Anatole Bonkongou : « Je tends toujours la main à l’ensemble des conseillers»

Publié le mercredi 29 juin 2016

Anatole Bonkoungou, conseiller municipal de l’ODT, parti membre de la majorité présidentielle, a été réélu maire de l’arrondissement 4 de Ouagadougou, mais non sans difficulté. Une partie des conseillers municipaux, notamment du parti de la majorité présidentielle, MPP, a refusé de siéger pour l’élection du maire, bloquant ce scrutin pendant plusieurs jours. Le vote a finalement eu lieu le 28 juin 2016, mais avec l’absence des conseillers mécontents. Le transfuge du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), revient dans cette interview accordée le 29 juin 2016, dans son atelier de soudure sis à l’arrondissement 4, sur cet accouchement difficile.

Burkina24 (B24) : Vous avez été élu nouveau maire de l’arrondissement 4 de Ouagadougou. Vos premiers sentiments ?

Anatole Bonkoungou (A.B.) : Je vous remercie. C’est un sentiment de joie parce que nous avons trouvé le dénouement de la crise qui opposait les conseillers de la commune.

 Il fallait forcement mettre en place les structures pour permettre d’aller dans les grands chantiers. Je profite de votre micro pour remercier l’ensemble de la population, l’ensemble des conseillers et les exhorter à se prendre la main pour le développement de notre collectivité.

B24 : Comment les choses se sont passées hier dans l’arrondissement 4 ?

A.B: Bon, comme vous l’avez certainement suivi, hier les conseillers se sont retrouvés. Naturellement avec les difficultés qu’on connait, les 10 ne sont pas venus mais j’avoue que les textes sont clairs là-dessus et nous ne pouvons pas laisser notre arrondissement et notre collectivité dans l’impasse.

A partir du moment où nous avons reçu le mandat, l’onction du peuple, il n’y a vraiment pas de raison que pour des raisons personnelles, individuelles, on bloque le conseil municipal.

Avec les autorités, nous avons cherché à comprendre et j’avoue que les textes sont clairs. Vous pouvez mettre en place le bureau du conseil et nous avons procédé à la mise en place du conseil hier.

B24 : Qu’est-ce qui vous opposait fondamentalement aux conseillers du MPP ?

A.B: Bon, en termes clairs, il n’y pas d’opposition. Vous savez que le MPP et l’ODT travaillent ensemble. Et au regard de tout cela, nous avons travaillé pour la mise en place du conseil communal. Nous devons travailler pour la mise en place des conseils au niveau de l’arrondissement 9 où nous avons des conseillers et à l’arrondissement 10 également. Ce qui a été fait.

Mais singulièrement ici, nous étions surpris de voir que certains conseillers du MPP se retrouvaient avec nos amis de l’opposition, notamment le CDP et l’UPC pour former un autre bloc, ignorant royalement les directives du parti.

 Je ne suis pas  là-bas, je ne vais pas faire trop de commentaire mais je me dis que nous devons, ensemble, en tant qu’élus, nous prendre la main pour le développement de notre collectivité.

B24 : Est-ce que vous n’avez pas senti une certaine trahison de la part de ces conseillers, notamment ceux du MPP ?

A.B: Moi je ne dirais pas une trahison parce que c’est un engagement que mon parti a pris avec le MPP et jusqu’à l’heure où je vous parle, il n’y pas de trahison de la part du MPP vis-à-vis de l’ODT et vice versa. Mais je me dis que c’est une question de compréhension même du rôle de l’élu local.

Si non, il ne devait pas y avoir de problème si nous sommes là pour la population. Et si nous regardons tous ensemble dans la même direction pour le développement de la collectivité,  je ne vois pas pourquoi pour une histoire  de mise en place de l’organe dirigeant, on se déchire comme des chiffonniers.

B24 : Vous avez été élu par 9 conseillers sur 20. Est-ce que vous ne craignez pas que votre gestion future de la commune soit bloquée ?

A.B: Non, je me dis qu’ils vont certainement entendre raison parce que s’ils estiment qu’en bloquant le conseil ils font du tort à Anatole Bonkoungou, ils se sont trompés.

