd’hui, la CODER (Coalition pour la démocratie et la réconciliation nationale) parle de réconciliation nationale et en fait son principal objectif. Est-ce qu’au niveau de l’opposition politique, vous portez aussi cette question ?
ZD : La question de la réconciliation nationale est très importante et cruciale. Tout le monde en convient. C’est un sujet important, douloureux et qui d’ailleurs, est un sujet ancien. C’est un vieux problème dans ce pays.
Je crois qu’on peut plus ou moins le dater à partir du début des années 80, lorsque la violence politique s’est invitée dans notre vie publique. C’est un vieux problème qui a pris une résonnance nouvelle aux lendemains de l’insurrection (30 et 31 octobre, ndlr). Mais il ne date pas de l’insurrection contrairement à ce que certains veulent nous faire croire.
Il faut que nous ayons une démarche qui puisse permettre de crever l’abcès et tourner définitivement la page parce qu’il y a beaucoup de comptes qui n’ont pas été soldés dans ce pays.
Notre vision est simple. Pour nous, la réconciliation passe d’abord par la vérité, parce qu’il y a beaucoup de choses autours desquelles on n’a pas encore dit la vérité. Il y en a avant l’insurrection, il y’en a après l’insurrection. Il faut qu’on ait la vérité. La réconciliation passe aussi par la justice. Il y a des choses qui sont anciennes ou nouvelles dans ce pays et qui ont été des éléments de fractures sociales autour desquelles on n’a pas encore la justice. Tout est lié. On ne peut pas aborder cette question en ne voyant qu’une seule facette parce que cela vous arrange.
B24 : Dans quelques jours, seront célébrés les deux ans de l’insurrection populaire. Vous avez décidé d’organiser une conférence nationale sur l’insurrection. Pourquoi avoir fait ce choix ?
ZD : D’abord parce que c’est un évènement important qui a marqué la vie de notre pays et dont nous étions des acteurs. Nous étions dans l’opposition à l’époque. Nous sommes restés dans l’opposition et ayant été des acteurs des mouvements qui ont marqué notre vie et la vie du pays, il était important qu’on puisse le commémorer. C’est-à-dire, en faire un instant de réflexion et d’introspection sur la vie du pays et nous projeter sur l’avenir. C’est une liberté qui est essentielle et que nous exerçons.
Quand vous regardez d’ailleurs les thématiques, vous vous rendez compte qu’on ne se limite pas à l’insurrection elle-même. L’insurrection s’est produite parce qu’il y avait non seulement un combat politique qui a été mené, mais parce qu’il y avait un certain nombre d’aspirations. Il faut donc analyser l’évolution du pays depuis l’insurrection pour voir le sens de la satisfaction de ces aspirations.
C’est pour cela que dans notre conférence, nous évoquerons l’insurrection elle-même à travers plusieurs grands thèmes et sous thèmes qu’on va débattre, nous évoquerons la Transition en faisant ressortir à nouveau ses acquis et ses insuffisances, nous évoquerons le régime actuel et nous terminerons avec la question de la réconciliation.
B24 : Est-ce que vous allez assister aux activités que le Gouvernement prévoit organiser du 27 au 31 octobre ?
ZD : Tout à fait ! Le Gouvernement est dans son rôle de pouvoir public, garant de l’intérêt général de commémorer ces évènements. Ce qui n’empêche pas que les citoyens puissent le commémorer. C’est valable pour tous les évènements à la fois historiques, religieux, culturels. Pendant que le Gouvernement commémore, nous faisons aussi notre commémoration et il n’y pas d’interposition.
Notre coalition a pris son initiative avant celle du gouvernement. D’ailleurs je me souviens que lorsque nous avons lancé l’idée de cette commémoration, des responsables de la majorité, en l’occurrence Maitre Sankara, président de l’UNIR/PS, nous a violemment critiqué en disant que commémorer l’insurrection revenait à diviser les Burkinabè.
Eh bien il est servi, puisque le gouvernement qu’il soutient becs et ongles se lance aussi dans la même commémoration. Je ne sais pas s’il a été consulté par ses amis du MPP, mais visiblement ils n’ont pas tenu compte de ses réserves. Comme quoi il faut faire attention aux affirmations péremptoires !
« Nous avons mis une commission en place qui était présidée par Jean Hubert Bazié, mais rien n’a bougé, parce que pour les gens, je l’ai fait parce que je voulais être le candidat unique de l’opposition »
Nous avons reçu à sa demande, le ministre d’Etat, Simon Compaoré qui était porteur d’un message du président du Faso. Il a souhaité, tout en respectant notre liberté en tant qu’acteurs de la vie publique nationale de commémorer l’évènement comme nous l’entendons, qu’il n’y ait pas de télescopage. Nous avons accédé effectivement à sa demande. Par respect pour nos camarades tombés au champ d’honneur.
