Alternance en Afrique : La rupture promise par la nouvelle génération d’opposants est une « arlésienne »
«Malgré le multipartisme en Afrique francophone, la gestion du pouvoir, dans la pratique, se révèle être toujours l’affaire d’une poignée de personnes et de leur appareil politique ». C’est l’analyse que fait le statisticien et analyste politique Honko Roger Judicael Bemahoun. Dans une réflexion postée sur libreafrique.org, il évoque le cas du Sénégal et du Burkina Faso, deux pays dons les actuels dirigeants sont issus non pas des « oppositions historiques », comme c’est le cas en Guinée et au Niger, mais des arcanes des partis au pouvoir dont ils ont longtemps été des éléments clés.
Honko Bemahoun est dubitatif quant à la capacité des opposants historiques à accéder à la magistrature suprême. Ils ont « peu de chances » de se faire élire contrairement à la « nouvelle génération d’opposants incarnée par des hommes et des femmes issus des arcanes du pouvoir » et qui « se montre électoralement plus redoutable ».
C’est le cas au Burkina Faso avec Roch Marc Christian KABORE, qui a quitté en 2014 le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), pour se faire élire président du Faso en novembre 2015 sous la coupe du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Ses anciens camarades du CDP ont en effet créé le qualificatif « ancien nouveau pouvoir » pour mieux situer le contexte de l’arrivée du MPP au pouvoir.
Même scénario au Sénégal avec le président Macky Sall. Lui aussi avait quitté en 2008 le Parti démocratique sénégalais (PDS). Un départ qui dit-il, « a politiquement fragilisé son mentor politique le président Abdoulaye Wade qui nourrissait l’ambition de briguer un troisième mandat consécutif ».
Et même si d’aucuns soutiennent que ces néo-opposants peuvent être des remparts à des velléités de patrimonialisation du pouvoir, Honko Bemahoun s’interroge sur leurs « capacités réelles » à constituer des « alternatives politiques crédibles ».
En attendant la fin du quinquennat au Burkina, l’analyste a fait une halte sur les 4 ans de gestion du Président sénégalais. H. Bemahoun voit en la réalisation de la promesse électorale de « réduire le mandat du septennat au quinquennat » une manière de suivre « les traces de ces dinosaures politiques qui ont fait dans le saupoudrage démocratique, en s’accrochant ad vitam aeternam aux délices du pouvoir ». Une tentative qui selon lui a terni son image et fait remonter à la surface « l’inculture démocratique de la classe politique africaine ».
« Les inégalités se creusent, faute de stratégie de croissance inclusive »
Selon lui, même si, la croissance annuelle du PIB est passée de 3,49% en 2013 à 6,49% de 2015, « certes une bonne réalisation », elle n’a pas profité à tous les Sénégalais qui n’ont pas ressenti une « réelle » amélioration de leurs conditions de vie. Il cite l’indice de développement humain (IDH) qui stagne autour de 0,46 depuis 2013 une baisse de 0,326 en 2013 à 0,305 en 2014, plaçant le Sénégal au 170ème rang sur 188. « Les inégalités sont en train de se creuser, faute de stratégie de croissance inclusive », dit-il.
Le « Plan Sénégal Emergent 2014-2018(PSE) », équivalent du Plan national de développement économique et sociale (PNDES) en cours d’implémentation au Burkina Faso, ressemble selon lui à « du déjà vu ». L’approche de « développement par le haut » accrue de l’Etat dans la sphère économique combinée à « l’excès d’interventionnisme », explique-t-il, ont montré leurs limites.
Et en dépit de la volonté affichée de promouvoir le secteur privé et des discours sur l’économie de marché, « dans les faits, l’économie est toujours contrôlée et dirigée par l’Etat », dit-il, car « la planification centralisée a la peau dure ». Conclusion, indique Honko Bemahoun, « la rupture tant souhaitée s’apparente à une arlésienne (chose attendue et qui n’arrive pas ndlr) ».
Synthèse de Oui KOETA
Burkina24
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