Employés licenciés : « SMB est une entreprise qui est de passage, mais nous sommes condamnés à être Burkinabè », dixit Saïdou Sinaré

Publié le vendredi 30 janvier 2015


4 décembre 2014. C'est le début de la crise à la societé des mines de Belahouro (SBM). Les employés refusent de continuer à « serrer la ceinture » suite aux mesures prises par les premiers responsables et que les employés considèrent de « trop ». Après un arrêt de travail observé qui n'a été du goût des patrons et une médiation quasi « avortée », 300 travailleurs se trouvent à la rue sans indemnisation. Ce vendredi 30 janvier 2015, ils étaient réunis à l'occasion d'une assemblée générale pour discuter de la situation en attendant la venue de l'huissier qui devra leur notifier leur lettre de licenciement. Nous nous sommes entretenus avec le délégué général de ces travailleurs déflatés, M. Saïdou Sinaré, à l'heure où l'huissier tardait à venir, sans doute par peur pour sa sécurité. Rappelons que près d'une dizaine de minutes après cet entretien, l'huissier était sur les lieux avec les lettres de licenciement.




Lefaso.net : Quel est le but de l'assemblée générale de ce matin ?


Le but de cette assemblée générale est de faire le point aux travailleurs des différentes actions que les représentants ont entreprises et mènent jusqu'à présent sur la crise. Mais au cours de l'AG, suite à l'intervention du Directeur général de la société des mines de Belahouro sur la télévision BF1, les travailleurs ont demandé que l'Huissier se déporte ici pour leur notifier leur lettre de licenciement. Sur les ondes de BF1, le DG a fait comprendre qu'il récuse le procès-verbal dont ils sont signataires en disant que c'est un PV de constat et non un PV de conciliation. Ce qui n'est pas juste. Deuxièmement, il fait comprendre qu'il ne peut plus revenir sur le licenciement des 300 employés. Comme c'est ainsi et que la médiation traine, les travailleurs ont demandé que l'huissier de déporte pour notifier à l'ensemble des travailleurs les lettres de licenciement. Nous avons donc dit à l'huissier de venir aujourd'hui. Mais il a trainé les pas jusqu'à ce que plusieurs travailleurs partent. On organise une autre assemblée générale le jeudi 5 février à 8h. On va lui demander à nouveau de venir car en tant que représentants nous avons pris l'engagement qu'il n'aura pas à craindre pour sa sécurité. Voyez ! Depuis qu'on a demandé à organiser cette AG, la CRS (ndlr : Compagnie républicaine de sécurité) est présente sur les lieux. Ce n'est pas la peine d'appeler les travailleurs dans les rues de la ville pour leur notifier leur lettre de licenciement. S'ils le font, ce sera à leurs dépens si quelque chose leur arrivait. Par contre si l'huissier vient ici (ndlr : près du siège de la (SMB), il aura le maximum de travailleurs pour faire son travail. Ceux-là prendront leur lettre et iront au contentieux rapidement pour ne pas trainer.


Est-ce que la societé a prévu de vous indemniser ?


Effectivement ce que nous avons déploré ce sont déjà les licenciements abusifs. Il n'y a rien comme indemnité. Après cinq ou six ans de loyaux services rendus à la société, on te met dans la rue sans droits légaux et conventionnels, comprenez que ça fait mal. D'ailleurs ils sont partie prenante d'un PV qu'ils ne veulent pas respecter. Vous avez vu sur les ondes où le syndicat chargeait le ministère des mines pour sa complicité vis-à-vis de ces licenciements. Jusqu'à présent, nous ne savons pas quelle est la décision des autorités. Cela fait deux mois que 300 employés sont sans salaires. On nous dira d'attendre alors qu'on ne peut pas attendre indéfiniment car nous avons des familles à nourrir. Et ce qui complique les choses, c'est que ces travailleurs n'ont pas leur certificat de travail pour chercher du boulot, ils sont partis sans droits. Ben ! On dit à chacun de se débrouiller. Je trouve que c'est méchant !


Le ministre des mines avait promis de transmettre une correspondance aux responsables de la SMB. Qu'en est-il ?


A l'issue du Ministre des mines, nous avons été reçus au lendemain de notre conférence de presse (ndlr : mardi 27 janvier 2015) par deux conseillers du premier ministère. On leur a transmis notre mémorandum, on leur a expliqué la situation. Ils ont promis de nous revenir mais c'est depuis la même chanson. Nous ne pouvons pas comprendre qu'on nous dise que nous sommes en médiation et que le DG passe à la télévision pour dire qu'il a licencié ses employés.


Combien de travailleurs comptent la SMB ?


La société compte exactement 728 travailleurs nationaux et 309 ont été contactés pour reprendre le boulot. Le reste a été mis sur le carreau.


Et les travailleurs qui ont été rappelés, vous soutiennent-ils toujours ?


Ils ont été rappelés mais c'est l'enfer là-bas. C'est vrai qu'en les rappelant, ils ont divisé la lutte. On a été clair avec les travailleurs : ce n'est pas la peine de reprendre le boulot dans les mêmes conditions de l'avant sit-in. Ils n'ont rien reçu comme amélioration et les mêmes problèmes vont surgir. D'après que c'est devenu la loi du talion. Ils menacent de renvoyer celui qui ne veut pas accepter les conditions. Ils sont là-bas sans délégué, ils n'ont donc pas de porte-parole pour défendre leurs intérêt. On ne pourra pas dire qu'ils nous soutiennent car ils sont partis là-bas pour leurs intérêts

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Que comptez-vous faire si rien n'est décidément fait ?


Les gens sont suffisamment informés du dossier. Et nous avons le soutien de l'unité d'action syndicale. S'il y a une mauvaise volonté de la part de certaines autorités, nous allons peut-être chercher un avocat et aller au contentieux. Cela prendra le temps qu'il faut. Ce que je voudrais rappeler aux gens, c'est cette fuite de responsabilité. SMB est une entreprise qui est de passage, mais nous sommes condamnés à être Burkinabè. Et les actes des uns et des autres peuvent les rattraper un jour. C'est le message que j'aimerai faire passer aux autorités qui tournent autour du dossier. Deuxièmement, c'est une fuite de responsabilité de la part de SMB, car la societé ne peut pas recruter des employés et demander après à un huissier leur notifie leur licenciement dans la rue. C'est moralement inadmissible !


Propos recueillis par Herman Frédéric BASSOLE

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