Evaluation de l’environnement institutionnel des communes d’Afrique : Le Bénin placé 17e avec une moyenne de 22 sur 40

Publié le mercredi 5 octobre 2016

En vue d’aider les communes et les pouvoirs locaux d’Afrique à définir les actions nécessaires pour leurs innovations, Cities Alliance (CA) et Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique (CGLU-A) ont évalué les communes de 50 pays d’Afrique. Selon cette évaluation axée sur dix critères, le Bénin est placé 17e  avec une moyenne de 22 sur 40.

Avec l’évolution démographique des pays africains, il est intéressant que ces pays améliorent l’environnement de leur commune. Et ce, afin d’aider la population à mieux se loger et à bénéficier des services sociaux de base dans leurs communes respectives. Ainsi, les collectivités locales doivent jouer leur partition pour amorcer leurs développements. Pour ce, les communes doivent se doter des fonctions et des ressources nécessaires qui leur permettront d’innover, de promouvoir le développement local et d’être redevables vis-à- vis de leurs citoyens. C’est dans cette dynamique que Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLU-A) et Cities Alliance ont décidé de s’associer afin de produire, pour la première fois en Afrique, une évaluation de l’environnement offert par les pays africains à l’action des villes et des collectivités locales. Pour chacun des pays, le rapport a proposé une analyse de la situation, il a mis en lumière les avancées et les contraintes de la décentralisation et a donné quelques pistes de réforme possibles pour en améliorer la mise en œuvre. Le rapport produit est appelé à être régulièrement publié, tous les deux ou trois ans.

Des critères d’évaluation

Dans le cadre cette évaluation, dix indicateurs ont été retenus. Il est à noter, le cadre constitutionnel, le cadre législatif, la démocratie locale, les transferts financiers de l’Etat aux collectivités locales,  les ressources propres, le renforcement des capacités des administrations locales,  la transparence, la participation citoyenne, la performance des collectivités locales, la stratégie urbaine et des fiches-pays.

Conscients que l’approche proposée peut prêter à discussions et controverses, les deux institutions ont voulu que ce travail soit l’occasion d’un débat sur les analyses et les propositions avancées plutôt que sur des considérations méthodologiques que l’insatisfaction par rapport à certaines conclusions de l’exercice pourrait naturellement susciter. C’est pour cette raison que des experts externes ont été associés pour mener une revue critique de l’étude. Le but de cette revue par ceux-ci a consisté à apprécier la qualité générale de l’évaluation proposée, à la fois d’un point de vue méthodologique et du point de vue de la pertinence et de l’exactitude de l’information réunie pour chaque pays.

La revue de la méthodologie a concerné plusieurs points dont, les dix critères proposés permettent-ils de porter un jugement adéquat sur ce qui peut être considéré comme étant un environnement favorable à l’action des villes pour gérer efficacement l’urbanisation ? Les critères choisis sont-ils clairement formulés ? Sont-ils pertinents, complets et suffisants pour caractériser cet environnement ? Les éléments proposés pour positionner les pays au regard de chaque critère sont-ils pertinents ? La formulation de ces éléments de positionnement est-elle suffisamment claire pour permettre de classer les pays sans ambiguïté relativement à chaque critère ?  L’application de la notation de 1 à 4 obtenue par les pays sur chaque critère est-elle globalement cohérente ? Permet-elle d’opérer une comparaison correcte entre les pays ?

En ce qui concerne le contenu des fiches-pays, les experts associés à la revue ont été invités à répondre aux questions suivantes : l’information fournie sur chaque pays est-elle pertinente, à jour et correcte ? Certains éléments clés font-ils défaut dans les situations décrites ? L’analyse des situations est-elle objective et étayée par des données vérifiables, et est-elle conduite avec rigueur ? La classification proposée des pays sur chaque critère s’appuie-t-elle sur une argumentation justifiée ? Les recommandations et les propositions de réformes formulées sont- elles cohérentes avec les situations décrites et les analyses conduites ? Les réformes proposées sont-elles pertinentes et effectivement adéquates pour améliorer l’environnement de l’action des villes et des collectivités locales ? Ces propositions de réforme sont-elles correctement hiérarchisées ? Sont-elles suffisamment explicites pour orienter concrètement l’action à engager ? Les acteurs concernés par leur formulation et leur mise en œuvre sont-ils clairement identifiés?

Les résultats issus de cette évaluation dont la méthodologie a été très claire et précise,  affichent l’Afrique du Sud  premier avec 33 points et le Libéria dernier avec 11 points. Le Bénin s’est retrouvé à la 17e place avec 22 points sur 40. Il fait, ainsi, partie des pays dont les avancées vers un environnement favorable aux villes et autorités locales nécessitent d’importants efforts de réformes.

Des Propositions de réformes

 Bien que le Bénin ait la moyenne, il  est sans doute de comprendre que des efforts restent à déployer pour le mieux être des populations ainsi qu’au développement local. Pour cela, ce rapport propose une analyse de la situation. Il met également en lumière les avancées et les contraintes de la décentralisation et avance quelques pistes de réformes possibles pour en améliorer la mise en œuvre. Ainsi, plusieurs propositions de réformes ont été formulées à l’endroit des communes et autorités gouvernementales. Ces propositions de réformes sont classées en quatre catégories.

