Pourquoi Pascal Irénée KOUPAKI est-il devenu l’homme à abattre ?

Publié le mardi 11 août 2015

La misère des hommes politiquesest de courir après la popularité ou de souffrir de sa profusion. Ceux qui ont une idée plus haute que leur place cherchentsouvent à se distinguer. Mais leur absence d’envergure et l’indigence de leurs idées finissent toujours par prendre le dessus.

A l’inverse, ceux qui sont populaires, le sont, soit par leur sens de la provocation, un vocabulaire dru et une brutalité verbale censés marquer la supériorité de leur personnage, soit tout simplement par leur silence. Pascal Irénée KOUPAKI s’inscrit dans la dernière lignée, celle des hommes politiques qui savent faire parler le silence. Plus il se tait, plus il fait mal, et il fait mal en restant humain. «Je ne dois être cruel que pour être humain», écrivait William Shakespeare1. Comment peut-on être au cœur de tant d’invectives tout en ayant une parole aussi rare ?

Il est vrai que, de tout temps, le propos politique s’est nourri de cruauté. Le verbe est l’arme absolue en politique. «Jamais de bonté en politique», notait François Mauriac2. Quand les « boules puantes », les vacheries,les sobriquets, les petites phrases ou les mots cinglants atteignent leur cible, nous sommes dans la comédie du pouvoir. Mais quand la flèche est munie de la volonté d’écorcher, d’écorcher vif, d’éliminer, voire de sentir avec délectation l’odeur du cadavre de son adversaire, nous quittons la cruauté pour l’ignominie. Au-delà des territoires de la férocité commencent en effet, ceux de l’infamie.

J’ai voulu comprendre pourquoi Pascal Irénée KOUPAKI était devenu l’homme à abattre à tout prix. De mémoire, aucun homme politique de notre pays, de surcroît peu volubile et excentré de la petite tambouille politicienne, n’a été autant dans l’engrenage de la machine médiatique. Les détracteurs, nombreux et de tous poils, ont trouvé dans les réseaux sociaux les terrains de jeux favorables à la calomnie qui est l’arme des faibles. On fait faire à PIK ce qu’il n’a pas fait, on fait dire à PIK ce qu’il n’a pas dit, on fait même penser à PIK ce qu’il n’a pas pensé.

Je n’arpenterai pas tous les arcanes de cette cabale médiatique orchestrée sous des formes aussi diverses et selon des modalités fort variables. D’une façon générale, la tonalité des attaques n’est pas celle d’une critique argumentée, adossée à des idées ou projets politiques dignes de ce nom. Elle prend généralement la forme de dénigrements sommaires qui cherchent avant tout à monopoliser les réseaux sociaux qui sont d’efficaces espaces pour véhiculer le mensonge politique.

La plus ancienne, et sans doute, la plus prévisible des attaques est celle qui a longtemps cherché à l’éliminer, par anticipation, de la course présidentielle, au motif que son séjour d’un peu plus de sept ans dans différents gouvernements de l’actuel pouvoir l’aurait définitivement disqualifié.

Un argument désormais éculé. Toutes générations confondues en effet, il ne resteraitplus grand monde si l’on doit épurer le champ politique en ostracisant tous ceux qui auraient, de loin ou de proche, travaillé avec Mathieu Kérékou, Nicéphore Dieudonné Soglo ou Yayi Boni. Au contraire, l’une des qualités de nos hommes politiques n’est-elle pas de renaître, comme un phénix, de leurs cendres ? Mais la faiblesse de cet argument se trouve ailleurs.

Elle estdans un impensé politique de chez nous qui consiste à croire que l’on ne peut servir l’Etat sans servir le chef de l’Etat. Notre système de gouvernance est trop personnel pour que les serviteurs de l’Etat puissent échapper à la compromission permanente. Nous sommes peu habitués à voir les hommes politiques prendre congé de notre système de gouvernance sans se casser les bras. C’est un système irrésistible, tellement irrésistiblequ’il est inimaginable de lui échapper.

Pour ceux qui lui résistent, il faut leur coller des affaires. Ah ! Les affaires, encore les affaires, toujours les affaires, il faut que PIK soit absolument dans les affaires. Il ne peut en être autrement. Souvent dégainée par le tribunal des censeurs, la preuve imparable serait le niveau des responsabilités qu’il a assumées au sommet de l’Etat : à responsabilité élevée compromission élevée. Trop fastoche,dirait mon garçon de neuf ans. L’une des rares sorties médiatiques de l’intéressé aurasuffi à dégonfler, tel un ballon de baudruche, ce canular politique mal inspiré.

