: Entretien avec Richard Sènou : «La performance de M. Lionel Zinsou n’a pas été bonne. Je fais partie des Béninois qu’il a déçus»
«Je vous avoue que la performance M. Lionel Zinsou n’a pas été bonne. Je fais partie des béninois qu’il a déçus», a affirmé dans une interview à l’Agence Savoir News, l’ancien ministre et opposant Richard Sènou. M. Zinsou (60 ans) — banquier d’affaires franco-béninois — est le candidat des Forces Cauris pour un Bénin Émergent (FCBE, la coalition au pouvoir) à la présidentielle de février prochain au Bénin. Ce dernier fait office du dauphin du président Boni Yayi. «Je demanderais au peuple béninois, de faire l’analyse critique de la situation sociopolitique, un audit du système de gouvernance implanté par le président Yayi Boni», a insisté M. Sénou, qui «fais confiance à la maturité du peuple béninois».
Savoir News : Quelle lecture faites-vous de l’actualité socio-politique à quelques semaines de la présidentielle?
Richard Sènou: La lecture que je fais de l’actualité socio-politique à quelques semaines de l’élection présidentielle, est très simple. Pendant longtemps, l’actualité sociopolitique est restée floue compte tenu des tractations, des négociations de toutes sortes. Mais de plus en plus, on constate que mon pays est divisé en deux grands blocs: le bloc pro-Boni Yayi et le bloc pro-anti système Yayi. Et tout soutien à l’un ou à l’autre bloc se traduira dans les urnes de manière visible et irréfutable. Comme j’ai le dire souvent, la situation sociopolitique s’éclaircit de plus en plus. En plus, je pense aujourd’hui que la fraude sera moindre, suite aux améliorations apportées par la Lépi. Ce qui nous permettra d’avoir des résultats irréfutables. J’ai eu à le dire, la situation sociopolitique s’éclaircit de plus en plus.
Vous venez de dire que la «situation sociopolitique s’éclaircit». Mais comment?
Il y a un éclaircissement, parce qu’aujourd’hui, nous avons deux grands blocs. Je ne dirai pas comme d’autres, que la classe politique est absente. Elle est bien présente. Mais, elle est devenue plutôt trop prudente compte tenu de l’expérience qu’elle a vécue. La classe politique béninoise ne veut plus être derrière un candidat qu’elle ne pourra pas contrôler demain. Ce fut le cas par exemple de l’actuel président de la République. Quand on ne peut pas contrôler quelqu’un, quand il n’y a pas un contre-pouvoir, le président fait ce qu’il veut et comme bon lui semble. La démocratie est sa démocratie. Et c’est à cela qu’on a assisté depuis 2006. Cette situation a rendu la classe politique faible et trop prudente, si bien qu’on a cru qu’elle était devenue inexistante. Elle est bien là, observe et prend des décisions en fonction des objectifs qu’elle s’est fixés. Il y aura plus d’éclaircissement dans les prochains jours, lorsque le Parti du Renouveau Démocratique (PRD), la Renaissance du Bénin (RB) et l’Union fait la Nation (UN), vont choisir leurs candidats. Mais attention, nous allons assister en 2016 à un phénomène sans précédent : il y aura une refondation de la classe politique, une reformulation des objectifs politiques des partis. Il y aura un changement à la tête des grands partis politiques du Bénin. On verra de nouveaux hommes à la tête des partis, avec de nouveaux objectifs quel que soit celui qui sera élu à la tête du pays. Et le prochain président sera obligé d’engranger un certain nombre de réformes, indispensables au bon fonctionnement de notre pays. C’est cela mon combat et nous ferons tout pour faire aboutir ce combat. Je n’ai pas de parti politique, mais je fais partie des béninois qui aiment profondément leur pays et qui tiennent à voir s’épanouir dans le pays, un courant nationaliste fort. Et c’est d’ailleurs ce qui a motivé ma sortie de la dernière fois.
Vous avez déclaré, lors de cette sortie que le peuple béninois a besoin d’un président dont les valeurs éthiques et morales doivent être irréprochables. Alors, selon vous, quel doit être le profil du prochain président de la République du Bénin ?