B24 : Qu’est ce qui a changé après cette rencontre avec le ministre d’Etat ?
ZD : Nous avons harmonisé nos programmes. Par exemple, nous avions prévu un recueillement sur la tombe des martyrs. Le gouvernement a lui aussi prévu une cérémonie similaire. Nous sommes convenus de faire une seule cérémonie. C’est un sujet très sensible sur le plan psychologique et moral et ce n’est pas bien qu’il y ait une division là-dessus. Une cérémonie étant prévue au Monument des martyrs, nous serons à leur coté pour déposer les gerbes de fleurs.
Nous avions aussi prévu un rassemblement le 30 octobre dans l’après-midi pour essayer de restituer éventuellement nos conclusions. Il se trouve que le Gouvernement avait aussi prévu un certain nombre d’activités qui sont importantes. Nous avons donc décidé de reporter notre meeting à une date ultérieure.
De son coté, le gouvernement n’aura aucune activité la journée du 29 Octobre, qui, comme vous le savez, est la journée où se tiennent nos panels de discussion au CBC. Le gouvernement a prévu une conférence, mais elle aura lieu le Dimanche, jour où nous n’avons aucune activité.
B24 : Il y a un certain nombre de panels qui seront organisés au cours de cette conférence. On se demande ce que vous allez faire des résultats. Vous allez les remettre au Gouvernement ?
ZD : Quand un parti politique fait ces types d’activités, c’est pour son usage personnel. Il est clair que l’opinion publique sera informée des conclusions de ces différents panels. Nous publierons un document qui sera notre contribution à l’ensemble des débats sur la réconciliation nationale.
B24 : Est-ce que la CODER sera invitée ?
ZD : Tout le monde est invité. Tous les partis politiques qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition sont invités à y prendre part. Viendra qui le voudra.
B24 : Au bout de deux ans, quel bilan faites-vous de l’insurrection populaire ?
ZD : Il y a des aspirations qui étaient fortes et qui se sont exprimées à ce moment et qui allaient au-delà de l’article 37. En fait, l’article 37, sa révision ou sa non-révision a été seulement un déclencheur. Ce n’est pas l’article 37 qui a fait l’insurrection. Le pays vivait une crise profonde qu’on comprend bien puisqu’on était à trois décennies de régime.
Vous ne pouvez pas, dans des pays jeunes comme celui-là où la natalité est très forte, après trois décennies de régime, continuer à incarner un espoir pour les générations montantes. L’enfant qui est né en 1987 quand le président Compaoré arrivait au pouvoir, en 2014 il avait 27 ans.
« Aucun homme politique sérieux ne pouvait vous dire qu’à l’approche de l’évènement, il savait qu’il y aurait la chute du régime »
Il est assis devant la télévision, il voit qu’aux Etats-Unis, tous les quatre ou huit ans, les présidents se succèdent. Il voit qu’ailleurs c’est la même chose. Il a accès à Internet. Il entend le bouillonnement qui se fait à travers le monde. Il a un problème parce qu’il n’a pas d’emploi et il croit que c’est parce que le régime est là que c’est ainsi. Vous ne pouvez pas enlever cela de sa tête. Forcément, il a une aspiration de changement.
Il y avait une forte aspiration au changement au regard de la gouvernance de l’époque. Et c’est à l’aune de cela qu’il faut mesurer ce qu’on a eu et ce qu’on n’a pas eu. Les attentes sont toujours là.
B24 : Justement, des Burkinabè estiment que l’insurrection a été trahie, notamment au regard de ceux qui sont actuellement au pouvoir et de l’évolution des dossiers judiciaires. Quel est votre avis par rapport à cela ?
ZD : Ce sont eux qui ont voté pour eux ! Nous sommes allés à des élections qui étaient libres ! Ils avaient la possibilité de faire un choix différent. Vous votez pour des gens et après vous vous étonnez des résultats ! Que voulez-vous qu’on fasse ? C’est eux qui ont choisi. Ils n’ont qu’à attendre qu’ils agissent pour qu’il y ait des résultats.
B24 : Récemment, il y a des députés de la majorité présidentielle, notamment du MPP qui ont déclaré que la décision de faire l’insurrection a été prise le 25 octobre 2014 au CENASA. Est –ce que cette assertion est vérifiée ?
