Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes : Un pari presque gagné par le Bénin sur le front de l’OMD3
Le Bénin compte parmi les pays de l’Afrique subsaharienne qui ont accompli un grand progrès dans l’atteinte du 3è Objectif du millénaire pour le développement (OMD3). Le rapport réalisé par le Pnud en mai 2016 l’atteste. Toutefois, des points d’ombre persistent, notamment sur le marché de l’emploi et dans les instances de prises de décisions (surtout politiques).
La parité filles-garçons à l’école primaire est l’une des grandes réussites des OMD, même si le chemin à parcourir pour garantir l’égalité des genres tout au long du parcours scolaire reste long. En Afrique subsaharienne, les filles restent désavantagées. Il en va de même sur le marché du travail, où les femmes gagnent en moyenne 30 % de moins que les hommes. En matière de participation politique, d’importants progrès ont été notés dans le monde depuis 1995, date de l’adoption du Programme d’action de Beijing sur l’autonomisation des femmes. Ainsi, la proportion moyenne de femmes au parlement a presque doublé dans le monde, passant de 11% en 1995 à 22 % en janvier 2015 et l’Afrique subsaharienne domine le classement des pays où les femmes sont les mieux représentées dans l’exercice du pouvoir législatif. Ce tableau global colle bien avec les résultats obtenus par le Bénin dans l’atteinte de l’OMD3.
Pari gagné sur le front de l’éducation, mais…
La parité dans l’éducation est presque atteinte à l’école primaire au Bénin. Elle est en bonne voie au niveau secondaire. Au supérieur par contre, elle est encore mise à mal. C’est ce que révèle le rapport du Pnud. « Si la parité à l’école maternelle est dépassée depuis 2009 (ratio fille/garçon 1,08 en 2014), la marginalisation des filles se déroule progressivement tout au long de leur parcours scolaire », atteste le rapport qui ajoute qu’une première déperdition a lieu lors de l’inscription au primaire (ratio filles/garçons de 0,93 pour le taux net d’admission). Ce phénomène, poursuit le rapport du Pnud s’accentue en cours secondaire (ratio filles/garçons de 0,76 en 2014) alors même que la transition vers le secondaire est quasiment paritaire (0,99 en 2014). L’écart, précise le rapport, reste important dans le cycle supérieur (ratio de 0,16 en 2011). La fécondité précoce est sans nul doute l’un des facteurs qui expliquent cet état de chose. En 2014, dans la tranche des 20-24 ans, près d’une femme sur 05 (19,4%) a eu au moins une naissance vivante avant l’âge de 18 ans. Les départements urbanisés présentent plus de parité, à commencer par le Littoral, comprenant la ville de Cotonou, qui est le seul à avoir atteint la parité dans l’enseignement primaire (1,02). « à nette évolution notée en faveur d’une parité quasi-parfaite à l’école primaire en 2014 (0,95 selon MICS) reste à pondérer avec les efforts à fournir pour limiter les décrochages des filles aux niveaux secondaire et supérieur », précise le rapport.
Marché du travail : encore des inégalités
Au Bénin, il est à retenir par ailleurs que la grande majorité des femmes (95% en 2011) travaille dans le secteur informel. Près de la moitié exerce dans le secteur des services, essentiellement dans le commerce. A ce titre, une large majorité (72,8% contre 67,9% des hommes) travaille à leur propre compte. Dans le même sens, le ratio femmes/hommes bénéficiaires de microcrédit en 2011 se chiffre à 1,4 (UEMOA). Ces microcrédits servent surtout à financer des activités à caractère commercial de court terme au lieu de financer l’investissement productif à long terme. Seules 5 % sont salariées contre 16,8% des hommes. La proportion de femmes travaillant dans l’administration publique n’a pas évolué de façon significative. Le ratio femmes/hommes agents permanents de l’Etat n’a pas dépassé 0,39 entre 2000 et 2008 et il est encore moindre pour les cadres (0,23 en moyenne de 2000 à 2008 selon TBS 2012) de cette catégorie. Ce ratio atteint à peine 0,26 (TBS 2012) parmi les enseignements du cycle primaire Par ailleurs, la proportion de femmes-soutien familial est quasiment le double de celui des hommes (17,2 % contre 8,9 %). Les femmes sont également proportionnellement moins nombreuses à être employeurs que les hommes (0,7% contre 2%). Cet état de fait n’a quasiment pas évolué en 10 ans, reflétant ainsi la prévalence de la conception traditionnelle des rôles au Bénin. Le travail informel et l’aide familial souvent non comptabilisés en tant qu’activité économique, se caractérisent généralement par l’absence de protection sociale et rendent les femmes plus vulnérables à la pauvreté.
Scène politique : une inégalité plus accentuée
Sur les 25 dernières années, mentionne le rapport du Pnud sur les OMD au Bénin, la proportion de sièges occupés par des femmes à l’Assemblée Nationale n’a dépassé 10 % qu’une seule fois, lors de la législature 2007-2011. Le pourcentage des femmes au sein de l’Exécutif a connu un pic à 30 % aux trois gouvernements de mai 2011 à août 2013. Au niveau communal, leur représentativité est minime : 2,6% des maires sont des femmes. Ceci fait dire à certains analystes que le dynamisme des femmes en matière économique contraste avec leur participation à la chose politique, donc aux organes de prise de décisions.
Des résultats à la mesure des politiques
L’Etat a pris différentes mesures pour réduire le fossé entre les filles et les garçons dès le plus jeune âge à travers l’exonération des frais de scolarité des filles au primaire et au premier cycle du secondaire, mais aussi à travers l’adoption, en 2004 du Code des personnes et de la famille qui fixe l’âge légal du mariage à 18 ans. Pour promouvoir l’autono-misation économique des femmes, le gouvernement a mis en place, avec l’appui des partenaires, un programme de microcrédits à destination des plus pauvres, qui compte 94% des femmes parmi ses bénéficiaires, soit plus d’un million à l’échelle du bénin. En revanche, la mise en œuvre de mesures en faveur de la parité, notamment en politique, exige un leadership politique renforcé qui fait encore défaut à ce jour. Ce manque de leadership dans la promotion d’une égalité de fait entre les femmes et les hommes se reflète dans le peu de ressources consacrées à cette problématique. Au total, moins d’1% du budget général de l’Etat est consacré spécifiquement à la promotion du genre. Une réalité bien triste !
Affissou Anonrin (Source : Rapport PNUD mai 2016)
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