C’est en fait du tort que nous causons à la population de l’arrondissement 4. Je crois qu’ils vont entendre raison, avoir une vision plus poussée qui puisse les amener à voir justement l’intérêt supérieur de notre population plutôt que nos intérêts égoïstes.

B24 : Qu’est-ce que vous allez poser concrètement comme acte pour amener ces conseillers-là à la raison,  comme vous le dites ?

A.B: Nous continuerons la concertation et j’avoue que les sages de l’arrondissement sont également à pied d’œuvre, les responsables des différents partis travaillent toujours d’arrache-pied pour amener l’ensemble des conseillers à se prendre la main.

 Et je me dis qu’aujourd’hui,  si on connait véritablement son rôle, si on sait pourquoi on a été élu, il n’y pas de raison que de peur de pas être élu maire, on puisse travailler à bloquer un conseil municipal. Imaginez-vous un seul instant, si la population avait ce raisonnement est-ce qu’on allait même avoir des conseillers ? Je ne crois pas.

Et je crois que l’Etat central doit également travailler dans ce sens. Je ne doute pas qu’ils feront quelque chose pour faire comprendre à ces conseillers que leur rôle n’est pas de bloquer et de faire tomber le conseil municipal.

Si c’est ce qu’ils veulent, ben il n’y a pas de problème. Vous savez Bonkoungou et son équipe, nous sommes tombés et nous sommes revenus en 2012. S’ils estiment que c’est ça la solution, j’avoue que la population est là. Nous repartons encore sur le terrain et qui connait Bonkoungou, sait que ce n’est pas face à cela qu’il recule. Si c’est par exemple face à une situation qui ne tient pas la route, là je recule mais pour l’intérêt de la population, c’est un engagement et pour moi c’est un sacerdoce.

B24 : Vous entamez votre deuxième mandat consécutif à la tête de votre arrondissement. Quels sont vos projets ?

A.B: Le plus grand projet c’est de travailler à la réconciliation des fils et filles de l’arrondissement 4 et à l’issue maintenant, nous verrons maintenant les grands chantiers. Comme vous le savez, les questions de l’éducation, de santé de voiries, ce sont des préoccupations auxquelles nous-mêmes nous devons nous battre pour sortir les populations de là. La question du chômage est aussi un sérieux problème.

Il faut que le conseil municipal réfléchi pour voir quelle contribution nous pouvons aussi faire à l’endroit de l’Etat central pour la résorption de cette épineuse question du chômage.

B24 : C’est un peu global ce que vous avez dit. Concrètement est-ce que vous avez un projet qui vous tient à cœur ?

A.B:  Ce que j’ai à cœur, vous voyez un peu l’état des routes. C’est sérieux. Vous voyez par exemple lors des recrutements des nouveaux élèves, nous avons par exemple des classes pléthoriques avec parfois 150 élèves. Au CEP 1, on a une vingtaine ou une trentaine qui (d’élèves qui) repartent les larmes aux yeux parce qu’ils n’ont pas été inscrits à  l’école.

Je crois que ce sont des projets auxquels nous devons nous attacher et mettre de côté nos intérêts égoïstes qui nous opposent. Si vous voyez ce qui oppose un peu les conseillers de l’arrondissement 4, il n’y a rien de fondamental. Maintenant, c’est du « si ce n’est pas moi ça ne marche pas »… Je trouve que c’est un peu gamin.

A mon avis,  si on sait ce qu’on veut, quelle mission est assignée à l’élu local, je ne crois pas qu’on soit à ce stade-là. Mais je tends toujours la main à l’ensemble des conseillers. Que ceux qui sont réticents entendent raison pour qu’on travaille pour le développement de notre collectivité. Aujourd’hui, c’est Anatole Boukoungou, demain c’est Pierre et après-demain c’est Paul.

B24 : Ce problème n’est pas seulement propre à l’arrondissement 4. Un peu partout au Burkina, il y a eu beaucoup de violences lors de l’élection des maires. Est-ce que vous ne pensez pas que cela soit une faillite des hommes politiques ?

A.B: Oui, je n’écarte pas en fait cette question d’hommes politiques. Le conseiller qu’on élit dans le quartier est aussi appelé homme politique. Mais en réalité,  est-ce que beaucoup comprennent véritablement leur rôle ? Qu’est-ce qu’ils sont venus chercher au niveau des collectivités ?

