Face au soleil des Bilakoros : Mon devoir de remue-méninges

Publié le mardi 2 décembre 2014


Mon très cher pays le Burkina Faso vit des moments de ruptures, rupture avec l'ordre établi, rupture avec un système qui n'en finit pas de péricliter quand bien même certains de ses vestiges demeurent et essaient de tenir face à la bourrasque qu'a été l'orgueil des Bilakoros (enfants non encore circonsisés) au sens noble du terme.




Eh bien, l'histoire retiendra que nos enfants nous ont enseigné quelque chose qui est de l'ordre de la témérité, ils nous ont enseigné la ténacité et la fidélité à la parole donnée. Pourtant, ils nous avaient avertis (« Yan tè » pas ici en dioula disaient certains et d'autres de répondre en cœur « ka kayé » pas ici en moré et ainsi de suite). Nous reviendrons une autre fois à travers une analyse économique sur les vecteurs de ce changement qui s'enracine dans une approche de cycles longs économiques et politiques de type Kondratieff.


Depuis la chute du général Lamizana, paix à son âme, nous avons tourné le dos à nos valeurs sociétales. L'exercice du pouvoir devrait être le lieu où nous exerçons l'art de gouverner pour une société juste, équitable et respectueuse des intérêts des femmes, des enfants et des hommes. A lieu de cela, nous avons érigé des monuments pour faire l'apologie de la brutalité quasi-bestiale, de la trahison tout azimut, du manque d'humilité, de la corruption sous toutes ses formes, du culte de la personnalité qui remettait parfois en doute nos croyances, de l'exclusion et de l'enrichissement illicite à la vitesse de la lumière.


Face à la multiplication des effets pervers du système que nous avons contribué d'une façon ou d'une autre à mettre en place, nos soupapes de sureté sociétale ont été, une à une, usitées, usées et par la suite jetées comme un vestige qu'aucun archéologue de notre pays ne souhaiterait découvrir.


Soyons un peu plus explicite. L'armée qui a semblé être à tort ou à raison un redresseur des torts et/ou des dérives a été domptée, les religions à travers leurs principaux dignitaires n'étaient plus en phase avec leurs fidèles, l'administration a été caporalisée, l'espace et les acteurs économiques et sociaux y compris nos têtes couronnées, inféodés enfin, les partenaires extérieurs bernés. C'est pour cette raison qu'aucune des composantes de notre société n'a réussi à faire entendre raison à celui qui considérait notre pays comme sa possession. Alors que restait-il ? ‘'Laurent Gbagbo aurait dit maïs''.


Ils ont oublié ces jeunes qui avaient moins de 27 ans et qui aspiraient à une vie meilleure ou des valeurs seraient les déterminants de chaque individu. Djanjo (Le chant des héros indomptables) pour ces millions de jeunes et femmes qui les mains nues ont changé l'avenir du Burkina Faso, Djanjo pour l'opposition politique ; Djanjo pour la conférence épiscopale Burkina Niger, Djanjo pour le CERFI, Djanjo pour certains pasteurs qui se reconnaitront, Djanjo pour les forces de l'ordre qui se sont abstenues de tirer aveuglement sur les jeunes aux mains nues.


Après avoir reconnu les mérites des uns et des autres, que devons nous faire à présent ?

Nous devons bâtir, je dirais inventer un nouveau vivre ensemble qui va au-delà de ce que J.J Rousseau a appelé le contrat social. J'entends par là, un ensemble de bonnes pratiques comportementales, de principes de vie, de valeurs humaines, de respect de nos textes, d'aspirations nouvelles bénéfiques au plus grand nombre, de savoir être, d'apprendre à apprendre de soi même et des autres, pour un vivre ensemble harmonieux qui fait du progrès un objectif chaque fois renouvelé. Pour ce faire, nous devons nous départir de toute idée d'hégémonie dans quelque domaine que cela puisse être. Le principe de base serait que tous les habitants de ce pays aient les mêmes droits et devoirs et tous autant que nous sommes, sont assujettis aux textes en vigueur dans notre pays.


Dans le cadre de ce nouveau vivre ensemble, oublions un peu nos origines ethniques, oublions nos appartenances géographiques, oublions notre rang social, oublions notre appartenance religieuse et professionnelle mais, restons simplement des êtres humains profondément épris de paix, de justice et de compassion pour nous mêmes et nos semblables.


