Ne pas tomber dans le piège

Publié le vendredi 7 octobre 2016

Le conseil des ministres du mercredi 6 octobre 2016 a accouché d’une décision historique. Le gouvernement du Président Patrice Talon au sein duquel pullulent pourtant d’éminents défenseurs des droits de l’homme a décidé d’interdire toutes les manifestations sur les quatre universités publiques du Bénin. Raison évoquée, la préservation de la sécurité. En clair, ni l’Unseb, ni la Fneb, ni le Synraes (puisque les professeurs qui font partie de la communauté universitaire manifestent aussi) encore moins l’Uneb et je ne sais plus quelles autres organisations estudiantines ne pourra organiser quelque manifestation sur ces universités.

Sur la toile et dans plusieurs milieux syndicaux, des voix se sont rapidement élevées pour condamner cette décision gouvernementale. Les rouges de la Confédération syndicale des travailleurs du Bénin dont le Secrétaire général est Paul Essè Iko ont demandé au Président Patrice Talon de ne pas franchir la ligne rouge. Un peu comme pour paraphraser l’autre. Le remuant Dieudonné Lokossou de la Confédération des syndicats autonomes du Bénin (Csa-Bénin) n’a pas lui aussi manqué de désavouer Patrice Talon et ces ministres à travers cette décision qu’ils viennent de prendre. Au niveau des syndicats des étudiants, c’est aussi le tôlé ¨général. Chaque responsable syndical est allé de son imagination et de sa verve pour dénoncer le coup d’arrête du régime Talon à la liberté syndicale garantie par la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 à travers plusieurs de ses dispositions.

 » Interdire d’activités même temporairement les associations d’étudiants sur les différents campus du Benin me paraît grave comme décision d’un gouvernement qui prône la rupture et le nouveau départ. Évoquer de plus des raisons de sécurité apparaît aussi comme un aveu d’échec du pouvoir qui nous dirige depuis 6 mois. Je n’ose même pas conclure que de graves menaces planent sur les libertés dans ce pays « , tel est le commentaire qui a été fait de cette décision par mon confrère Gaspard Adjamonssi sur sa page Facebook.

Selon l’article 25 de la Constitution du 11 décembre 1990,  » L’Etat reconnaît et garantit, dans les conditions fixées par la loi, la liberté d’aller et de venir, la liberté d’association, de réunion, de cortège et de manifestation. Plus loin à l’article 31 de cette même loi fondamentale encore en vigueur en République du Bénin, il est clairement écrit ceci :  » L’Etat reconnaît et garantit le droit de grève. Tout travailleur peut défendre, dans les conditions prévues par la loi, ses droits et ses intérêts soit individuellement, soit collectivement ou par l’action syndicale. Le droit de grève s’exerce dans les conditions définies par la loi « .

En prenant la décision interdisant les manifestations sur les campus universitaires, le gouvernement du Président Talon a-t-il pris la peine de lire ces dispositions de la Constitution ? La question mérite en tout cas d’être posée. Ayons le courage de le reconnaître. La décision de Talon est en conflit avec la loi fondamentale du Bénin. Je ne parlerai pas de violation puisque je ne suis pas le juge constitutionnel. Mais la réalité est là et saute à l’œil. Cette décision de Talon doit être combattue au nom de la préservation des acquis de la conférence nationale.de février 1990.

Nous devons protester contre cette décision car se taire, c’est tomber dans le piège tendu par le Président Patrice Talon. La protestation à laquelle je convie les uns et les autres ne sera pas violente encore moins bruyante. Face à cette provocation du gouvernement, je n’appellerai pas les Etudiants et les Enseignants des quatre universités publiques du Bénin à une révolte population ou à prendre d’assaut les rues. Je les inviterai à user de toutes les voies de recours qu’offre la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 pour dire non à cette imposture. Je plaide pour que la décision du gouvernement soit tout simplement déférée devant la Cour Constitutionnelle et après chacun pourra aviser.

En tout cas, ce sont les premiers signes d’une dictature qui ne dit pas son nom qui sont ainsi annoncés. Aujourd’hui, ce sont les Etudiants et indirectement les enseignants des quatre universités publiques du Bénin qui sont visés. Demain, ce sera le tour de qui ? Certainement des syndicalistes et pourquoi pas des politiciens et des autres composantes importantes de la Nation. Il urge d’agir. Bien entendu dans les règles de l’art.

C’est ce que je crois !

Affissou Anonrin


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