ZD : Je n’étais pas là-bas puisque je ne suis pas membre du MPP. Mais je peux dire qu’il n’y a jamais eu une réunion pour dire qu’on fait une insurrection. En fait, c’est simple. Quand on lançait le mot d’ordre pour sortir le 30 octobre, le jour du vote de la loi, les gens espéraient surtout qu’on allait empêcher que la loi ne soit votée.
Peut-être que certains avaient prévu des actions de vandalisme, mais personne ne pouvait dire et aucun homme politique sérieux ne pouvait vous dire qu’à l’approche de l’évènement, il savait qu’il y aurait la chute du régime. Ceux qui disent cela aujourd’hui, récupèrent l’histoire à leur faveur. Il faut être honnête et c’est ce qui explique un peu les tâtonnements que nous avons eus en son temps.
B24 : L’insurrection n’a donc pas été organisée…
ZD : Non, on ne peut pas dire cela.
B24 : Certains observateurs estiment que l’opposition a été absente quand le président Compaoré aquitté le pouvoir. Ce qui a permis à l’armée de prendre le pouvoir. Que s’est-il passé ?
ZD : Le problème c’est que l’opposition n’est pas une famille unie. Ce n’est pas une coalition et le chef de file de l’opposition n’en est pas le chef. Je suis là avec un certain nombre de partis politiques et chacun a son agenda, ses ambitions et personne ne veut travailler pour l’autre. C’est ça la réalité.
C’est ce qui explique les tâtonnements que l’on a connus. Mais j’ajoute que si l’armée a pris les devants, c’est parce certaines forces politiques et sociales avaient un autre jeu. Il y a des gens qui participaient aux activités de l’opposition politique mais en même temps avaient des accointances avec les militaires. Et dans la dernière ligne droite, ils ont actionné ces accointances. C’est ça la réalité.
B24 : Quelles forces politiques ?
ZD : On le dira au moment venu. Il y a eu ce jeu qui a permis à l’armée de jouer ce rôle. Mais si l’opposition était unie autour de son chef de file ou autour d’un chef, même si ce n’était pas le chef de file sur la base d’une coalition, cela aurait permis d’éviter ces genres de choses.
Je vous le redis, il y a des partis qui étaient dans l’opposition et qui étaient en contact avec les officiers supérieurs en les poussant aussi de faire un coup d’Etat. Comment voulez-vous arriver à une décision commune dans un tel contexte ? C’est illustratif aussi de la manière dont l’opposition fonctionnait. N’oubliez pas que l’ancienne opposition n’a jamais pu s’entendre sur un programme minimum commun de gouvernement. Nous avons mis une commission en place qui était présidée par Jean Hubert Bazié, mais rien n’a bougé, parce que pour les gens, je l’ai fait parce que je voulais être le candidat unique de l’opposition.
C’est cette absence de cohésion qui a amené l’armée au pouvoir. Avec une opposition divisée, même si vous prenez le pouvoir, vous n’allez pas pourvoir le gérer. Regardez comment nous nous sommes bagarrés comme des chiffonniers pour le partage des postes au CNT (Conseil national de la transition, NDLR) ? Cela s’est terminé en queue de poisson !
B24 : Siaka Coulibaly, un acteur de la société civile, a déclaré lors d’une émission télévisée que vous étiez pour la mise en place d’un comité civil pour diriger la Transition. Est-ce ce qui s’est passé ?
ZD : C’est un débat qui a eu lieu et sur lequel je ne vais pas revenir. Mais dans la position dans laquelle j’étais, quand vous avancez une idée, les gens croient que c’est pour vous-même. Alors que vous n’avez pas un moyen de les contraindre.
Mais j’ajoute une chose par rapport à l’aspect militaire. Normalement, quand vous conduisez une opération politique comme celle-là, historiquement, vous devez vous appuyer sur deux instruments. Un instrument politique qui est cohérent, un parti d’avant-garde par exemple et un deuxième instrument qui est une branche armée. Si on avait une branche armée, celle-ci allait affronter le RSP (Régiment de sécurité présidentielle, NDLR), le battre, sécuriser le périmètre du pouvoir et on venait nous installer.
Mais on n’avait pas de branche armée. Avec quelle force allait-on combattre l’armée ? Sans compter que sur le plan politique, il n’y avait pas une homogénéité. Il n’y avait pas un parti d’avant-garde. On était plusieurs partis, égalitaires. On se regardait en chiens de faïence. La seule chose qui nous unissait, c’est le fait qu’on était contre la mise en place du Senat et la modification de l’article 37. En dehors de ça, rien ne nous unissait !
