Répression des infractions en matière de consommation : L'ABCE dénonce l'obsolescence des lois
Dans la déclaration ci-après, l'Association Burkinabè des Consommateurs des services de communication Electronique (ABCE), dénonce « la léthargie des structures publiques de défense de consommateurs et l'obsolescence des textes en matière de concurrence et de consommation ». Elle attire également l'attention des autorités, non seulement sur « la nécessité de faire des réformes en vue de permettre clairement la saisine des juridictions par les associations de consommateurs », mais aussi sur « la nécessité de mettre en place des mécanismes extrajudiciaires de règlement des différends en matière de consommation ». En sus, elle invite « l'exécutif de la transition (le ministère du commerce) et le Conseil National de la Transition (CNT) à faire des réformes législatives en matière de concurrence et de consommation ».
Suite à la découverte de 1 280 tonnes de boissons périmées dans les entrepôts du groupe OBOUF, l'Association Burkinabè des consommateurs de services de Communication Electronique (ABCE) saisit cette opportunité pour dénoncer la léthargie des structures publiques de défense de consommateurs et l'obsolescence de textes en matière de concurrence et de consommation. Il s'agit de difficultés structurelles liées au secteur de la consommation de manière générale, ce qui motive notre réaction.
D'une part, elle fait constater que la responsabilité de la protection du consommateur incombe principalement à l'Etat à travers ses structures comme le laboratoire national de santé publique, les services du ministère du commerce (dont les inspecteurs doivent être permanents sur le terrain, la Commission Nationale de la Concurrence et de la Consommation, …). Des associations de consommateurs interviennent accessoirement à travers la fonction de veille et d'alerte.
Les infractions en matière de concurrence et de consommation sont prévues par la loi n°15-94 relative à la concurrence au Burkina Faso et le code de la publicité. Il ressort des articles 40 de la loi n°15-94 et 120 du code de la publicité que les fonctionnaires et agents de l'Etat spécialement commissionnées, procèdent à la constatation par procès-verbaux des infractions prévues par lesdites lois. Ces infractions sont entre autres, la tromperie du consommateur, la publicité mensongère… Or dans la pratique, ces agents qui relèvent du ministère du commerce en arrivent rarement à cet « extrême » nonobstant leur qualité d'Officier de Police judiciaire dans ce domaine. Lorsqu'ils ne sont pas absents sur le marché qu'ils ont obligation de surveiller, ils préfèrent la transaction et la sensibilisation, convaincus de leur devoir d'éviter aux entreprises fautives, la faillite ; abandonnant ainsi leurs attributions à la police nationale et à la gendarmerie nationale qui constatent régulièrement les infractions y relatives (démantèlement d'unités clandestines de fabrique d'huile alimentaire, conditionnement de produits de qualité inférieure dans des emballages de marque qualitative…). Pourtant, ils ne font qu'appuyer les agents spécialisés du domaine.
L'inaction des services du ministère du commerce n'est donc pas liée à l'absence de pratiques illicites sur le marché des biens et services. Soit, ils manquent des moyens (financiers et techniques) pour accomplir leurs missions, soit, ils sont insensibles à la souffrance du consommateur qu'ils ont pourtant l'obligation de protéger. A titre d'illustration, en matière de télécommunication, la publicité mensongère est devenue le sport favori des opérateurs sans qu'aucune structure publique ne s'en préoccupe.
Ils ont certes le droit de transiger avec les fautifs conformément aux articles 49 de la loi n°15-94 et 120 alinéa 3 du code de la publicité. Cependant, si cette transaction met fin aux poursuites, elle n'exclut pas que les faits soient portés à la connaissance de l'opinion publique pour permettre aux consommateurs victimes de saisir la juridiction civile compétente (Tribunal départemental ou d'arrondissement, tribunal d'instance, tribunal de grande instance selon le montant du préjudice) en vue de demander la réparation du préjudice subi.
D'autre part, l'ABCE constate avec amertume, que les lois applicables en la matière sont obsolètes. L'infraction de tromperie du consommateur prévue par la loi n°15-94 modifiée par la loi n°033-2001 du 4 décembre 2001, à travers ses articles 25, 38 et 61 est punie d'une amende de 50 000 à 5 000 000 FCFA et d'un emprisonnement de un mois à six mois ou l'une de ces deux peines seulement. Le tribunal saisi peut alors opter alternativement pour l'amende ou pour l'emprisonnement qui ne doit pas excéder six mois. L'article 62 porte la peine au double en cas de circonstances aggravantes ; notamment si la trompérie ou tentative de tromperie a eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme et de l'animal (…).
