Acquis syndicaux : « Si vous dormez, on peut vous les arracher », Bassolma Bazié

Publié le dimanche 3 janvier 2016

Le 3 janvier de chaque année est consacré à la commémoration du soulèvement populaire qui a conduit à la chute du pouvoir du premier président civil du Burkina, Maurice Yaméogo. Pour l’occasion, l’Union d’action syndicale (UAS) a organisé une conférence de presse pour annoncer sa conférence publique qui aura lieu le vendredi 8 janvier avec le thème : « Syndicalisme et politique ». Pour Bassolma Bazié, la lutte syndicale est une continuité et aussi dit-il, par rapport aux acquis des luttes que « si vous dormez, on peut vous les arracher ». En marge de cette rencontre, nous avons tendu notre micro à Bassolma Bazié, secrétaire général de la Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B).

Que signifie la date du 3 janvier pour vous ?

La date du 3 janvier signifie pour nous le refus de notre peuple de la mauvaise gouvernance politique économique, sociale et culturelle, mais aussi le refus de la violation des libertés individuelles et collectives. Nous nous rappelons que le feu président Maurice Yaméogo a tenté d’abord de mettre en place un parti unique qui a été refusé et suite à la mauvaise gestion des affaires publiques, il a voulu prendre un certain nombre de mesures drastiques qui devaient s’appliquer à l’ensemble des travailleurs.

Au niveau de ces mesures, il y avait la réduction des allocations familiales de plus de 50%, le rebattement des salaires de 20 %, mais aussi le blocage des avancements des travailleurs sur deux ans. Interpellé, il (Maurice Yaméogo) n’a pas voulu écouter et il y a eu la grève générale du 3 janvier 1966 qui a abouti au soulèvement populaire.

Nous retenons que nos devanciers ont été des combattants, ils ont refusé l’arbitraire et ils ont eu un esprit de sacrifice assez élevé.

Quelles leçons le pouvoir actuel peut tirer de ce soulèvement populaire ?

Les autorités actuelles doivent se remémorer, maitriser l’histoire de notre pays et savoir qu’il y aura toujours des forces telles que le mouvement syndical qui joue son rôle entier de contre-pouvoir et qui tient à le jouer de façon ferme.

Comme on le dit, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Ils ont intérêts à tirer correctement leçon du 3 janvier 1966, de la grève générale des 17 et 18 septembre 1975, de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, mais aussi de la grève générale du 16 septembre 2015 contre le coup d’Etat.

Juste pour dire que quels que soient les partis politiques qui seront sur le champ national, l’acteur politique sera au-devant de la scène politique, en termes de gestion du pouvoir d’Etat, s’il prend des décisions qui vont plonger le peuple burkinabè dans les travers, dans la misère, le mouvement syndical réagira.

Du soulèvement populaire du 3 janvier 1966 à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre, y voyez-vous des similitudes ?

Oui ! Il y a des similitudes. Le peuple burkinabè, quel que soit le prix à payer, il est toujours prêt à le payer pour que la démocratie puisse être renforcée, pour que les libertés individuelles et politiques soient sauvegardées, pour que les acquis démocratiques le soient également.

Le fait que les devanciers se sont battus en refusant l’arbitraire en ayant un esprit de sacrifice en sachant correctement se mobiliser, il va de soi que conforment à la mission qui nous a été assigné également, que nous allons dans ce sens. Dans le cas contraire, on allait non seulement déshonnorer la mémoire de nos devanciers, mais aussi répondre devant les générations futures.

Quelles doivent être les priorités du nouveau pouvoir ?

Elles s’articulent en quatre points. Le premier c’est la vérité et la justice pour les martyrs de l’insurrection, du putsch du 16 septembre et pour l’ensemble de leur famille. Le deuxième point, c’est la lutte contre l’impunité, la fraude et la corruption.

Le troisième point c’est la lutte contre la vie chère, donc la réduction du train de vie de l’Etat, l’augmentation des salaires, la réduction des prix au niveau des établissements d’éducation, l’accessibilité à la santé, la réduction du cout des produits pétroliers. Le dernier élément, c’est la lutte pour l’approfondissement de la démocratie, la défense des libertés collectives et individuelles.

Les syndicats semblent savoir ce qu’ils veulent, pourquoi ne pas participer au gouvernement pour mieux impacter les prises de décisions ?

Le rôle d’un syndicat ce n’est pas la conquête et la gestion du pouvoir d’Etat. Le syndicat joue un rôle de contre-pouvoir qui consiste à suivre de très près les décisions gouvernementales qui sont prises et interpeller le gouvernement si toutefois, ces décisions avaient beaucoup de travers sur les vies des populations.

Des Organisations de la société civile ont appelé à une trêve sociale. Allez-vous aller dans ce sens ?

Une trêve sociale, c’est une conséquence. Et si vous voulez une conséquence, il faut se donner les moyens d’exécuter la cause. La trêve sociale signifie qu’à un moment donné il y a une accalmie. Mais l’accalmie ne se décrète pas. Elle dépend du mode de gestion politique, sociale, culturelle et économique. Si vous gérez mal et la population est dans la famine, vous ne pouvez pas demander un calme. Ce serait aberrant.

Dieu merci, ceux qui sont venus (au pouvoir) connaissent bien les dossiers puisqu’ils sont sur le champ politique depuis plus d’un quart de siècle.

Propos recueillis par Yannick SAWADOGO

Burkina 24


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