N’oubliez pas que moi en tant que chef de file, je ne suis qu’un porte-parole. Sur chaque question, j’attends que tout le monde parle et là où on s’accorde, c’est cela que je porte comme parole. Par exemple, s’il s’agissait de l’UPC tout seul, c’aurait été une autre affaire.
B24 : On va revenir au présent. Quel regard jetez-vous sur l’évolution des dossiers judiciaires en cours ?
ZD : C’est difficile pour des hommes politiques d’un certain niveau de rentrer dans les commentaires judiciaires. En principe, ce n’est même pas autorisé. On part du principe que l’institution judicaire doit travailler en toute indépendance sans la pression des uns et des autres. Pour ce qui me concerne, je vais m’en tenir à cette règle, sinon, on peut créer des problèmes.
Cela dit, on peut se faire l’écho d’un certain nombre de questions que se pose l’opinion qui, parfois, ne comprend pas certaines questions judiciaires. Et là, c’est à l’institution de communiquer autant qu’elle peut. Depuis l’insurrection, on a une opinion qui est très exigeante, qui peut-être sur certains aspects, en demande un peu trop, mais c’est nous qui avons fait cela. C’est le Burkina qu’on a créé qui est devant nous. Il faut donc qu’on le gère.
L’opinion a besoin d’être informée et c’est peut-être là que l’institution gagnerait beaucoup à mieux communiquer. C’est ce qui peut éviter les interprétations que l’on peut avoir ici et là.
B24 : En tant qu’homme rompu aux questions économiques, comment va le Burkina aujourd’hui ?
ZD : Je n’ai pas besoin de parler, parce que si je parle, on va dire que comme je suis opposant, je peins le tableau en noir. Je vais répéter les phrases de ceux qui sont au pouvoir, le président de l’Assemblée nationale, les membres du MPP qui disent que l’économie est en panne. Il n’y a qu’à répéter aussi ce que disent les hommes d’affaires qui nous disent que l’économie est en panne.
Ce n’est pas en soi un phénomène qui surprend. C’est un phénomène que les pays qui ont traversé des étapes politiques comme le nôtre rencontrent. Un long règne qui s’achève, cela crée forcement une incertitude. Maintenant, c’est la capacité de ceux qui sont là de pouvoir manager et envoyer les signaux pour une reprise rapide. Et visiblement, les choses ne vont pas aussi rapidement que les Burkinabè le souhaitent.
B24 : Et pensez-vous qu’ils sont capables de le faire ?
ZD : C’est à eux de nous le démontrer. Je ne juge que sur les résultats. Pour le moment, les résultats ne sont pas là !
B24 : Vous disiez aussi que les Burkinabè en demandaient un peu trop, trop tôt …
ZD : Ce sont des citoyens. Ils demandent ce qu’ils veulent. Même quand ils demandent trop, c’est ceux qui sont en face qui doivent avoir les paroles qu’il faut pour les amener à patienter. Mais, les gens ont un vécu quotidien. Ils se lèvent le matin, ils doivent nourrir leur famille, ils attendent des recettes, ils doivent vaquer à leurs occupations, ils doivent vivre !
Et quand cela ne suit pas, on ne peut pas dire qu’ils demandent un peu trop. Ils ont un problème. Ils ne s’occupent pas de la démarche adoptée pour le résoudre.
B24 : L’UPC a fait un certain nombre de propositions au Gouvernement pour sortir le pays de sa difficulté économique. Avez-vous eu une quelconque réaction de la part du Gouvernement ?
ZD : Les propositions ont été faites après un certain nombre d’échanges et débats pour des raisons très simples. Quand vous êtes à l’opposition, quand vous critiquez, la presse dit que vous critiquez sans propositions. Et vous intoxiquez l’opinion en disant que les opposants critiquent mais ils n’ont pas de solutions.
Quand vous commencez à amener des solutions, d’abord vous sortez des propositions que l’adversaire peut reprendre à son compte. Et deuxièmement, la presse se demande si vous voulez gérer le pouvoir avec eux (majorité, ndlr). Comment fait-on ? On veut être une opposition crédible qui ne fait pas que critiquer mais en même temps, on ne veut pas sortir des solutions pour donner à quelqu’un.
Parfois, on essaie de trouver un juste milieu et c’est ce qu’on fait en montrant bien que sur ces questions, on a des idées. Mais nous n’avons pas donné ces solutions pour le Gouvernement. On s’est adressé à l’opinion pour que les Burkinabè sachent que sur ces questions, l’UPC a réfléchi et a des solutions.