Le nouveau vivre ensemble suggérerait que la parenté à plaisanterie soit sacralisé (là je fais un clin d'œil à mon ami Ouoba) en faisant en sorte que celui qui est le président de ce pays devienne automatiquement le parent à plaisanterie de l'ensemble de la communauté burkinabé. Cela donnera les assises d'une nouvelle philosophie politique découlant de nos valeurs pour des besoins pédagogiques, de sagesse, d'apprentissage de l'humilité et d'acception de la critique afin qu'à tout moment, nos autorités gardent les pieds sur terre.


Les journalistes, les juges et le citoyen lambda devrait saisir cette opportunité pour s'assumer pleinement en toute circonstance. Le culte du chef est un handicap dans le système démocratique que nous devons faire émerger ; nous devons en prendre conscience et communiquer amplement sur cette thématique. Par ailleurs, il serait également souhaitable que nous nous mettons d'accord sur sept (7) fautes qui lorsque que l'une d'elles est constatée, elle entraine automatiquement la destitution de son auteur des fonctions qu'il occupe, avec le déclenchement des poursuites judiciaires si les textes en vigueur le permettent. Dans cette logique, on définira ainsi les sept (7) fautes que le président de la république ne doit pas commettre et il en sera de même, pour les ministres et les hauts fonctionnaires, les députés, les gouverneurs et les maires. Voici quelques fautes par exemples à ne pas commettre dans l'exercice de vos fonctions : 1 ne pas tuer, 2 ne pas mentir, 3 ne pas voler, 4 ne pas abuser des femmes, 5 ne pas favoriser sa famille, ses amis, sa religion, sa région, son ethnie, 6 ne pas ignorer les textes en vigueur donc les appliquer sans excès, ni faiblesse. 7 ne pas insulter ses administrés.


Le passé ne reviendra jamais, le présent semble si précipité en raison de la complexité des différents problématiques qu'il ne nous donne pas suffisamment le temps de prendre du recul. Mais, en citoyen avisé, construisons ensemble notre futur. Nous avons toujours le temps de tirer des leçons de notre vécu quotidien, pour améliorer notre futur avant qu'il ne se produise.


Le premier lieu de la manifestation de notre vivre ensemble sera le Conseil national de transition (CNT). Ici, nous devons donner l'exemple. Il devrait avoir un consensus sur le port de tenues, le Faso danfani devrait être la norme pour tous (costume ou tout autre formule éviter les signes distinctifs). Les acteurs ont semblé avoir omis ou négliger les questions de la prise en charge financière du CNT. Quelle va être la rémunération des membres de cette structure ? De mon point de vue, il serait souhaitable de ne pas faire l'économie de cette question en disant que cela irait de soit. Il serait souhaitable de réduire le train de vie de l'état de façon drastique, de mettre fin au gaspillage des ressources publiques et de récupérer tout les biens publics qui ont été privatisés par des individus qui se considéraient comme des « Hommes forts ».


Le domaine politique ne doit pas être un lieu d'enrichissement. Les jeunes qui ont donné leurs vies ne comprendront pas qu'il n'y ait aucun changement. Un député doit être un porteur de changement au sein de la société à travers les normes qui le régissent et non un pourvoyeur de ressources pour ses électeurs. Tout burkinabè devrait avoir le droit de prétendre à un mandat électif qu'il soit d'un parti politique ou non. La question des candidatures indépendantes doit être définitivement réglée. Il faut instaurer une nouvelle approche dans les rémunérations des membres qui participent aux travaux des institutions qui seront mis en place. L'altruisme et le don de soi pour la nation seront les deux critères de choix. Ici, il me parait important d'envisager la rationalisation de nos institutions, il faudra mettre en place de nouveaux organigrammes, supprimer les redondances, délocaliser, fusionner en cas de besoin renforcer les capacités de l'ensemble de nos institutions.


A ce propos, il semble également normal de sortir des sentiers battus. On pourrait proposer de verrouiller le nombre de ministres par la loi ; quinze (15) ministres par exemple et (2) secrétaires d'états.