Dans tous les cas, la peine maximale encourue par le dangereux falsificateur est une amende de 10 000 000 FCFA et un emprisonnement de douze mois. Il est évident que la peine est légère par rapport à la gravité des faits qui touchent même à la santé publique. Cette clémence de la loi entraine la multiplication des infractions concernées (prolifération d'unités de fabrique alimentaire clandestine et insalubre, installations d'industries de falsification de produits de marque prisée ou de transvasement de produits de piètre qualité dans des sacs de produit de marque supérieure).
Il donc est impératif que loi n°15-94 et le code de la publicité qui prévoient entre autres ces infractions de trompérie du consommateur et de publicité mensongère soient révisées, en prévoyant des peines plus fortes, à des fins dissuasives. A titre illustratif, le vol de poulet est punie d'une peine d'emprisonnement de un à cinq ans et/ou d'une amende de 300 000 à 1 500 000 FCFA alors que celui qui se rend coupable de tromperie du consommateur (par ex. falsification de date de péremption d'un aliment destiné à la consommation humaine) ne risque qu'une peine d'emprisonnement de douze mois et d'une amende de 10 000 000 FCFA.
Il est des consommateurs qui qualifient la falsification des dates de péremption des produits alimentaires à tort de « criminel » ou de « terroriste » pour dire qu'elle est très grave. La peine prévue par la loi qui réprime l'infraction de tromperie du consommateur risque de les faire déchanter. Pourtant, le juge en vertu du principe constitutionnel de la légalité des infractions et des peines, ne peut prononcer une peine qui ne serait pas légalement prévue. Si une loi prévoit une peine faible, il n'appartient donc pas au juge de l'augmenter.
Notre association a eu l'occasion de demander de manière prémonitoire la révision de la loi n°15-94, lorsqu'elle a été invitée, par la Commission des Affaires Générales, Institutionnelles et des Droits Humains de l'Assemblée Nationale dans le cadre du processus de révision du code de la publicité, qui était en cours. Mais malheureusement, le projet de révision n'a pas abouti. En conséquence, l'ABCE interpelle les ministères en charge du commerce et de la communication, à demander la révision de ces lois en vue de tenir compte davantage des droits du consommateur.
Elle constate douloureusement par ailleurs, que ces lois ont prévu les procédures de saisine des juridictions par les associations de consommateurs avec des défaillances. Elle attire leur attention sur la nécessité de faire des réformes en vue de permettre clairement la saisine des juridictions par les associations de consommateurs.
Enfin l'ABCE profite de l'occasion pour relever dans certains cas, l'inadaptation des mécanismes traditionnels de règlement des différends (justice étatique, arbitrage) en matière de réparation de préjudice du consommateur, d'où la nécessité de mettre en place des mécanismes extrajudiciaires de règlement des différends en matière de consommation. Cette inadéquation de la justice étatique et de l'arbitrage s'explique par le caractère modique mais bien fondé, des préjudices subis par les consommateurs et le coût des procédures judiciaires. De même, leurs complexité et lourdeur sont de nature à dissuader le consommateur à ester en justice. Pourtant, le montant global de ces préjudices homogènes subis par les consommateurs des entreprises est souvent très élevé. Mieux, de tels mécanismes sont à l'avantage des entreprises qui tiennent habituellement leurs clients à distance dès lors qu'il s'agit de réparer un préjudice. Quand on sait que ces griefs des consommateurs sont fondés très souvent, il y a le risque pour l'entreprise de payer inutilement des frais de procédure judiciaire qui dépassent de loin le montant du préjudice économique subi par le consommateur ; d'où la nécessité de travailler en commun, à mettre en place ces mécanismes extrajudiciaires de règlement des différends en matière de consommation. L'ABCE interpelle une fois de plus l'exécutif de la transition (le ministère du commerce) et le Conseil National de la Transition (CNT) à faire des réformes législatives en matière de concurrence et de consommation. Bien entendu que tout ce qui touche à la santé du consommateur sera exclu de ce mécanisme.
Ouagadougou, le 27/02/2015
Pour le Bureau exécutif de l'ABCE,
Le président
Tel : 70 06 37 55
E-mail : abceburkina@gmail.com
Réf : 2015- /ABCE/PRES
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