Renouvellement de la classe politique au Parlement : Les leçons d’une élection sur le fil de rasoir
La liste de candidature du bureau de l’Assemblée nationale présenté par le président Boni Yayi aux cadres politiques et ministres de son gouvernement pour la conquête du perchoir suscite beaucoup d’interrogations. Si le pouvoir avait réussi à imposer son choix, alors la vieille classe politique caractérisée par l’opposition serait humiliée et précipitée dans la division fatale. La victoire de l’opposition met en déroute l’espoir d’une révision dite opportuniste de la constitution.
Le casting pour la conquête du perchoir et les conditions de dépôt de la liste du bureau imposé aux députés de la mouvance montrent à quel point le président Boni Yayi est prêt à utiliser tous les moyens pour arriver à ses objectifs. A y voir de près, le président Boni Yayi a écarté tous les ministres potentiels candidats aux présidentiels de 2016 du bureau de l’Assemblée nationale afin d’éviter qu’ils n’utilisent leur position pour bloquer le projet de la révision. Ils ont été obligés de donner leur procuration. Une manière pour dire qu’il ne leur fait plus confiance. Beaucoup de moyens ont été déployés pour faire avaler la pilule inconnue des électeurs Fcbe et alliés. Ce n’est que vers 17h que l’honorable Nouhum débarque au Palais des gouverneurs avec la liste des membres du bureau de l’Assemblée nationale nommés depuis la Marina. Cela illustre que le président Yayi a préparé un passage au forceps. Mais son schéma a échoué en dépit de la machine mise en branle. Au regard de la composition de ce bureau de la mouvance, on peut dire sans se tromper que personne ne peut outrepasser les injonctions du Palais de la Marina, surtout s’opposer à la révision de la constitution. Si non, comment comprendre que le président Yayi propose que la 7è législature soit dirigée par un bureau composé comme suit : Président Komi Koutché, premier vice président Aké Natondé, deuxième vice président Gilbert Bangana, 1er questeur Houngnibo, 2è questeur Edmond Agoua, 1er secrétaire parlementaire Sofiath Schanou et 2è secrétaire parlementaire Théophile Yaro ? Une analyse profonde laisse entrevoir une volonté affichée d’avoir une caisse de résonnance.
L’opposition relance la vieille classe politique
La victoire de Me Adrien Houngbédji a relancé la vieille classe politique dans une nouvelle dimension. Elle reprend les choses en main et met Yayi en difficulté. Déjà, plusieurs cadres politiques de Boni Yayi dont certains ministres fâchés ont préféré aller poursuivre leur carrière politique à l’Assemblée nationale. Certains députés font déjà des déclarations tapageuses. Ils versent sans ambages les secrets du couvent dans la rue. Le pouvoir s’effrite et la division née du mauvais casting soldé par un deuxième échec des Fcbe et alliés au Parlement vient donner un coup de grâce à un régime qui croule sous le poids des épreuves de fin de mandat. Même si Boni Yayi n’est pas fini, ces jours finissent déjà. Il n’a plus le vent en poupe dans la partie méridionale du pays. C’est du moins la lecture qu’il faut faire des résultats des dernières législatives où le Chef de l’Etat a testé sa popularité à travers le thème de campagne «Yinwè» c’est-à-dire c’est moi. En effet, président Boni Yayi a battu campagne dans l’ensemble du pays. Mais du Zou jusqu’à la côte, sur les 45 députés environ, la liste Fcbe défendue par Boni Yayi a eu 10 députés. C’est une preuve évidente de la faiblesse de l’alliance dans le sud. Au nord, il a montré qu’il est toujours le fils du terroir, malgré les avancées remarquables de l’alliance Abt et la présence de l’alliance Soleil à l’épreuve de l’opposition au pouvoir. Dans ces conditions, le dauphin désigné de Boni Yayi aura du mal à relever la pente dans le sud. Inutile alors de courir derrière un ‘’dauphinat’’ hypothétique qui, à l’arrivée, sera défavorable pour le candidat du sud sachant que le vote au Bénin reste très régionaliste voir ethnique.
Des chevaux de Troie tapis dans les deux camps
C’est fait ! La 7è législature de l’Assemblée Nationale connait son Président. C’est Me Adrien Houngbédji. Il a été élu tard dans la nuit du 19 au 20 avril 2015 par 42 députés contre 41 pour son concurrent Komi Koutché. Pour qu’on en arrive à ce résultat, les tractations ont été très longues. Les procurations tant redoutées ont joué leur rôle dans les deux camps. Au total, 30 ont été délivrées. Du point qui a été fait, la mouvance présidentielle en a déposé 16 contre 14 pour l’opposition. Quoi de plus normal puisqu’aucun texte ne l’interdit ! L’élément nouveau, ce sont les chevaux de Troie tapis dans les deux camps.
Au cours du vote, des députés ont malheureusement montré qu’ils n’ont aucune conscience. Les suffrages exprimés en faveur du premier Questeur Valentin Aditi Houdé, du deuxième Questeur Georges Bada, du premier vice-président Eric Houndété…l’ont révélé. L’honorable Valentin Aditi Houdé, le désormais premier Questeur de l’Assemblée Nationale, a en effet été élu avec 47 voix contre 36 pour Lucien Houngnibo. Son collègue Georges Bada qui va désormais s’installer dans le fauteuil de 2è Questeur de l’Assemblée Nationale a été élu avec 43 voix. Quant à Eric Houndété, il a obtenu 44 voix contre 39 pour son challenger Aké Natondé. C’est par le même score que Robert Gbian a battu son challenger Gilbert Bagana. Indubitablement, quelque chose s’est produit au Palais des Gouverneurs pour qu’il en soit ainsi. Comme le disait la Présidente Rosine V. Soglo lors de la cérémonie solennelle d’installation des 83 députés de la 7è législature, il y a eu des chevaux de Troie. Ils sont dans le camp de la mouvance présidentielle. Inutile de les nommer. Ils se connaissent. D’ailleurs, lorsque les caméras se braquent sur eux, ils affichent un regard d’esclave qu’on vient fraichement de capturer. Ils n’ont malheureusement aucune conscience. Ils sont à la limite sans scrupule. Ils ont trahi une fois. Ils trahiront toujours. Dans un camp comme dans l’autre, ce comportement irresponsable affiché par certains députés doit être pris en compte pour la suite des événements au Parlement. Ces députés sans conscience doivent être systématiquement écartés lorsqu’il sera question de désigner des députés pour occuper des postes de responsabilités au niveau des commissions techniques, de la Haute Cour de Justice ou dans les Parlements régionaux et sous-régionaux. Il faut en effet que leur indignité les suive partout comme l’œil de Caen.
Tobi P. Ahlonsou
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