La première réforme est celle des transferts aux communes. Les transferts sont largement en deçà du coût des compétences transférées. Selon une étude financée par l’ANCB, le coût total des sept domaines de compétences à transférer aux communes ordinaires (auxquels il faut ajouter les quatre domaines pour les communes à statut particulier) touche la barre des 10 % du budget général de l’Etat (BGE). La somme des dépenses consacrées aux domaines transférés s’est élevée en moyenne entre 2004 et 2009 à 67 milliards FCFA ; ce qui correspond à environ 9,18 % du BGE. Cependant, seuls 16 milliards FCFA ont été réellement transférés vers les communes, ce qui correspond à environ 1,83 % du BGE (avec un pic de 3,67 % en 2008). En d’autres termes, entre 2004 et 2009, l’Etat a continué à dépenser en moyenne 7,35 % du BGE, soit l’équivalent de 51 milliards par an, dépenses qui auraient dû être mises en œuvre par les communes, conformément aux dispositions légales et réglementaires concernant la décentralisation, soit 67 % des dépenses publiques dans les domaines transférées aux collectivités locales. Suite à cette étude, un dialogue national a été facilité par CGLU-A sur le partage des ressources entre collectivités locales. La feuille de route adoptée à la suite du dialogue national tenu en présence du ministère en charge de la décentralisation, du ministère des Finances, de la commission des finances de l’Assemblée nationale et de l’Association nationale des communes du Bénin prévoit trois grandes étapes pour ajuster les transferts des ressources financières aux transferts des compétences reconnues aux collectivités locales. La réforme devrait appuyer la mise en œuvre de cette feuille de route par l’intermédiaire du Fonds d’appui au développement des communes (FADEC). En effet, le FADEC a été mis en place pour recueillir les fonds des ministères sectoriels correspondants aux compétences transférées ; mais plusieurs ministères sectoriels rechignent à décentraliser leurs dépenses au profit des communes.

 La deuxième réforme concerne la fiscalité locale. Plus que la centralisation de la chaîne fiscale et le fait que les collectivités locales soient exclues de cette chaîne, ce sont les interventions de l’Etat qui fragilisent l’autonomie financière locale. Par exemple, la loi de finances et de gestion 2009 a eu des implications importantes sur les ressources des collectivités locales dont les effets ne sont pas encore compensés. En effet : a) le changement de certaines dispositions antérieures au Code général des impôts, telles que la suppression de l’outillage industriel dans le calcul de la patente et du foncier bâti et la suppression du paiement de la patente par les nouvelles entreprises, et b) la suppression de la taxe de voirie dont l’objectif était de dédommager les villes qui subissent les coûts occasionnés par le trafic routier d’origine portuaire dans l’optique de rendre compétitif le Port autonome de Cotonou (PAC) ont coûté plus de cinq milliards FCFA, soit près de 34,90 % du total des recettes fiscales locales de 2008. Cet exemple est significatif des interventions de l’Etat central dans la fiscalité locale sans que des compensations correspondantes soient versées aux collectivités. La réforme devrait consolider les dispositifs institutionnels qui protègent les ressources des collectivités locales avec y compris, pourquoi pas, le recours juridictionnel.

 La troisième réforme concerne les questions de gestion et de gouvernance locales. L’efficacité locale en matière de fourniture de services publics locaux mérite une réforme. Il n’existe en effet pas de tradition d’évaluation des performances des collectivités locales dans la délivrance des services publics locaux, et les audits des communes sont encore rares et peu étendus à l’ensemble des communes béninoises. Dans un pays où la subsidiarité va être de plus en plus renforcée avec une élévation de la part des dépenses publiques mises en œuvre par les communes, le renforcement de la qualité de la dépense publique au niveau local est un impératif pour atteindre une offre de services efficiente. La capacité locale mérite aussi une attention particulière dans le cadre des réformes à mettre en place. La législation consacre les communes comme maîtres d’ouvrage, mais en dehors des communes à statut particulier qui disposent d’un personnel de qualité bien formé, très peu de communes disposent des ressources humaines adéquates pour la pleine prise en charge des compétences transférées. En effet, il n’existe pas de stratégie nationale de renforcement des capacités des communes. Certes, un référentiel des métiers existe avec des modules de formation élaborés par la Maison des collectivités locales (MCL), mais ces outils n’ont pas été appliqués à toutes les communes.

L’autre besoin de réformes concerne la gouvernance locale, particulièrement le volet de la participation des populations à la gestion locale. Le Bénin peut se targuer d’organiser des élections locales régulières donnant lieu à des organes délibérants et exécutifs élus à l’issue d’un processus transparent et équitable. Cependant, aucune législation et aucun dispositif ne prévoient la participation des populations à la gestion des affaires locales, et aucune modalité n’est mise en place dans les communes pour ce faire.

 La quatrième réforme est le besoin d’opérationnalisation de la stratégie urbaine. Il est nécessaire que soit organisé un forum au cours duquel pourrait être discutée l’instrumentation institutionnelle et financière de la stratégie urbaine nationale.

 (Source CGLU-A)


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