Au plan institutionnel, afin de rééquilibrer la participation de l'ensemble national à la gestion de l'administration, il faudra délocaliser certains départements ministériels. Ainsi, le ministère de l'élevage sera à Dori, le ministère de la santé sera à Fada, le ministère de la justice (y compris toutes les juridictions supérieures de l'Etat) et celui de l'information seront à Ouahigouya et le ministère des finances et celui de l'agriculture seront à Bobo-Dsso. Voilà cinq pôles de développement qui naîtront d'office ; ici je fais un clin d'œil à mon jeune frère Mr Bassolé. Je reste persuadé que les milliards qui sont alloués chaque année à ces départements serviront en partie de levier à une activité économique soutenu dans les dites villes et dans les régions qui les hébergent. Juste quelques éléments de justification. Le cas de Ouahigouya me semble très intéressant car nous aurons, compte tenu de la réputation de cette ville, une presse et une justice indépendantes. Pour Fada, j'espère également que nous aurons des médecins qui en plus de leur science sauront « lire le sable » afin d'améliorer la qualité des soins au Faso.


Après la délocalisation administrative, il semble également important de rationnaliser les actes administratifs. Il faudra procéder à la simplification des procédures administratives. Tout ce qui à un caractère régional, devrait avoir une autorisation régionale. Plus besoin de la signature d'un ministre à Ouagadougou pour ouvrir une pharmacie à Kaya. On pourrait prendre des exemples dans tous les domaines. Les régions doivent se prendre totalement en charge avec simplement le respect des normes en vigueur au Burkina Faso. Le processus de décentralisation actuelle a besoin d'être approfondi. Ce n'est pas seulement une question de ressources, il me semble vraiment nécessaire de véritablement libérer les énergies et les initiatives à la base sans aucun besoin de parrainage. Dans le cadre de ce nouveau et réel « new deal », il faudra permettre l'émergence d'opérateurs régionaux. La pratique qui consiste à autoriser un seul opérateur à couvrir tout le pays dans quelque domaine que cela puisse être, devrait être banni à jamais. Nous devons faire confiance au génie de chaque burkinabè comme acteur et porteur de projets et de propositions pour son propre bien être.


Par ailleurs, comme nous l'avons expérimenté nous avons vu comment on pouvait transformer nos institutions en coquilles vides. Quels enseignement tirer des ces faits ? On pourrait convenir que le parti au pouvoir s'adjuge tous les ministères sauf deux. Le ministère de la justice reviendrait au parti arrivé en deuxième position après les élections législatives et le ministère de l'information au parti qui arriverait en troisième position. Je pense également que l'on pourrait limiter le nombre de partis à cinq (5) ou sept (7). Nous avons déjà sous la présidence du général Lamizana une limitation à trois partis.


Mettre fin au clientélisme politique au sein de l'administration. Le système d'accès aux postes par voie de tests devrait être renforcé. De façon systématique, tous les postes doivent être ouverts à concurrence tous les cinq ans pour permettre d'injecter du sang neuf ou de confirmer le leadership de la personne qui occupe le poste. Pour éviter l'usure aucun poste ne saurait être occupé par le même fonctionnaire au delà de huit (8) ans. La confirmation à un poste donnerait donc une prolongation de trois (3) ans. Partant, le ministre ne pourrait nommer que le secrétaire général et ses conseillers qui eux-mêmes devraient répondre à des critères précis de qualification. L'objectif poursuivi serait d'avoir une administration apolitique avec un degré d'autonomie élevée.


Par ailleurs, que constatons-nous ? L'état est le premier opérateur économique du pays. A ce titre, il est devenu un important distributeur des richesses à travers essentiellement les marchés publiques, les exonérations, l'octroi des autorisations d'importation et/ou d'exportation des biens et services. Pour ce qui concerne les marchés publics, il faudra supprimer les commissions d'attribution et mettre en place un système de liste. Chacun à son tour dès lors que la même administration reconnait les capacités des différents opérateurs. Cela nous évitera de créer des milliardaires artificiels sans génie et arrogants ; alors que les marchés publiques bien attribués assurent une saine répartition des ressources nationales. Ici nous aurons également de très bons consultants qui ont fait leur preuve au service de la nation (Mr Comparoré, Mr Mano, d'autres et moi même répondront certainement présent pour relever ce défi). L'économie de marché a ses règles, si c'est cela notre choix de développement donc nous devons appliquer ces règles.


