Projet de conférence des insurgés : « Celui qui a l’art de rappeler les bagarres du passé s’en sortira toujours la tête percée »
Dans cette déclaration, Sibiri Nestor Samné se prononce sur la conférence des insurgés projetée par la Coalition Zeph 2015.
L’insurrection des 30 et 31 Octobre 2014 vécue par les Burkinabè est la résultante de la volonté affichée d’une portion du peuple d’imposer ses lois et du refus catégorique d’une autre portion, excédée par les abus de la part de ceux qui jouissaient des délices du pouvoir. Un défaut de consensus a conduit au forcing qui s’est soldé par le départ du Président Compaoré avec son dernier gouvernement.
Si cet évènement a exalté le Burkina Faso aux yeux du monde entier, il demeure un condensé de souvenirs douloureux pour beaucoup : l’Etat a perdu certains de ses édifices saccagés et brûlés, des opérateurs économiques ont perdu énormément de leurs investissements, des citoyens ont perdu leur domiciles et d’autres ont été « affectés » sans préavis au chômage. Le comble des malheurs a été enregistré par les victimes qui sont tombés sous les balles ou dans les bousculades mais aussi, leurs familles endeuillées.
Il en découle que l’Insurrection populaire peut être comparée à une boisson semi-amère, semi sucrée que les Burkinabè ont bue. Si certains n’en ont fait que l’expérience de son goût doux et sucré, à d’autres par contre, on a injustement imposé son côté amère.
Ils en ressentent jusqu’à présent des nausées insupportables. Je ne parle pas de ceux qui en ont payé volontairement le prix car ayant récolté les conséquences de leurs options hasardeuses. J’indique ici les victimes innocentes, ceux et celles que les balles perdues ont mortellement percutés alors qu’ils n’avaient rien à voir avec les politiques.
Des veuves, des orphelins, des veufs, des mères inconsolables ont certainement une autre appréciation de cette insurrection, surtout quand on pense que la justice pour les martyrs semble être le dernier des soucis de ceux qui se querellent jalousement sur la paternité de cette insurrection et qui en sont aujourd’hui des bénéficiaires heureux. Cet évènement politique a été sanglant pour certains mais une occasion juteuse pour d’autres.
Au-delà de toute appréciation, il a été l’expression de la suprématie sacrée du peuple sur les volontés individuelles de vouloir faire du pays, un business personnel. Si l’insurrection a fait avorter les rêves privés de « ceux qui sont partis en retard » (par opposition aux architectes qui ont quitté le navire juste avant), elle reste un avertissement sûr à ceux qui croiraient que ça n’arrive qu’aux autres. Sur ce, l’Insurrection est désormais comme cette voix sereine, ferme et discrète qui murmure dans les oreilles des politiciens de tout acabit ceci : « Le marigot a englouti plus qu’un cheval chétif ».
Dans une tentative de recherche de sortie de ces crises qui ont « déplumé » le pays, la réconciliation nationale semble à mon avis, la seule alternative pour regrouper les fils et filles dans le même bercail pour un Burkina nouveau. La réconciliation dans la vérité et la justice, pas la réconciliation qui équivaudrait à la promotion de l’impunité (peut-être difficile avec la volonté de ne pas céder à la justice son indépendance). La création du Comité de réconciliation atteste le bien fondé de ma vision. Mais pendant qu’on en parle, serait-il opportun d’évoquer l’idée d’organiser une conférence sur un évènement aux visages mitigés ? La conférence des Insurgés ?
A Monsieur Zéphirin DIABRE et à tout autre partenaire du même projet, j’emprunte les mots de la sagesse africaine pour dire ceci : « Celui qui a l’art d’évoquer les bagarres du passé s’en sortira la tête percée » (Proverbe moaga- Zab tinss yaa zu-wurungu). Je ne doute pas de vos bonnes intentions pour le pays, mais adoptez la vision africaine selon laquelle, « la pluie d’hier est partie avec son courant d’air frais ».
Ne remuez pas les plaies, ne faites pas pleurer à nouveaux les veuves et les orphelins, n’enflammez pas la colère des victimes ignorées, délaissées, oubliées mais souffrantes. Après le déluge et les incendies, il faut penser à la reconstruction. Recherchez ce qui va apaiser les cœurs, évitez ce qui divise le pays, donc l’affaiblit, pour permettre une marche d’ensemble et d’union vers un horizon plus fleurissant. Ceci n’a pas pour but de convaincre, mais de susciter davantage la réflexion.
Sibiri Nestor SAMNE
Email : sasimastor@hotmail.com
NDLR : Le titre est de l’auteur
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