Le prochain président de la République doit avoir comme fondement ces valeurs éthiques et morales. J’ai eu, dans le temps, deux positions qui peuvent paraître diamétralement opposées. En juillet, j’avais une position, et six mois après, ma position était diamétralement opposée à la première. Je l’ai expliquée dans ma déclaration, peut-être pas de manière soutenue. J’ai expliqué les raisons qui m’ont poussé à soutenir en juillet la nomination du premier ministre Lionel Zinsou. C’est quelqu’un que je respecte beaucoup pour tout ce qu’il a comme atouts. Mais, sur la base de la démonstration qu’il a faite de sa connaissance du Bénin, du fonctionnement du système dans lequel il a eu à se mettre et qui l’a propulsé au-devant de la scène politique, je vous avoue que sa performance n’a pas été bonne. Nous sommes déçus et je fais partie des béninois qu’il a déçus. Il est vrai que personne ne s’attendait au miracle quand il est venu. Mais, ce à quoi on s’attendait, c’est qu’il articule haut et fort sa compréhension du système sociopolitique du Bénin. Mais, toutes les actions qu’il a eu à poser et toutes les déclarations qu’il a eu à faire m’ont prouvé et continuent de me prouver, qu’il est en train de jouer à un jeu dangereux, ou bien il n’a rien compris du système du pays. Il y a des choses que le peuple béninois, si on lui expliquait, il se révolterait contre le choix de M.Zinsou pour les FCBE.
S’il vous était donné l’opportunité de proposer des orientations à mettre en œuvre par le prochain président du Bénin pour réussir sa gouvernance au sommet de l’Etat. Quelles propositions feriez-vous ?
Mes propositions se feront sous forme de réformes à mettre en œuvre immédiatement. La première proposition serait la suppression de la Haute Cour de Justice qui n’a jamais fonctionné et qui semble servir à autre chose. L’énergie solaire : le solaire sera l’énergie de demain. On peut produire de l’électricité avec du solaire. Il faut amener l’électricité dans les villages grâce à l’énergie solaire. Ensuite le numérique : le numérique est indispensable aujourd’hui. Il faut du travail aux zémidjans pour les aider à quitter ce secteur. J’ai dénombré treize filières agricoles qu’on peut développer en créant une banque d’accompagnement. Le CNHU de Cotonou : Je ne peux pas être président de la République et laisser le CNHU dans cet état, c’est impossible. Ce sont des choses qu’il faut changer dans notre gouvernance. Le CNHU de Cotonou est un mouroir. Je ne suis pas un communiste, encore moins un socialiste, mais j’aime mon pays, j’aime le Bénin et j’aime les béninois. Les partis politiques : Il faut une nouvelle loi sur les partis politiques et leur financement etc…
Que pensez-vous du choix du professeur Albert Tévoèdjrè? (Surtout que son candidat gagne toujours) : Kérékou en 96 et Yayi en 2006
Le choix de Kérékou en 1996 était contre le président Nicéphore Soglo. Je faisais partie de la cellule de réflexion. En 2006, M.Tévoèdjrè a proposé Yayi Boni. J’étais le premier à monter au créneau pour une déclaration contre le président Houngbédji. Donc, on ne peut pas laisser la paternité des choix à M.Tévoèdjrè. C’est un grand homme d’Etat, mais il n’est plus le seul. Il y a d’autres qui ont appris à ses côtés, et qui ont des opinions qui portent. Pascal Koupaki, c’est son choix et ça n’engage que lui. C’est ce que je tiens à dire avec tout le respect que j’ai pour M.Tévoèdjrè.
Avez-vous un peuple béninois?
Je demanderais au peuple béninois, de se lever d’une seule voix, afin de faire l’analyse critique de la situation sociopolitique, un audit du système de gouvernance implanté par le président Yayi Boni. Pour moi, il s’agit d’éveiller les consciences. J’invite le peuple à prendre son destin en main, de savoir distinguer les marchands d’illusions de ceux qui sont réellement sérieux pour diriger ce pays. Ce serait trop partisan de ma part de donner des noms, mais il y en a et ils vont se révéler les jours à venir. Je fais confiance à la maturité du peuple béninois.
Propos recueillis par Olphyz KOUNDE
(Savoir News)
via La Presse du Jour http://ift.tt/1OWgGie