Moriba Traoré : « La grève des magistrats n’est pas menée contre le peuple »

Publié le mercredi 2 mars 2016

Moriba Traoré, secrétaire général du Syndicat burkinabè de magistrats (SBM), a été joint ce mercredi 2 mars 2016 par Burkina 24. Il fait le bilan de la grève que les magistrats du Burkina ont menée du 24 février au 1er mars dernier. Leurs revendications n’ayant pas connu une suite favorable, les magistrats annoncent une autre grève qui pourrait durer un mois.

Burkina24 (B24) : Quel bilan faites-vous de la grève des magistrats qui a eu lieu du 24 février au 1er mars ?

Moriba Traoré (M.T) : Sous l’angle du taux de suivi de la grève, on se retrouve avec un bilan largement satisfaisant au regard du fait que la grève a été suivie pratiquement à 100%. Pour être plus précis, quand vous prenez les différents tribunaux du Burkina Faso, la grève a été suivie à 100%, au niveau de la Cour d’appel de Bobo, elle a été suivie à 100%, la Cour d’appel de Ouaga à 98%.

Au niveau des autres juridictions, on a un taux de suivi de 100% au Conseil d’Etat, à 98% s’agissant de la Cour de cassation.

B24 : Mais au cours de ce débrayage, est-ce qu’il y a eu un contact avec les autorités pour renouer le dialogue ?

M.T : Oui ! C’est le vendredi (26 février 2016, ndlr) que nous avons été reçus par le Premier ministre à sa demande. Il a voulu comprendre par cette rencontre si on pouvait lui exposer, j’utilise ses propres termes, « les motivations réelles » de notre grève.

Quand c’est dit comme cela, nous avons l’impression qu’on pense au niveau du gouvernement que nous avons d’autres motivations, alors que dans le préavis, cela a été amplement expliqué. Donc ce qu’on a fait, c’est de reprendre le processus tel qu’il a évolué depuis 2011, les différents chocs qu’on a subis tout au long de ce processus et qui font qu’aujourd’hui, on est dans une situation de perte de confiance à l’égard du pouvoir politique.

B24 : Après cette rencontre avec le Premier ministre, est-ce qu’il y a eu une suite favorable ?

M.T : Il n’y a pas eu de proposition concrète de la part du Premier ministre. Il a souhaité qu’on puisse faire un document lui envoyer pour les mettre en rapport avec les documents qu’il a à sa disposition afin d’avoir une meilleure compréhension. C’est ce qui a été fait. On lui a envoyé le document et nous sommes dans l’attente de sa réaction par rapport à cela.

Mais ce que je crois, c’est que l’attitude du politique par rapport à ce que nous avons déjà vécu ne semble pas varier. Il n’y a pas de signal fort indiquant qu’on a compris véritablement le besoin d’indépendance de la justice. C’est pour cela que nous nous préparons à déposer un autre préavis.

B24 : Un autre préavis de grève qui va s’écouler sur combien de jours ?

M.T : Dans la communication qu’on a fait jusque-là, on a tenu à insister qu’on n’est pas sorti pour faire du symbole et que s’il n’y a pas de satisfaction, la lutte va se raffermir. Et dans la mesure où on ne semble pas avoir compris le message résultant de la grève, on est obligé de passer à une autre option qui va concerner une période au minimum d’un mois.

B24 : Un mois de grève, ne pensez-vous pas que cela va porter un fort préjudice aux justiciables ?

M.T : Une grève a forcément des conséquences qui ne sont pas celles souhaitées. Et c’est pour éviter cela que nous avons espéré de la part du gouvernement des réponses à nos préoccupations afin qu’on n’aille pas en grève.

On l’a dit à notre ministre de tutelle avant d’aller en grève parce que la grève des magistrats n’est pas menée contre le peuple. Que ce soit le peuple ou les magistrats, on est tous victimes des mêmes inconséquences du pouvoir politique.

On a tenu à rappeler au ministre, que si le peuple comptait pour le gouvernement, il fallait qu’il fasse l’effort pour trouver des réponses avant qu’on aille en grève. Mais apparemment, on n’a pas la même lecture de la situation. On n’arrive pas à se comprendre.

Propos recueillis par Yannick SAWADOGO

Burkina 24


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