 C’est cela le problème. Ce qui pose problème dans l’arrondissement 4 n’en est pas un. Il ne devait pas exister. Il faut prendre par exemple le conseiller qui dit « si ce n’est pas moi (le maire, ndlr),  je ne vais pas au conseil ». Ils sont là avec leur mandat mais bloquent (le conseil municipal, ndlr). Moi je dirai que c’est de l’incivisme.

L’incivisme, ce n’est pas seulement brûler le feu (tricolore, ndlr), ce n’est pas seulement brûler le goudron. Lorsque celui qui est appelé à être l’éclaireur, à orienter,  à être en fait la vitrine du développement local,  joue un rôle d’incivique, qu’est-ce que vous voulez ?

Imaginez-vous un seul instant un conseiller municipal qu’on élit, il dit : « je ne pars pas ».  Son parti ne peut rien contre lui, la population non plus. Est-ce qu’il faut aller le fouetter pour qu’il vienne ? Il faut travailler à la conscientisation pour que ceux qui viennent aux affaires politiques prennent conscience véritablement de leur rôle et je crois que c’est sur cette base que nous pouvons nous en sortir.

Anatole Bonkoungou lance un appel à la cohésion à l'ensemble des conseillers municipaux de l'arrondissement 4 - © Burkina24

Anatole Bonkoungou lance un appel à la cohésion à l’ensemble des conseillers municipaux de l’arrondissement 4 – © Burkina24

A supposer qu’on n’ait pas mis en place le bureau du conseil. On allait attendre jusqu’à la fin du mandat pour que chacun reste chez lui à domicile. On attend. La loi ne peut rien dire. L’administration centrale ne peut rien dire. La population ne peut rien dire. Au bout du compte, ils vont commencer à brûler, à casser et puis on dira que la population « ça ne va pas ». Mais ceux qui sont censés lui donner l’exemple, quel type d’exemple donnent-ils ?

Je retournerai aussi la balle à vous, hommes de média. Il faut travailler dans ce sens pour qu’ils comprennent véritablement leur rôle. Sinon,  ce qui se passe à l’arrondissement 4, de mon point de vue semble être une honte. Pour moi. Le principe devrait être  de venir aux élections et on dit « je suis d’accord avec untel, je  vote pour lui ; je ne suis pas d’accord avec untel, je ne vote pas pour lui ». Ça s’arrête là.

Mais quand on je reste à la maison parce que je ne suis pas sûr d’être élu, on va où ? Voilà la raison fondamentale. Posez la question à ceux qui sont absents. Ils vous diront qu’il y a rien qui les oppose à Anatole Bonkoungou.

Il y en a qui se plaignent parce qu’ils disent que leur parti les invite à aller pactiser avec tel groupe politique. Ils disent qu’ils ne partent pas. Est-ce que c’est la faute à Anatole ?

 Il y a certains par exemple qui sont dans leur rôle, notamment ceux qui sont dans l’opposition qui disent « je ne pars pas voter parce que je sais que le nombre de conseillers ne me permet pas d’avoir la mairie ».  Ils peuvent travailler à cela. Mais là aussi c’est de l’ignorance. Si vous voyez la configuration, l’ODT a 7 conseillers, le MPP a 6 conseillers, l’UPC 2, le CDP 4 et les indépendants ont un conseiller. Et c’est aujourd’hui, un groupe de 3 conseillers qui se coalisent avec le CDP et l’UPC. Je vous laisse faire le commentaire.

B24 : Si vous les avez devant vous actuellement, quel est le message que vous allez leur dire ?

A.B: Tout simplement leur tendre la main et leur dire simplement, regardons l’intérêt supérieur de ceux qui ont confiance en nous. Ça pouvait ne pas être Anatole. S’ils étaient venus voter, qu’est-ce qui dit qu’Anatole allait passer ?

Ça pouvait être Pierre et Anatole allait l’accompagner, en ayant pour vision l’intérêt supérieur de l’arrondissement 4 qui a tant souffert. Voilà un peu  ma manière de voir les choses. J’avoue que je leur tends la main et qu’ensemble nous regardions l’intérêt supérieur de l’arrondissement.

Entretien réalisé par Abdou ZOURE et Mamady ZANGO

Burkina24


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