Diendéré à la nonciature : Le rôle de l’ancien président Jean-Baptiste Ouédraogo

Publié le jeudi 29 octobre 2015

L’ancien président burkinabè Jean-Baptiste Ouédraogo a été au cœur du putsch du 16 septembre 2015, en tant que médiateur. Dès les premières heures de la prise d’otages du président Michel Kafando, du Premier ministre Isaac Zida et de plusieurs ministres, par l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP), il a été appelé avec Mgr Paul Ouédraogo pour faire entendre raison aux putschistes. Menacés, les médiateurs finiront par abandonner leur mission. Une mission que reprendra l’ancien président, surtout lorsque l’affrontement entre les éléments de l’Armée burkinabè devenait inéluctable. Il explique, dans une interview qu’il a accordée aux confrères du Pays, le rôle qu’il a joué dans l’admission du Général Gilbert Diendéré à la Nonciature. Extrait.

« Le Pays : Vous avez, comme le disent certains, aidé Diendéré à quitter le camp Naaba Koom II pour rejoindre la Nonciature. Est-ce exact ?

Jean-Baptiste Ouédraogo : Oui, c’est exact mais en voici les circonstances. Vers 14 h, le 29 septembre, je reçois un coup de fil du général Pingrenoma Zagré qui me demande, suite à la décision de lancer l’assaut sur Naaba Koom II, d’user de mon influence pour convaincre le général Gilbert Diendéré de faire déposer les armes pour éviter un bain de sang inutile.

Il aurait essayé, en vain, de le persuader. Il me précise qu’au moment où nous nous parlions, il n’y avait pas plus de 130 éléments RSP qui ne s’étaient pas encore rendus alors que le camp était entièrement cerné par les troupes loyalistes. A son avis, le général Diendéré ne se trouverait plus dans le camp. J’appelle le général Diendéré qui décroche.

Pendant une heure, je tente de le faire fléchir mais il persiste et reste déterminé à combattre jusqu’au bout. Je finis par lui dire que le massacre de ses éléments lui sera imputable dans la mesure où lui-même peut encore s’en sortir vivant vu qu’il n’était plus dans le camp.

En tant que chef, il sera tenu responsable des morts qui s’en suivront. Je lui demande de puiser dans ses réserves la force et le discernement nécessaires pour poser le dernier acte salutaire qu’il peut encore poser. Je termine en le suppliant de franchir ce pas décisif qui permettra d’épargner la vie de ses hommes.

Après quelques instants de silence, il me pose deux problèmes : comment ordonner à ses hommes de déposer les armes et comment sera assurée sa sécurité. Il ajoute qu’il a besoin d’être en sécurité pour faire sa déclaration et que le lieu le mieux indiqué serait l’ambassade des Etats-Unis. Je lui demande de me laisser le temps d’étudier cette possibilité.

Car le temps pressait. J’entre en contact avec l’ambassadeur des Etats-Unis et lui expose le problème. Il me répond qu’il lui faut une autorisation de Washington mais craint que le général ne veuille pas ressortir de l’ambassade après sa déclaration. L’ambassadeur me rappelle, presqu’aussitôt, pour me signifier que Washington était opposé.

Nous nous concertons et décidons de nous tourner vers la Nonciature. Contact téléphonique est pris par l’ambassadeur et le Nonce apostolique accepte d’accorder, temporairement, l’asile politique au général. L’ambassadeur me donne le numéro de téléphone du Nonce que je refile au général Diendéré en lui disant qu’il devait appeler, d’urgence le Nonce.

Entre-temps, le général, coincé de partout, réussit à joindre au téléphone un journaliste de Radio OMEGA pour faire sa déclaration demandant à ses hommes de déposer les armes. J’informe le général Zagré et lui demande de faire en sorte qu’il n’y ait pas de tirs concentrés sur le camp pour éviter un massacre.

Instruction est également donnée au colonel major Kiéré de répercuter l’ordre de déposer les armes lancé par le général Diendéré à ses hommes et qu’ils se rendent sans combattre. Muni du numéro de téléphone du Nonce, le général Diendéré devait lui annoncer son arrivée, par ses propres moyens, à la Nonciature.

Je rends compte à monsieur le président du Faso de l’aboutissement de ma mission tout en lui disant que confirmation lui sera donnée dès que le général sera accueilli à la Nonciature. Effectivement, le Nonce me rappellera, plus tard, pour m’apprendre que le général se trouvait bel et bien à la Nonciature sain et sauf.

C’était ma préoccupation. Compte rendu fut fait au président de la Transition. Voilà ce que je sais de cette aventure à laquelle je fus mêlé malgré moi. Toutefois avec, peut-être, le risque d’irriter certaines sensibilités, je dirai que ce genre d’aide est un devoir moral pour tout acteur de la société qui se trouve en face d’une personne en situation de détresse physique, psychologique ou morale.

Autrement dit, s’il y avait à refaire, je le ferais sans hésiter car, dans mon cœur de chrétien et de médecin, il y a autant de place pour mes ennemis que pour mes amis, pour ceux qui m’aiment comme pour ceux qui me haïssent ».


Vous pouvez lire l’intégralité de cette interview en cliquant ici.


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