Cafouillage dans l’organisation de la présidentielle de 2016 : Bruno Amoussou hausse le ton

Publié le mardi 1 mars 2016

La situation que traverse en ce moment le Bénin à quelques jours seulement du scrutin présidentiel du 6 mars 2016 commence par exaspérer les Béninois. Au nombre de ceux-ci, figurent les responsables de l’Union fait la Nation. Hier mardi 1er mars 2016, ils ont enfin décidé de sortir de leur mutisme. C’était à la faveur d’une conférence de presse organisée à l’Hôtel Azalaï de Cotonou.

Aucun sujet n’a été occulté. La distribution discriminatoire des cartes d’électeur, la lettre de l’ancien Ambassadeur Français Jean-Paul Moncheau, la continuité dans le changement dont les prémices s’observent déjà dans l’utilisation abusive des moyens de l’Etat pour faire la campagne électorale…sont autant de sujets abordés par les Présidents Antoine Kolawolé Idji et Bruno Amoussou. Pour la toute première fois, l’ancien Président du Parti social démocrate et Président de l’UN s’est prononcé aussi sur l’Alliance républicaine qui porte la candidature de Lionel Zinsou à la présidentielle du 6 mars 2016. Il y voit une sauce réchauffée dont les jeunes d’aujourd’hui doivent se méfier.

Pour les Présidents Idji et Amoussou, « de lourds nuages pèsent sur notre peuple, son unité, sa sécurité et sa prospérité ». En un mot, l’heure est tout simplement grave et il urge d’agir avant qu’il ne soit trop tard. « Nous sommes en danger ! Ce qui nous arrive provient de la volonté de Yayi Boni de réduire à néant toutes les institutions, de les mettre au service d’un pouvoir personnel qui ne tolère pas les libertés démocratiques, et pas davantage les limitations fixées par la constitution », a souligné le Président Idji Kolawolé qui, dans ses propos liminaires, a aussi dénoncé les mesures sécuritaires annoncées par le gouvernement dans le cadre du scrutin du 6 mars 2016. « Le gouvernement se permet même d’usurper les attributions de la Cena, en interdisant tout moyen de communication dans les centres de vote. Une telle mesure est illégale. Elle est en plus inapplicable », a averti le Président Antoine Kolawolé Idji.

 Affissou Anonrin

 

Intégralité de ce qu’a dit Bruno Amoussou sur chacun des sujets abordés et son appel à la jeunesse du Bénin

« Nous exigeons la même carte pour tout le monde : soit les nouvelles, soit les anciennes »

« Notre pays est en danger parce que nous nous acheminons vers des élections difficiles, mal organisées avec un pouvoir qui fait tout pour empêcher que ce scrutin se tienne dans de bonnes conditions. Cette situation nous préoccupe beaucoup à l’UN. Je voudrais revenir sur la question relative aux cartes d’électeur pour clarifier un peu la position de l’UN. Ce qui a été demandé au Cos-Lépi par le Code électoral est d’enregistrer d’abord ceux qui viennent d’avoir 18 ans et de confectionner des cartes uniquement pour ceux-là. Le Cos-Lépi n’avait pas à fabriquer de nouvelles cartes pour tout le monde. La loi ne dit pas cela et la Cour Constitutionnelle, en disant dans sa dernière décision que les cartes de 2015 sont valables pour 10 ans confirme bien qu’il n’était pas prévu dans la loi de confectionner de nouvelles cartes d’électeurs pour tout le monde. Lorsque quelqu’un perd sa carte ou ne l’a plus, le code prévoit des dispositions pour obtenir le duplicata. Donc le Cos-Lépi et le gouvernement n’avait pas à confectionner de nouvelles cartes. Le gouvernement a financé une opération illégale en donnant de l’argent pour confectionner de nouvelles cartes. Ce qui fait qu’en réalité, ces nouvelles cartes sont des cartes qui n’ont pas de valeur légalement jusqu’à ce que la dernière décision de la Cour en parle et leur donne une certaine légitimité, ces cartes n’avaient aucune valeur pour être utilisées. Cela veut dire concrètement que le Cos-Lépi, au lieu de faire le travail que lui a prescrit la loi s’est lancée dans une autre opération avec le gouvernement. Ceci fait qu’aujourd’hui, il n’a même pas été capable de remplir l’obligation légale qui consiste à délivrer des cartes aux jeunes qui viennent d’avoir 18 ans. Si après avoir établi des cartes pour ceux qui viennent d’avoir 18 ans, le Cos-Lépi se lançait dans d’autres opérations, on comprendrait en disant qu’au moins, ils ont accompli ce que la loi a prévu. Ils ne l’ont pas fait. Et c’est ce qui nous met dans la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Alors, on arrive aux aberrations que vous constatées…Ce qui est grave, c’est la discrimination instaurée dans la distribution des cartes qui ont été confectionnées illégalement. Nous devons faire en sorte que les élections ne se passent pas dans de telles conditions sans qu’il n’y ait de correction, sans qu’on ait pris les dispositions pour harmoniser la distribution des cartes, sans qu’on ait mis fin à la discrimination entre les citoyens. Il est évident que dans les zones où on n’a pas distribué les nouvelles cartes, les gens ont perdu leurs cartes. Ceux qui ont leurs nouvelles cartes ont eu ce qu’on peut considérer comme duplicata même si cela n’a pas été fait suivant les règles. Et ceux qui sont dans les zones où il n’y a pas de nouvelles cartes ont perdu définitivement leurs cartes et ne peuvent pas voter. Toutes ces discriminations entrainent des difficultés pour notre pays qui sont grosses de menaces. C’est pour cela que nous venons attirer l’attention sur cette situation et inviter, et la Cour Constitutionnelle et la Cena à prendre les mesures nécessaires pour que les citoyens soient égaux devant la loi et sur le même plan le jour du vote. Cela est très important. Ou tout le monde vote avec l’ancienne carte ou tout le monde vote avec la nouvelle. La même carte sur toute l’étendue du territoire national : soit la nouvelle ou l’ancienne. C’est ce que propose l’UN face au cafouillage qui prévaut en ce moment. Ceci dit, la campagne se déroule et je suis surpris par le fait que les gens du pouvoir ne disent rien à propos des cartes. Est-ce que cela les arrange ? Est-ce que c’est parce qu’ils sont auteurs de la situation ? Quelle conclusion peut-on en tirer ? A tout le moins, nous devons nous interroger sur ce silence et essayer de l’interpréter positivement. Mais nous ne devons pas nous étonner puisque ce qui est proposé aujourd’hui comme une nouveauté, date de plus de 60 ans ».