C’est comme cela aussi qu’on procède pour augmenter la cote du parti. Peut-être que demain si on dit de voter, ils voteront pour nous ! On ne cherche pas à savoir si le Gouvernement a écouté ou a pris en compte. Ce n’est pas notre affaire.
B24 : Certaines organisations de la société civile ont estimé qu’il faut que le Gouvernement soit dissous et qu’un Gouvernement d’union nationale soit mis en place. Etes-vous du même avis qu’eux ?
ZD : J’ai entendu qu’il y a des OSC qui ont dit cela, de même que certains hommes politiques.
Pour les OSC, je pense qu’elles voulaient juste titiller le gouvernement étant entendu que leur terrain de prédilection, c’est celui de la veille. Je ne pense pas qu’elles faisaient une offre de service.
Par contre je ne comprends pas qu’un opposant sérieux puisse dire ce genre de choses. Le pays traverse certes des difficultés comme tous les autres pays de la sous-région, mais nous n’avons pas une crise des institutions. C’est un point sur lequel je suis d’accord avec le MPP.
« Les forces de défense et de sécurité ont sans doute besoin de l’équipement qu’il faut, de l’entrainement qu’il faut, des renseignements qu’il faut pour pouvoir contrer cette menace qui prend de l’ampleur quand on regarde la multiplication des attaques »
On n’a pas de crise institutionnelle. Nous avons des institutions qui fonctionnent normalement ! Nous avons un président qui est élu démocratiquement, une Assemblée qui est là, une majorité qui est confortable. Les instruments de la politique publique, de l’action publique sont aux mains du Gouvernement. Pourquoi alors chercher ces genres de solutions sauf pour des politiciens « garibou » (mendiants, ndlr) qui veulent se cacher derrière le concept d’union nationale pour avoir des portefeuilles de ministres ?
Le MPP a été élu. C’est à eux que les Burkinabè ont donné le pouvoir. Ils sont arrivés à l’Assemblée nationale. Ils se sont rendus compte qu’ils n’avaient pas la majorité absolue. Ils sont allés élargir leur majorité avec les partis politiques dont ils pensent qu’ils peuvent être d’un concours pour travailler, UNIR/PS, PAREN, PDS/Metba, NTD. C’est leur choix.
S’ils avaient besoin d’autres personnes, ils seraient allés vers ces personnes. J’ajoute que c’est un peu indécent qu’un opposant s’invite à la table d’un régime. C’est cela même qui fait que l’opinion est parfois critique vis-à-vis des opposants. Il y a un minimum de dignité et de sérieux qu’il faut avoir, même si on est en politique.
B24 : Dans ce cas, si le Président Roch Kaboré venait vous proposer le poste de Premier ministre, est-ce que vous allez…
ZD : Non non non, ce n’est pas à l’ordre du jour !
B24 : Mais s’il venait à vous le proposer malgré tout ?
ZD : (Rire) Ce n’est pas à l’ordre du jour !
B24 : Le Burkina est confronté actuellement à des problèmes sécuritaires. Selon vous, que peut-on avoir comme solutions pour répondre aux attaques terroristes ?
ZD : C’est un dossier compliqué que ne je connais pas dans les détails. Mais nous sommes des citoyens qui observons et nous disons simplement que les forces de défense et de sécurité ont sans doute besoin de l’équipement qu’il faut, de l’entrainement qu’il faut, des renseignements qu’il faut pour pouvoir contrer cette menace qui prend de l’ampleur quand on regarde la multiplication des attaques.
C’est l’occasion pour moi de féliciter les Forces de défense et de sécurité pour ce qu’elles ont fait ce week-end (évènement de Kilwin, ndlr) puisque, nous dit-on, elles ont réussi à mettre la main sur un présumé terroriste. On aimerait que ces genres d’actions qui sont des actions préventives se multiplient pour rassurer les populations que nos autorités prennent vraiment à bras le corps les questions de sécurité.
B24 : Qu’est-ce que vous voulez que les Burkinabè retiennent de la conférence nationale sur l’insurrection ?
ZD : Qu’elle a été un instant où on a tiré des leçons et des enseignements qui peuvent servir pour le futur du pays. C’est une introspection qui n’a pas d’autres ambitions. Et que surtout, elle a permis que sur une question épineuse comme celle de la réconciliation nationale, des propositions pertinentes aient été faites à l’attention à la fois du public et aussi pour l’intérêt de ceux qui nous gouvernent.
Interview réalisée par Abdou ZOURE et Ignace Ismaël NABOLE
Burkina24
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