Etats généraux de la Justice : Et pourquoi pas les Etats généraux de la nation ?
Il est important de préciser d'entrée de jeu qu'il ne s'agit pas de remettre quoi que se soit en cause. Nous garderons les institutions telles quelles : Le Président du Faso, le Gouvernement, le CNT ainsi que leurs compositions respectives. Les ETATS GENERAUX DE LA NATION visent à combler un vide dans l'esprit de l'insurrection d'octobre 2014, puisque nous n'avons pas eu de feuille de route clairement définie. Il s'agira de poser les balises afin d'éviter que les gouvernants de l'après 11 octobre 2015 ne nous embarquent dans des errements inconvenus et inconvenants.
Après avoir rapidement parcouru le pacte, je note que tout (ou presque) est écrit dans la généralité, avec en premier lieu le verbe devoir, sans indexe des rôles et des responsabilités.
Ainsi tout le monde "doit" mais personne n'est responsable.
C'est vrai, le vin est tiré, il faut le boire. C'est aussi vrai qu'il s'agissait d'"emballer sous l'appellation « d'états généraux », ce qui n'est rien d'autre qu'un forum de plus". Donc le contenu importe peu. L'essentiel est que la foire ait lieu.
Sinon comment comprendre que dans un tel document, nulle part on ne parle de l'impunité engendrée par le non respect des lois de la république ?
Il aurait fallu diviser le Pacte en plusieurs temps :
Temps Premier : Du Préambule qui diagnostiquerait les maux de notre justice et des conséquences engendrées, dont particulièrement l'impunité.
Temps II : Des principes généraux qui fixeraient les bases d'entente du Pacte
Temps III : Des rôles et des responsabilités des parties prenantes au Pacte
Temps IV : des actions urgentes à mettre en œuvre (traitement des dossiers de crimes de sang et des crimes économiques « les plus scandaleux » pendants et connus)
Temps V : Du mécanisme de suivi et d'évaluation
Temps VI : Des sanctions à l'égard des parties prenantes et des acteurs de la Justice
Temps VII : De l'entrée en vigueur et des mesures d'accompagnement indispensables à la mise en œuvre du Pacte
Et qu'en est-il de ceux qui se sont retirés de ces états généraux de la Justice ? Est-ce à dire qu'ils ne sont pas partie prenante ? Et que dire tout simplement de tout ces burkinabè à la face de qui on est venu jeté ce pacte sans qu'ils n'aient mot à dire.
Je reste convaincu, tout comme je l'ai été, au lendemain du 31 octobre 2014 et avant la mise en place des organes de la Transition : Il nous faut plus que des "états généraux de la justice". Le Burkina Faso Nouveau que nous appelons tous de nos vœux a aussi besoin des ETATS GENERAUX DE LA NATION.
La Nation, ce n'est pas que le Juge. La Nation, c'est aussi, avant tout, et surtout son organisation, son mode de fonctionnement. C'est lorsque tout ça ne va pas que l'on se tourne vers le Juge, à qui le peuple souverain a délégué (et non transféré) l'autorité de juger, oubliant de s'assurer de l'autorité de la chose jugée, d'où le refus de certains justiciables, jusqu'au plus haut sommet de l'Etat, de se soumettre aux décisions de justice.
Alors, pourquoi vouloir fait fi de l'organisation et du fonctionnement de la Nation et se limiter au Juge et à la Justice ? C'est vrai, la distribution de la justice constitue un régulateur très important dans le vivre ensemble, dans la paix et la cohésion sociale, mais ce n'est pas tout.
Au regard de ce qui se passe actuellement et vu l'empressement de certains à venir ou revenir aux affaires, je suis de plus en plus convaincu que nous ne pourrons pas faire l'économie des ETATS GENERAUX DE LA NATION.
Ce passage est indispensable pour que nous convenions ensemble de :
Ce que nous attendons de notre armée nationale ;
Comment nous voulons que soit notre système éducatif, afin que tous les enfants de la Nation y accèdent, sans discrimination de niveau de ressources, d'origine sociale, etc.
