Entretien avec le Dc du MESTFP, Charles M. Codjia : » Il faut éviter la politisation des nominations dans l’enseignement… »
Présentez-vous à nos lecteurs.
Je vous remercie de l’opportunité que vous m’offrez de m’entretenir avec vous et, à travers vous avec tout le peuple. Je m’appelle Charles Maximin Codjia. Je suis professeur certifié de français, actuel Directeur de cabinet du ministère des enseignements secondaire, technique et de la formation professionnelle.
Quel est l’état des lieux depuis l’arrivée de votre équipe ?
Je dirai que depuis que le ministre a pris les rênes de ce département, il s’est efforcé de faire l’état des lieux en rencontrant tous les partenaires sociaux, puis en écoutant tous les administratifs.Ce qui a permis de comprendre que le Ministère des enseignements secondaire, technique et de la formation professionnelle est un ministère à nombreux problèmes. Je dis souvent que ces problèmes sont à l’image d’une poupée russe. Quand on ouvre, on trouve une pièce, quand on ouvre encore, on trouve une autre etc etc… Mais très tôt, le ministre a pris sur lui l’engagement de résoudre progressivement ces problèmes. Ils sont de trois ordres:il y a d’abord au sein du ministère la question de l’équipement, ensuite dans le monde enseignant lui-même le problème de carrière des enseignants et puis maintenant l’école en elle-même, du point de vue structure, du point de vue infrastructures etc… C’est ce qu’il est en train de faire jusqu’à maintenant.
Pourtant l’enseignement secondaire aussi est confronté à d’énormes difficultés. Quelles sont par exemple les mesures idoines à mettre en œuvre, selon vous, pour assurer la qualité de l’éducation au Bénin ?
A ce sujet, il y a la question de carrière de nos jeunes frères reversés.A ce niveau, le ministre a mis en place une commission qui siège au fur et à mesure que les diplômes sont donnés par les écoles normales où ils sont en formation. Ce qui fait que à ce jour, nous sommes à 2480 dossiers qui ont été traités, des actes qui sont pris et signés.Il ne reste que leur validation au niveau du FUR. Cela fait qu’aujourd’hui, ces jeunes frères, ces collègues reversés sont désormais des professeurs de la catégorie A3, de la catégorie A1. Au fur et à mesure que les diplômes seront délivrés par l’école normale, les résultats des examens seront donnés,les commissions seront mises en place pour qu’on finisse définitivement avec ce problème de carrière des reversés. Mais de l’autre côté, il faut reconnaître qu’ils ont aussi des devoirs. Cela voudrait dire que désormais, ils ne peuvent plus se battre pour les questions de carrière, mais ils doivent se battre pour la réussite des élèves. Nous avons constaté aussi qu’il y a beaucoup d’établissements pour lesquels on a nommé des censeurs adjoints, ce que les textes ne disent pas, c’est-à-dire normalement pour avoir un censeur adjoint dans un établissement, il faut que le collège ait au moins 40 groupes pédagogiques. Donc, nous avons déchargé tous ces censeurs adjoints qui ne sont pas dans les collèges à plus de 40 groupes pédagogiques. Mieux, au niveau du ministère lui-même, il y a de jeunes collègues qui ont été formés à grands frais, mais au lieu d’enseigner, ils sont allés se réfugier dans les ministères pour des raisons que j’ignore. Or nous avons besoin de professeurs sur le terrain donc à ce niveau,il y a eu la première phase du redéploiement où on a déjà envoyé plus d’une centaine sur le terrain pour enseigner et il y aura une deuxième phase, car il y a un grand besoin sur le terrain.
Monsieur le Dc, vous n’êtes pas sans savoir qu’au Bénin, les nominations sont toujours politisées.Que sont-elles devenues sous l’ère de la rupture ?