Pour les importations et les exportations il faudra éradiquer les monopoles privés de toute sorte et réellement ouvrir le marché burkinabé à l'ensemble des opérateurs privés. Les opérateurs économiques devraient bénéficier des mêmes traitements au niveau de la douane car c'est là que l'on fait subir des tracasseries de toute sorte à certains opérateurs de bonne foi qui ne comprennent pas le système en place.


En l'état actuel de notre gouvernance, un seul mot d'ordre auditer, auditer les textes en vigueurs, auditer les parcelles, auditer les régies de recettes, auditer la SOFITEX et toutes les grandes entreprises publiques. Je n'en tire aucune conclusion mais, sans passion ni haine, il faudra mettre en œuvre les conclusions pertinentes des audits.


Dans le cadre de la mise en œuvre de la SCADD, je suggérerai que l'on renforce les capacités du secrétariat de la SCADD au niveau institutionnel, financier et des ressources humaines. Car, pour l'instant, l'accélération se trouve plus dans le mot que dans les faits. Un secrétariat renforcé pour assurer l'appropriation nationale de la stratégie par tous les acteurs de façon inclusive. Ainsi, dans le cadre de cette stratégie, le chauffeur de taxi devrait se dire que sa mission serait d'être très accueillant et faire en sorte que le temps qu'il mettait pour parcourir les différents trajets puisse être réduit d'un 1/3 ou de moitié. Tous les secteurs économiques et sociaux devraient identifier les éléments qui constitueraient les indicateurs de l'accélération dans leurs domaines. Bref tout le monde devrait accélérer la cadence de livraison des résultats, telle est la signification du mot accélération et je pense également que mon frère Mr Somé ne me dira pas le contraire.


Nous vivons une phase délicate de notre vivre ensemble, à cet effet, évitons les attitudes qui un jour pourraient nous incriminer. Nos amis les juristes nous disent force reste à la loi. Avant toute décision posons nous cette simple question ‘'Que dit la loi et/ou les textes en vigueur dans notre pays ? Et appliquons la loi et faisons appliquer la loi. Respectons le code de la route et faisons respecter le code de la route. Par notre insouciance, les accidents de la route vont devenir la première cause de mortalité dans notre pays. Il faudra communiquer et sévir durement cela ne devrait pas continuer. Cela m'amène à aborder la question de notre santé. Notre premier médicament est la nourriture que nous consommons et la seconde ligne de notre protection est l'hygiène. De cette affirmation je tire deux slogans ; la première mangeons notre production agricole et celle de la sous-région que je résumerais par mangeons Burkinabè. Le second, soyons propre à la maison, à notre lieu de travail, à notre lieu de jeux, partout dans notre environnement.


Je terminerai mon propos en nous invitant à tout mettre en œuvre pour sortir le plus rapidement possible l'école burkinabè de l'abîme où elle se trouve actuellement. Cela est plus qu'une priorité c'est une urgence absolue. Il faut désinfecter notre système scolaire. Le développement de notre pays voudrait que nous fassions de l'éducation une vaste entreprise de développement. C'est de là que viendra notre salut. Donc, je soumets ici deux réformes. La première voudrait qu'à partir de maintenant nous recrutions nos instituteurs avec le niveau BAC et la seconde consiste dès la sixième à donner le même coefficient et le même nombre d'heures au français et à l'anglais. Cela aura pour conséquence d'augmenter le nombre de professeurs d'anglais et de faire en sorte que, nos enfants dès la terminale, puissent être capables de poursuivre leurs études en anglais ou en français sans un effort particulier. Nous avons un atout qu'il nous faut exploiter à fonds ; notre environnement est propice au multilinguisme. Je ne saurais terminer sans me référer au professeur Ki-Zerbo Joseph qui écrivait je cite, « Chaque génération a des pyramides à bâtir ». Pour rendre un hommage au Pr Ki-Zerbo, l'Université de Ouagadougou pourrait prendre le nom de « Université Ki-Zerbo Joseph » pour affirmer un nouveau départ, une rupture et une farouche volonté de changement et d'engagement pour un meilleur devenir de notre pays. Il est temps d'enseigner nos grands universitaires à l'université.


La journée du 30 octobre 2014 sera inoubliable si, ici et maintenant, nous commençons à poser les premières pierres de nos futures pyramides. Dieu nous a donné toutes les recettes de la réussite ; vous les trouverez dans les livres. Lisez donc sans modération ni retenu et à tout moment de la nuit et du jour.


Baly Ouattara





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