Quel système de santé nous voulons pour le Burkina Faso Nouveau. Trop de Burkinabè meurent encore de « petits maux de tête » que certains autres burkinabè soignent en claquant simplement du doigt ;
Quel mécanisme de redistribution des richesses nationales, nous voulons pour le Burkina Faso Nouveau, qui n'exclut pas les sans-voix, ceux qui n'ont aucun ressortissant de leur localité au sommet ou dans la sphère de gestion du pouvoir, et sur lequel compter pour grappiller quelques subsides publiques ?
Quelle agriculture nous voulons, afin d'assurer notre souveraineté alimentaire, tout en préservant l'environnement, pour les générations futures ? En effet, les montages institutionnels et financiers, au nom d'une prétendue biodiversité, en faisant entrer les OGM dans notre agriculture, sont en train de confisquer la liberté de production du paysan, tout en nous imposant à tous, un modèle de production, mais aussi de consommation dont nous ne maîtrisons ni les tenants, ni les aboutissants. A qui profite les retombées financières de ce montage institutionnel des OGM au Burkina ? N'est-ce pas parce que un François a voulu s'opposer à un autre François dans ce deal esclavagisant de notre agriculture que le premier s'est vu exclu de la gestion des affaires paysannes.
Quelle place réservons-nous, conformément au model social que nous voulons bâtir, souverainement, à nos chefs coutumiers et à nos leaders religieux. Ils sont incontournables dans le dispositif de construction du Burkina Nouveau. Sans instrumentalisation, comme du temps de l'"homme fort". Même ceux qui ne voulaient pas les sentir, même en simples photos, sont obligés d'admettre qu'il nous faut réserver une place de choix à ces référents de la paix et de la cohésion sociale, sans lesquels, le Burkina Faso aurait volé en éclats, puisque le premier de nos ministres y trouve refuge, malgré toutes les armes qui l'entourent.
La cour impériale du Mogho Naaba n'est-elle pas devenue un havre de sécurité pour qui se sent menacé ? Qui ose pénétrer dans cette vénérable cour, sans essuyer la colère de tout le peuple, toute ethnie confondue, puisque notre Mogho Naaba n'appartient plus aux seuls mossis. Il est désormais une Institution Respectée et vénérée dans tout le Burkina Faso. Sans armes, il est puissant. Oui, sa puissance, il la tire de la force morale. Blaise aurait du simplement comprendre que lorsque l'on parle d'institution forte, c'est de cela, et non pas de la force des armes. Notre Mogho Naaba n'en a pas, et pourtant, il est puissant.
Quelle carte diplomatique nous voulons, pour bâtir le Burkina Faso Nouveau, débarrassée de cette diplomatie des intérêts particuliers ?
etc., etc., etc.
Tant d'interrogations auxquelles le programme ou projet de société d'un parti politique ne saurait lier tout un peuple. Il s'agit de nous entendre là-dessus, souverainement.
C'est pourquoi, J'appelle de tous mes vœux ces ETATS GENERAUX DE LA NATION. Je dis bien ETATS GENERAUX DE LA NATION et non conférence nationale, cette foire aux empoignes, où l'on vient s'insulter, s'accuser, s'applaudir, etc., sans rien décider de sérieux. Il ne s'agit pas de conférence nationale, mais bien des ETATS GENERAUX DE LA NATION.
Oui, nous ne pourrons pas faire l'économie de cet incontournable exercice que constituent les ETATS GENERAUX DE LA NATION.
Ayons le courage de diagnostiquer notre passé et notre présent, pour poser sereinement les bases du devenir de Notre Faso commun. Ce faisant, nous poserons les balises qui guideront les gouvernants de l'après 11 octobre 2015 et éviteront que nous naviguons à-vue.
Peut-être que cela va entrainer le report des élections. Peu importe, l'essentiel est que, par cet exercice, nous convenions tous, de ce que le Burkina Faso Nouveau doit être. Et que désormais, aucun Burkinabè ne regarde un autre Burkinabè en adversaire, encore moins en ennemi, mais en frère, en sœur, en camarade, en partenaire, pour que chaque élection soit désormais une fête pour le choix des meilleurs d'entre nous, pour gérer la cité, Notre Faso.
Aly Teyéni MANA.
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