« Fcbe-RB-Prd : une sauce réchauffée à ne pas consommer »

 « Je voudrais rappeler à la jeunesse béninoise que de 1951 à 1972, c’est le schéma qui est proposé aujourd’hui qui a prévalu dans notre pays. Il y avait trois pôles. Un a sa zone d’influence dans l’Ouémé, un autre a sa zone d’influence dans le plateau d’Abomey et Cotonou puis le 3è pôle est du Nord. Ces trois pôles se mettaient ensemble ou se combattaient pour la conquête et l’exercice du pouvoir. Et c’est cela qui a donné le résultat que nous gérons aujourd’hui. La sauce chaude qu’on vous propose est du réchauffé qui a été congelée pendant la période révolutionnaire. Je voudrais rappeler à ceux qui l’embrassent et consomment avec enthousiasme que, compte tenu de ce que j’ai vécu, les difficultés que nous avons aujourd’hui tirent leur origine du fait que nous avons adopté un système de partis uniques régionaux. Les partis qui ont leurs encrages dans les régions ne se parlent pas pendant tout le temps et ne se retrouvent que pendant les périodes électorales pour conclure des alliances. Ça ne marche pas. Ça n’avait pas marché et ça ne marchera pas. Le projet de l’Union fait la Nation n’a pas d’autres origines. Nous avons essayé de faire en sorte que nous n’ayons plus de partis politiques régionaux qui s’unissent de temps en temps pour conquérir le pouvoir et se battent autour. Nous avons essayé de construire quelque chose. Il y a des difficultés autour bien sûr ! Mais c’est la voie qu’il faut suivre. C’est la voie qui donnera des résultats. C’est la voie qui va consolider l’unité de notre pays. Notre pays n’est pas une fédération et nous ne pouvons pas le gérer en regroupant périodiquement des forces politiques. Ne vous inquiétez pas pour les difficultés actuelles. C’est volontairement que nous avons choisi une stratégie qui donne l’impression que nous sommes écartelés entre plusieurs candidats. Nous avons dit clairement l’Alliance dans laquelle nous ne voulons pas nous trouver. Mais le reste, tout ce qui est rupture, nous devons nous battre pour cela.

