Le regard de Monica : « La politique dans le corps des femmes » (première partie)
Le Regard de Monica est chronique de Burkina24 qui est animée chaque jeudi par Monica Rinaldi, une Italienne vivant au Burkina. Cette chronique traite de sujets liés aux femmes, à la consommation locale et aux faits de société.
« Investir dans la planification familiale, un choix avisé ». « La beauté n’a pas d’âge, la fertilité oui ».
Deux phrases, issues de deux campagnes menées récemment dans deux Pays différents, mais tournant autour du même thème : la fertilité, la maternité, le choix de devenir parents.Selon les statistiques nationales, au Burkina Faso le taux de fertilité est de 6 enfants par femme. Dans le temps, ce nombre était plus élevé : successivement, la diminution – lente, trop lente, mais existante – de la mortalité infanto-juvénile a progressivement emmené les femmes (ou mieux les ménages) à réduire tout légèrement le nombre d’enfants souhaité.
Néanmoins, le taux de croissance de la population se maintient très élevé, plus de 3% par an. Cela signifie que chaque année, notre nombre augmente de plus de 500.000 unités. Cela a des conséquences sur plusieurs aspects de la vie nationale, mais aussi sur la vie personnelle et professionnelle des ménages, et notamment des femmes.
Au niveau national, une croissance très élevée rend particulièrement difficile de relever les défis du développement : à titre d’exemple, dans les dernières années notre production agricole ajustée a augmenté de 3 à 3,5% par an, mais avec une croissance de 3,17%, c’est comme si nous étions à croissance zéro… Ou encore, une croissance de 4% du PIB est pratiquement annulée par une population qui grandit à ces proportions – surtout si l’on considère que la répartition de cette croissance n’est pas équilibrée, de par ses sources.
Au niveau individuel, il est souvent évoqué qu’une femme qui doit s’occuper de plusieurs enfants n’a pas le temps de conduire une activité professionnelle proprement dite – ce qui rend la situation économique du ménage plus précaire. Ce fait est aussi déterminé par le fait que les ressources disponibles dans le ménage doivent être divisées par plusieurs enfants, réduisant évidemment la partie destinée à chacun.
À l’opposé, une trop basse natalité a également des conséquences néfastes. L’Italie, d’où vient le slogan reporté au début de cette chronique, est le Pays avec la plus basse natalité au monde – moins de 1.37 enfants par femme.
La population de ce Pays vieillit (c’est le deuxième Pays avec la population la plus vieille, après le Japon), voire diminue, mais très lentement, grâce à la présence de familles d’origine non italienne (en majorité provenant du Maghreb, de l’Afrique sub-saharienne – dont bon nombre de Burkinabè – et de l’Europe de l’Est), plus nombreuses.
Conséquence d’une population de plus en plus vieille est le coût grandissant de la protection sociale, notamment la santé : les taxes, payées majoritairement par la population active, sont difficilement suffisantes à prendre en charge les coûts d’une population du troisième âge de plus en plus nombreuse.
En outre, l’institut national de prévoyance sociale (la CNSS italienne) a un volume grandissant de pensions à payer, à front de cotisations de moins en moins consistantes des travailleurs.
Conséquemment, on continue d’augmenter l’âge de la retraite – avec des conséquences néfastes sur l’emploi des jeunes, dont le taux de chômage ne fait qu’augmenter. Là aussi, on estime que la contribution des travailleurs d’origine non italienne à payer les pensions des retraités ne soit pas négligeable.
Des campagnes visant les femmes
Au vu de ces constats, les gouvernements de ces deux Pays ont initié des campagnes pour encourager les femmes à changer leurs comportements en termes de reproduction.
Si au Burkina le Ministère de la Santé et ses partenaires encouragent l’espacement des naissances, en Italie le Ministère exhorte les femmes à faire des enfants, en nombre plus élevé et à un âge plus jeune.
Ce n’est pas nouveau : depuis toujours, les gouvernements essaient de contrôler les naissances. Des extrêmes des régimes totalitaristes tels l’Allemagne nazi qui, elle, encourageait les couples « arianes » à faire d’enfants pour le Führer, à l’Italie fasciste où la femme devait être à la maison et faire des enfants pour la Patrie, jusqu’à la Chine maoïste avec la politique de l’enfant unique, jusqu’aux campagnes menées aujourd’hui dans les Pays à haute natalité – presque toute l’Afrique subsaharienne, le corps des femmes ne semble pas être seulement leur propriété.
Les pressions ne viennent pas seulement des gouvernements : même à l’intérieur de nos sociétés, de nos familles, les pressions pour faire (ou ne pas faire !) des enfants sont le quotidien de millions de femmes…
« Ton enfant marche déjà, tu attends quoi pour en faire un autre ? »
« Tu es déjà mariée depuis quelques mois, où est ton ventre ? »
« Eh ! Vous n’avez pas d’emploi fixe, vos salaires ne sont pas hauts… et tu es enceinte ! Fallait te protéger ! »
« Madame, nous n’allons pas permettre que vous tombiez enceinte pendant votre contrat chez nous. Êtes-vous prêtes à vous engager à ne pas tomber enceinte ? »
Qui est prête, mesdames, à dire qu’elle n’a jamais entendu au moins une de ces phrases venant d’une personne dans son entourage ? La pression se fait sur nous, nos corps et nos choix de maternité de tous les côtés, de manière plus ouverte ou plus cryptique, néanmoins toujours présente.
Mais quel est le ressenti des femmes des deux Pays sur ces campagnes ? Quel est le ressenti des hommes ? De la société en général ?
Au-delà des campagnes, que font les Gouvernements pour accompagner les femmes dans le choix qu’ils souhaitent qu’elles prennent ?
La semaine prochaine, retrouvez la suite de cette chronique sur Burkina24 !
Monica RINALDI
Chroniqueuse pour Burkina24
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