Mais PIK n’est pas encore sorti d’affaire, car il existe toujours ce vieux principe de culpabilité jadis utilisé dans l’URSS de Staline : «Il est coupable parce qu’il n’y a pas de preuves contre lui. Car s’il n’y a pas de preuves contre lui, c’est parce qu’il les a cachées. Et s’il les a cachées c’est parce qu’il se sent coupable». Et qui est le mieux placé pour aider PIK à dissimuler les preuves qui peuvent le confondre ? N’est-ce pas celui-là mêmepour qui il rouleraittoujours et dont il seraitla main invisible, cette main qui aurait tenté de faire basculer récemmentle destin du pays lors de l’élection des membres du bureau de l’assemblée nationale ? Décidément, l’ombre de PIK plane partout, y compris dansdes cieux où il ne volepoint.

Mais cela ne trompe plus personne. Le procès obsessionnel des faits et gestes, des non-faits et non-gestes de Pascal Irénée KOUPAKI est d’atteindre sa réputation; réputation qui constitue son capital symbolique dont l’importance politique n’a cessé de grandir contre vents et marées.

Mais revenons à la question essentielle : pourquoi PIK dérange autant?

Au fond, la méchanceté n’est-elle pas une constante de la vie politique partout au monde, à tel point que la science politique américaine a dû inventer des mots pour décrire le phénomène, parlant de poison politics ou de negative politics pour signifier le fait que la critique ne rencontre désormais plus aucune limite? La question n’est donc pas la cruauté politique mais son fondement. Et parlant de fondement, PIK devrait se réjouir du fait que, parce que l’on ne peut pas attaquer ses idées, l’on attaque sa personne.

PIK a commis trois péchés dans l’entendement politique du Bénin: le premier lui a été imposé par sa propre nature. On va l’appeler « péché naturel ». Les deux autres relèvent de ce qui fonde son sens politique.

Son péché naturel, sans doute le plus injuste, c’est de ne rien faire comme les autres, sans chercher à cultiver la distinction. S’il mérite un reproche, c’est celui de ne pas être un homme politique dans le sens scénique du terme. Il faut bien le connaitre pour savoir qu’il est doté d’un habitus politique solidement ancré dans le respect des valeurs sociales et humaines. Aux collaborateurs qui viennent lui rapporter les vacheries dont il fait l’objet, il recommande le travail dans la discrétion. A ceux qui le poussent à la réplique qui tue, il rappelle que la bataille des idées se gagne dans les prises de position originales ou courageuses, et non dans les déclarations tonitruantes.

Son premier péché politique a été de croire, sans faiblesse, que l’on peut encore proposer des idées aux Béninois, des idées qui ne coûtent rien, rien d’autre que notre seule volonté. PIK pense qu’il est encore possible de sortir du syndrome de la bouteille fermée. Il nous propose d’arrêter de tourner en rond. Il nous dit qu’il est encore possible de gouverner par la pensée. Si la Nouvelle Conscience est raillée dans le microcosme politique c’est parce que notre conscience politique est un terrain sur lequel nous avons laissé pousser des ronces.

Son second péché politique est de faire partie de la typologie des figures du refus. C’est L’Homme révolté3, pour reprendreun titre du grand Camus. Mais PIK est un révolté silencieux qui cumule la résistance et la dissidence. Sa rupture est sans éclat. Son NON est ferme. Face à l’indifférence approbative d’une certaine classe politique, il exprime, à sa manière, une exigence morale et éthique dans la gestion des affaires du pays. PIK connait suffisamment les Béninois pour ne pas tomber dans la grossière erreur commise hier soir sur un plateau de télévision par l’un de nos dirigeants, fraichement importé.

En effet, PIK ne fait pas la différence entre le peuple et les 0,1% de ceux qui le gouvernent. C’est une piètre analyse sociologique que de croire que les réformes morales et éthiques ne doivent viser que la minorité dirigeante. La Nouvelle Conscience doit s’enraciner dans le peuple, car c’est de ce peuple que nous viennent nos dirigeants, et non d’une autre planète.

Penser le contraire, c’est faire du populisme, c’est-à-dire caresser le peuple dans le sens du poil. La Nouvelle Conscience est une politique citoyenne qui dit non, qui se dresse contre l’injustice qui frappe ce peupleet à laquelle ce dernier est associé dans les mécanismes de corruption. La Nouvelle Conscience est un instrument de liberté, car la vraie liberté, écrivait Pierre Bourdieu, est celle que nous donne la maîtrise réelle des mécanismes qui fondent notre méconnaissance collective. Le peuple Béninois ne sera libre que le jour où va lui laisser le choix de ses dirigeants.

La Nouvelle Conscience appelle à faire échec à la folie de l’argent. La fortune fait des hommes extraordinaires certes, mais seule la conduite politique et morale fait les grands hommes. Or les peuples sont de plus en plus séduits par ceux qui portent la puissance du refus, le refus de la fatalité.

Voilà pourquoi PIK est l’homme à abattre. Il est est l’homme en trop4. L’homme en trop est celui dont la présence disqualifie silencieusement le système, c’est celui qui introduit le doute positif. D’où le danger qu’il représente, même quand il ne parle pas trop.

Patient Gandaho


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