 « Votez pour les candidats de la rupture »

 « Ceux qui affirment qu’ils ne veulent pas aller dans l’opposition ne sont pas dans le bon sens. Il n’y a aucune force politique qui se bat pour être dans l’opposition. Cela n’existe pas. C’est les circonstances qui vous amènent dans l’opposition. Si vous perdez les élections, vous allez dans l’opposition. Ceux qui affirment qu’ils ne veulent pas rester dans l’opposition, je vous demande de les renvoyer dans l’opposition en votant tel que nous vous demandons de le faire. Et lorsqu’on aura gagné les élections, on verra bien là où ils se retrouveront…Ce débat qui revient souvent est un débat qui m’étonne un peu de la part des personnalités qui soutiennent cela. Parce que nous avons dit de voter pour les candidats de rupture, on trouve que tel ou tel ne peut pas être candidat de rupture parce qu’il était le baron du régime de Yayi et c’est maintenant qu’il a quitté Yayi. Mais ceux qui tiennent de tels propos ne regardent pas dans l’environnement sous régional. Qui sont ceux qui ont triomphé au Burkina Faso ? Qui sont ceux qui ont balayé le régime de Compaoré ? Ils n’ont jamais été baron du Cdp ? Cela veut dire que lorsqu’à des moments donnés, des divergences profondes divisent des forces politiques, ceux qui étaient avec les dirigeants du pays peuvent bien sûr se démarquer par rapport à la politique suivie et contribuer de toute leur force au changement. Donc nous maintenons notre appel à ce que vous votiez pour les candidats de rupture, ceux qui ne soutiennent pas le candidat du pouvoir parce que l’expérience que nous vivons dans notre sous-région le prouve. Macky Sall n’était pas un membre du Pds de Wade ? Il n’a pas œuvré pour le départ de Wade ? Il reproduit fidèlement la politique de Wade aujourd’hui ? Non ! Cette façon simpliste pour poser les problèmes ne tient pas compte des réalités que nous vivons dans notre propre environnement. Je souhaite que notre jeunesse médite cela pour savoir quelle direction prendre ».

 « Ne pas banaliser les jugements de Moncheau »

 « Je remercie l’Ambassadeur Moncheau. Au moins, il a confirmé des choses que nous savions et que nous répétions sans que personne ne nous prête attention. Aujourd’hui, nous avons quelqu’un dont la voix porte et qui a vécu cette situation dire ce qui s’est passé et porte un jugement sur les candidats que nous avons en présence dans notre pays. Ne faisons pas fie de ce qu’il dit de ces différents candidats en lice ! S’il nous annonce des choses, réfléchissons à cela pour en tenir compte dans les votes que nous allons émettre ! C’est cela aujourd’hui la réalité dans notre pays et c’est pour cela que l’Union fait la Nation est là pour indiquer à chaque moment ce qui lui semble juste pour notre peuple. Vous verrez bientôt le bout de la stratégie que nous avons adoptée. Et vous verrez que c’est çà qui permet de gagner…

 « Attention ! Ce qui vient n’est pas nouveau »

 « Lorsque nous avons dit que c’est un régime de continuité qu’on veut installer chez nous, il y a eu des gens qui nous ont traités de tous les noms d’oiseau. Il y a beaucoup qui s’efforcent de montrer que ce qui va venir sera différent de ce que le Président Yayi a fait. Mais voyez la campagne électorale ! Voyez ce que font les partisans du Président Yayi ! C’est différent de ce qu’il faisait avant ? Y a-t-il une différence entre la manière dont ils conduisent les affaires publiques aujourd’hui ? Je peux témoigner et je mets quiconque au défi de me démentir que chaque fois que la campagne commence, le Président Kérékou donne des consignes fermes pour que personne n’entre dans une voiture officielle, aucun ministre et lui-même. C’est cela le respect du bien public. Nous voyons aujourd’hui que ceux que nous espérions qu’ils vont introduire de nouveaux comportements dans notre système politique, mettent fidèlement les pieds dans les empreintes laissées par leurs prédécesseurs s’en accommodent et s’en réjouissent parce qu’ils en profitent (…) Une fois encore, je voudrais lancer un appel à tout un chacun et notamment à la jeunesse béninoise pour lui dire de ne pas retourner dans ce qui a freiné le développement de notre pays. Il ne faut pas retourne là-bas. J’y étais. J’ai vécu cela. Je vous dis en toute conscience, ne retournez pas là-bas. Ne retournez pas vers les coalitions de circonstances de partis régionaux. J’entends ces jours-ci des gens dénoncer les propos que le Chef de l’Etat tient, ces propos qui mettent à mal l’unité nationale. Mais c’est dans la droite ligne de la coalition qu’il a constituée. C’est en conformité avec sa ligne politique. Ne retournez pas au passé. Les circonstances vous permettent, chers amis jeunes, de faire quelque chose de nouveau, d’ouvrir de nouvelles perspectives. Engagez-vous dedans ! Ne dégustez pas le réchauffé parce que vous vous apercevrez qu’à la fin, on vous a trompé ! »


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