MON AU REVOIR A TCHAA Mathieu Kérékou

Publié le dimanche 18 octobre 2015

« LA MORT ! J’AI LA PLUS GRANDE IGNORANCE DE CE QUE CELA PEUT BIEN REPRESENTER. » Georges Moustaki

Tout d’abord, je rassure l’ancienne première Dame, Madame Marguerite Kérékou de mes plus profonds sentiments de condoléances.

Je présente aux enfants, aux parents et à la famille Kérékou mes condoléances les plus émues. Et quand bien même j’ignore à mon tour ce que représente la mort, je me persuade que de là où il est depuis le 14 octobre 2015 dans l’après-midi, le Général Mathieu Kérékou ne vous abandonnera pas.

Quant à moi qu’il a qualifié un jour devant les gens à Porto-Novo de son « ami de tous les jours » que puis-je dire qui ne tombera pas dans les mots conventionnels en guise d’émotions entendues de la bouche de certains. Le Général Mathieu Kérékou n’est pas n’importe qui, quoiqu’en pense la bêtise qu’est le syndicaliste qui cherche à travers le rouge du Kremlin l’identité qu’il n’a pas et qu’il n’aura jamais. La révolution n’a pas été un échec. C’est la coalition des intérêts de l’extérieur qui ne voulait pas de sa réussite pour ne pas faire tâche d’huile.

Oui le Général Kérékou n’est pas n’importe qui. En plus, comparez la révolution du Bénin sans révolutionnaire née du discours de Goho sous l’appellation PRPB à ce qui s’est passé en 1789 en France. Comparez cela au Bolcheviques, à la Chine, à Cuba et j’en passe. L’autoritarisme que les gens appellent par ignorance dictature n’a rien de commun avec les pays cités. Le printemps de Prague en 1968 a forgé l’identité tchèque. Qu’est ce qu’il y a tracé pour nous une identité après la conférence nationale voulue par Mathieu Kérékou 1989 ? La conférence qui lui doit sa réussite malgré les coups de fil de la sous-région pour le dissuader. Si ce n’est pas une réaction pour sauver l’honneur de son peuple bafoué, cela lui ressemble. Comme quoi, la connaissance des choses qui n’est pas une connaissance, commet beaucoup de dégâts pour l’évolution de notre pays !

J’ai croisé Kérékou qui était à notre Ambassade à Paris dans une colère froide contre ses pairs militaires qui avaient renversé Zinsou. J’ai observé en lui quelqu’un qui était contre l’injustice. Le hasard de la disposition des tables dans une invitation m’a placé à côté de Monsieur Guy Georgi, ancien Ambassadeur de France au Dahomey. Nous avons eu à converser et il m’a beaucoup parlé de Mathieu Kérékou en qui il voyait déjà le révolutionnaire. Le révolutionnaire dans le sens noble a conclu Guy Georgi. J’en étais là dans des interrogations quand un jour, mon cousin Maurice Ahanhanzo-Glèlè me téléphona pour m’informer de retour du Président Apithy à Paris. Je me rends donc chez lui le lendemain et ce fut un très long commerce entre Apithy et moi jusqu’à sa mort. Il m’a beaucoup appris et ses enfants le savent. C’est Sourou Apithy qui me disant avec émotion : « Sans Mathieu Kérékou, Maga, Ahomadégbé et moi ne seront plus en vie. Ne l’oublie pas ». A mon tour, je fus ému et en le quittant, j’ai ardemment souhaité rencontrer, si Dieu le veut, l’homme Mathieu Kérékou qui doit être un être extraordinaire. J’étais dans cet état d’esprit quand le Créateur du Ciel et de la Terre exauça ma prière en mettant sur ma route le discret et aussi l’humble Théophile Nata. C’est lui qui a parlé de moi à son frère qui est Mathieu Kérékou, et sur le champ, celui qui enlevait déjà son manteau de ‘’grand camarade de lutte’’ accepta de me rencontrer et nous nous sommes vus. J’ai lié sans calculs d’intérêts personnels à assouvir, mon combat politique. Le Général a été surpris de ma manière « sûrement exagérée» de le défendre, moi qu’il ne connaissait pas. Je ne suis pas connu dans l’opinion nationale par une promotion, par une place dans la République ouverte par Mathieu Kérékou.

La politique est un don et non une acquisition par des mots. Tchaa Mathieu Kérékou a eu ce don sinon il n’aurait pas fait la carrière qui fut la sienne dans un pays aussi difficile qu’est le Bénin. De sa génération, il prit conscience avec la révolte au cœur que la domination étrangère fait marcher l’Afrique à reculons dans le progrès de l’humanité. Combien au nombre de ces ‘’anciens camarades’’ ont remarqué que la perte pour le Bénin du siège de Boad à présent à Lomé, a laissé en lui une blessure ?

Le Général Mathieu Kérékou est un homme de grande vertu. N’en déplaise à tous ceux qui frisent la démence quand il est question de lui, ceux qui bavent sur lui quand il y a entre le Président qu’il fut et ces gens une rupture d’intérêt dans son système. Bousculé dans ses croyances, le Président Mathieu Kérékou a vu peu à peu fragiliser la notion de confiance entre lui et les autres. « Le Bénin du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest en passant par le Centre, est un élément à gérer. Voilà l’architecture. » M’a-t-il dit un jour.

Dans la grande foutoire des mots clés pour parler du Bénin, la réflexion creuse et haineuse a créé en lui une profonde déception qu’il dissimulait. Le résumé de cette déception se trouve sans doute dans ce qu’il a appelé : « si vous êtes prêts, je suis prêt. »

A quoi peut servir la politique si elle n’inscrit pas le savoir vivre dans sa démarche ? La politique depuis 2007 dans le Bénin est souillée et salie.

Certes, en chacun de nous, rien n’est tout à fait bon comme rien n’est tout à fait mauvais non plus. Et à partir du moment où la vie, personne ne fait ce qu’il veut mais fait ce qu’il peut avec des hauts et des bas, en vers toi mon ami Tchaa Mathieu Kérékou, je signe que tu as fait ce que tu as pu en tentant de tourner dans le bon sens la grande roue de l’espérance dont le Bénin a grand besoin.

Un adieu est sans valeur entre le Prince comme tu affectionnes de m’appeler et toi.

Au revoir donc et à un jour, car moi encore vivant, je t’appartiens toujours par un sentiment que rien ne saura altérer ni détruire. Absolument rien.

Au revoir Tchaa Mathieu Kérékou.

 Ton ami Prince dê-Sodji Abéo


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