Insurrection populaire des 30 et 31 octobre : Le Mouvement « ça suffit » rend visite à des familles de victimes
Ce mardi 30 décembre 2014, cela fait deux mois jour pour jour que commençait l'insurrection populaire au Burkina Faso. Bilan officiel de ces manifestations, plus de 20 morts. Deux mois après, le Mouvement « ça suffit » a entrepris de rendre visite à certaines familles de ces personnes décédées pour, selon les termes du coordonnateur général du mouvement, Aziz Sana, « leur témoigner notre compassion, leur renouveler notre soutien et surtout, à l'orée de l'année 2015, leur souhaiter une année pleine d'émotions positives ».
Première étape de cette visite, la Rue 19.35 du quartier Nonsin. C'est dans une mini villa que madame Lydia Karambiri accueille la délégation. Sa fillette d'un an sur le giron, le garçonnet de 05 ans captivé par un dessin animé diffusé à la télévision, la famille pleure depuis le 30 octobre celui que le petit frère du défunt a appelé « Le pilier de la famille » : Feu Gaston Karambiri. « Le petit réclame tout le temps son papa et je ne sais pas quoi lui dire », lâche madame Karambiri entre deux soupirs. C'est souvent le propre de la faucheuse de ne pas prévenir, et rien ne disait que ce jeune de 35 ans, travaillant en République démocratique du Congo (RDC) croiserait la mort ce jour- là. A en croire la veuve- trop tôt pour son âge, il faut l'avouer-, il venait voir la famille chaque deux mois avant de repartir et pour cette visite- là, il était prévu qu'il reparte le 1er novembre.
« Arrivée au camp Paspanga, on me dit de continuer à la morgue »
Un peu mal en point le 30 octobre, il serait parti avec sa femme à la recherche de produits pharmaceutiques. Le produit n'étant pas disponible dans la pharmacie d'à côté et la ville étant en ébullition, il laisse sa femme à cette première pharmacie et décide de continuer seul. La suite nous est racontée par madame Karambiri, la voix étouffée par les sanglots. « Je suis restée là- bas pendant trois heures à attendre mon mari. Je n'avais pas mon téléphone portable sur moi et attendais qu'il vienne me chercher. Entre temps quand tout le monde est parti, j'ai décidé de rentrer moi aussi. Arrivée à la maison je l'ai appelé plusieurs fois. C'est quelqu'un qui rappelle toujours même au moindre bip, mais ce jour- là il n'a pas décroché. Le dernier message que je lui ai envoyé pour lui demander de rentrer, c'était à 13h15. Quand j'ai relancé l'appel, le téléphone décroché à l'autre bout et pensant que c'était lui, je lui ai demandé ce qu'il se passait. C'est là qu'une voix m'a répondu qu'il a fait un accident et qu'il a été amené au camp Paspanga. J'ai alors constitué un kit pour y aller au cas où on le garderait pour les soins. Arrivée là- bas on me dit de continuer à la morgue. Vous voyez comment ça fait très mal ! ». Il a pris une balle et est tombé. Juste à quelques mètres du domicile de François Compaoré, le petit frère de l'ex président Blaise Compaoré. Laissant une veuve, deux orphelins et une famille inconsolable. Et parce qu'elle se sent souvent seule après 06 ans de mariage, madame Karambiri n'a pas manqué de dire au Mouvement « Merci d'avoir pensé à nous parce qu'on a vraiment besoin de ça. »
Les tout petits ne savent toujours pas que leur maman est décédée
Avenue Naba Konkissé. La seconde famille qui a reçu la visite du Mouvement ça suffit est dans une ruelle attenante. Dès l'arrivée, une consigne aux visiteurs du jour : rien ne devra permettre de savoir que la maîtresse de la maison est décédée. Les parents ont fait avaler aux tout petits de cette famille de 04 enfants l'histoire d'une maman qui a fait un accident mais est allée rendre visite à sa sœur résidant en France. Comme dans la famille Karambiri, la nouvelle de la mort de Madame Mariam Nayété née Fofana a surpris plus d'un. Le 30 octobre, elle constate entre temps l'absence de son garçon de 08 ans. Celui- ci aurait été amené par la bonne au magasin de vivres qui était en train d'être pillé par la population pour, dit- elle, « Chercher du sucre pour tantie ». Du sucre qu'elle n'aurait jamais demandé. Elle donne alors à téter au nourrisson et va à la recherche de son fils et de la bonne. Avec le monde fou, madame Nayété tombe dans la bousculade et les parents sont rapidement appelés pour la secourir. Elle rend l'âme avant d'être conduite au service traumatologie de l'hôpital Yalgado Ouédraogo. A seulement 34 ans. « La bonne a ruiné ma vie », lâche Alpha Sidi Nayété, époux de la défunte. Il vit désormais avec sa mère, et ses quatre enfants respectivement de 14, 08, 05 ans et 07 mois. « Vous avez remué un peu le couteau dans la plaie mais c'est bon. On essaie de faire avec » confesse t- il, le mouchoir jetable régulièrement porté aux yeux.
A chacune de ces deux familles, le Mouvement ça suffit a remis la somme de 50 mille francs comme soutien pour les fêtes. En leur renouvelant l'engagement de plaider leur cause auprès des gouvernants, notamment la question de leur indemnisation.
Samuel Somda
Lefaso.net
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