Transition au Burkina : une économie malmenée, un gouvernement sans boussole, selon l'institut Free Afrik

Publié le vendredi 30 janvier 2015


L'institut Free Afrik vient de rendre publique son étude annuelle sur « économie mondiale, économie burkinabè ». Au cours d'une conférence publique tenue le 29 janvier au Conseil burkinabè des chargeurs, le directeur exécutif de l'institut a présenté le contenu du document. Et, même si la situation n'est pas encore alarmante, il y a lieu d'être pessimiste pour 2015. A moins que les autorités de la transition ne prennent le taureau par les cornes. En tous les cas, ils sont invités à arrêter de malmener l'économie nationale.




En 2014, l'économie burkinabè a été sérieusement maltraitée par l'agenda de l'article 37. Pour 2015, les revendications sociales s'amoncellent déjà. Pire, le gouvernement de la transition semble sans boussole, en tout cas pas un agenda économique clair jusque-là. Au niveau des partis politiques qui sont déjà en campagne électorale, on constate un vide programmatique dans les offres. C'est dire que la situation économique du Burkina n'incite pas à l'optimisme. C'est le diagnostic que dresse l'institut Free Afrik dans son étude annuelle sur « économie mondiale, économie burkinabè ». Ces résultats ont été présentés par Dr Ra-Sablga Seydou Ouédraogo, le directeur exécutif de l'institut Free Afrik. Ce document vise une meilleure compréhension économique de l'année écoulée et les projections pour l'année à venir.

Cette étude désormais annuelle insiste aussi sur les facteurs au niveau national et international qui ont des effets sur l'économie burkinabè. En 2014, c'est d'abord la menace Ebola qui a eu des effets négatifs très importants, notamment sur l'hôtellerie. A cela, s'ajoute la situation socio-politique qu'a traversée le pays. « Bien avant l'insurrection, il y avait un ralentissement de l'économie en lien avec l'agenda de l'article 37 qui n'était pas un bon agenda pour l'économie. L'année s'est terminée par une insurrection qui est une très bonne chose pour le renouveau démocratique, mais qui a engendré des dégâts économiques importants. Et la transition peine à nous ressortir de cela », précise Dr Ra-Sablga Ouédraogo.


Un environnement international difficile


Au niveau international, la baisse du court du pétrole est contre-balancée par la dépréciation de l'euro par rapport au dollar. Pour ne rien arranger, le court du coton ne se porte pas bien. Tout comme celui de l'or. Que dire de la secte islamique Boko Haram qui constitue une menace sécuritaire (qui aura des conséquences sur l'économie) en Afrique de l'Ouest ? En gros, l'environnement international met notre pays dans une situation de transition difficile.

Pourtant, « il y a urgence à ce que la transition se mette dans un cap très clair. On n'a pas d'agenda de la transition, il y a une fixation quasi-exclusive sur les élections qui est légitime parce qu'on sait qu'on a besoin des élections pour sortir de cette situation. Mais, il faut bien comprendre qu'on ne peut pas maltraiter l'économie et qu'il y a des attentes socio-économiques importantes. Si on ne traite pas à minima ces attentes, on risque d'avoir des élections sans une grande participation », prévient Dr Ra-Sablga Ouédraogo.


Quid de la dette intérieure ?


La dette intérieure du Burkina est estimée à environ 200 milliards de francs CFA. Le gouvernement annonce vouloir traiter cette question. Une décision à saluer à priori. Sauf que là encore, il prend la question par le mauvais bout. « On a compris que l'Etat veut reprendre ses dépôts au niveau des banques pour payer cette dette intérieure. On pense que ce n'est pas la meilleure des solutions », soutient le directeur exécutif de Free Afrik. Tel que proposée, cette façon de résoudre le problème va fragiliser sérieusement les banques. L'étude propose plutôt à l'Etat d'envisager un endettement public plus important (un emprunt obligataire par exemple) pour éviter de trop fragiliser les banques tout en permettant à l'économie privée de pouvoir repartir également avec du cash.


Le monde économique oublié par la transition ?


La situation économique n'était déjà pas très reluisante avant l'insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Et, ces évènements ont engendrés des dégâts énormes, notamment sur le plan des infrastructures, aussi bien publiques que privées. Avec comme conséquences : des pertes d'emplois et des entreprises à genou. L'Etat devrait travailler à aider à relever ces entreprises atteintes.

Pourtant, jusque-là, tous les acteurs (syndicats, la société civile, les partis politiques…) ont été rencontrés par les autorités de la transition sauf le monde économique. Certes, cette posture s'explique par le fait que ce monde économique était largement discrédité par son accointance avec l'ancien régime. Qu'à cela ne tienne, « il est important de comprendre que l'économie tient la société et que, par conséquent, si nous maltraitons notre économie de la sorte, nous sommes en train de faire des dégâts sociaux colossaux », rappelle Free Afrik.


Le gouvernement doit être proactif


C'est pourquoi, les responsables de l'institut invitent les autorités de la transition à nouer ou renouer le fil du dialogue avec tous les acteurs. « Pour donner confiance aux acteurs, il faut que l'Etat prenne les devants pour construire un dialogue social en faveur du renouveau économique. Il faut que l'Etat soit proactif, qu'il devance les revendications. Le dialogue social, ça ne coûte pas de l'argent, mais ça coûte du temps et de l'énergie politique. Mais, il est absolument important de le faire », insiste Dr Ouédraogo.


Pour éviter un délitement social et économique important, l'Institut Free Afrik lance un appel à tous les acteurs qui aspirent à diriger le Burkina dans les années à venir à penser à des alternatives pendant qu'il est encore temps. En tous les cas, l'institut Free Afrik semble avoir rempli sa part de contrat en tirant sur la sonnette d'alarme. Aux politiques de poursuivre !


Moussa Diallo

Lefaso.net





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