Le président Patrice Talon a été clair.Il a dit que la politisation des nominations dans l’enseignement, il faut l’éviter le plus possible. Et donc dans ce cadre, la commission chargée des nominations a été instruite pour que ce soit des critères bien définis. Donc pour être nommé, il faut être d’abord un cadre de catégorie A, il faut être sur la liste d’aptitude. Ce n’est qu’à cette condition-là qu’on peut bénéficier d’une nomination. Maintenant, nous nous sommes efforcés de nommer dans les collèges à gros effectifs uniquement des professeurs de catégorie A ayant des grades élevés et progressivement, nous sommes descendus vers les autres. Mais il faut reconnaître dans certaines régions, il n’y a presque pas de de cadres de catégorie A. Là, nous en sommes obligés de descendre. En général ce sont des collèges à au plus six groupes pédagogiques. Mais le tout n’est pas d’être de catégorie A pour être sur la liste d’aptitude ou pour être nommé. Il faut aussi avoir une valeur morale,il faut être rassembleur, il faut avoir une aptitude à diriger,avoir le sens de l’anticipation. Et tous ces chefs d’établissements auront des lettres de mission parce que nous ne voulons plus revenir à ces résultats catastrophiques. Si un chef d’établissement ne peut pas remplir sa mission, il sera déchargé avant la fin de son mandat de 4ans.
Le défi de recrutement d’enseignant se pose aussi avec acuité. Résoudre le problème des vacataires n’est-il pas un début de solution ?Quelle thérapie de choc proposez-vous pour réduire considérablement ce déficit en enseignants ?
C’est une grande question, c’est un gros problème. Mais je voudrais d’abord définir ce qu’on appelle un vacataire.En réalité, les gens n’ont pas une connaissance précise du vacataire. Le vacataire c’est en fait une compétence extérieure à l’enseignement à laquelle on fait appel pour enseigner de façon ponctuelle. Donc le vacataire normalement n’est pas un professionnel de l’enseignement. Et aujourd’hui nous voulons des professionnels de l’enseignement dans l’enseignement. Il y a quelques années, les vacataires coûtaient au budget national trois milliards, mais aujourd’hui c’est quinze milliards. Le gouvernement a opté pour un plan de recrutement de professeurs. Cela va réduire le flux de vacataires et va permettre à nos apprenants d’avoir des enseignants rompus à la tâche. Un plan de recrutement est prévu et à ce niveau, plus de trois mille enseignants chaque année sur les cinq ans.
Nous avons assisté ces derniers jours à la fermeture de certains lycées. Qu’en est-il réellement ?
Oui,d’abord vous savez, ce sont des lycées d’enseignement technique. C’est purement politique. Ces lycées ne répondent pas aux normes.Nous avons le lycée technique commercial et industriel de Tchaourou, le lycée tertiaire et industriel de Savè, les lycées tertiaire et industriel de Dassa, de Tanguiéta, de Grand-Popo, de Sakété. Et ces élèves ont été dirigés vers d’autres lycées comme Ina, Bohicon et autres. Et les proviseurs de ces lycées ont été instruits pour que ces apprenants soient prioritaires lors des inscriptions.
Que compte faire le Gouvernement de la rupture pour aider les collèges privés qui font quand même un travail remarquable ?
Au budget 2017, il est prévu une aide ponctuelle aux collèges qui ont donné 50% d’amis au Bac, mais ayant présenté au moins 50%.C’est juste pour faire comprendre aux privés que l’État mesure l’importance de ce qu’ils font.
Parlez-nous un peu de la gestion des inspecteurs sous l’ère de la rupture.
Sous l’ère de la rupture,les inspecteurs de l’enseignement seront des encadreurs.Il y aura un encadrement de proximité, c’est pour cette raison qu’il y a un pool d’inspecteurs dans les départements. Cela permettra une optimisation de la formation continue et une réussite assurée pour nos apprenants.
Les directeurs départementaux sont enfin nommés. Quels étaient les critères ?
Je reconnais que les textes disaient qu’il faut être inspecteur. Mais au terme du dernier dialogue social avec les responsables syndicaux, ils ne souhaitaient pas qu’il y ait que des inspecteurs. Le gouvernement a été sensible à leurs doléances.Ce qui fait qu’il y a eu amalgame. On a nommé quelques inspecteurs et quelques professeurs certifiés.
Pour finir, le Secrétaire Général Paul Essè Iko de la Cstb continue d’avoir la dent dure contre l’approche par compétence (Apc).Qu’en pensez-vous ?
Oui,je voudrais simplement dire que c’est l’approche par compétence qui a fait que les Américains sont allés sur la lune; c’est l’Apc qui fait de la Chine une puissance mondiale ; c’est l’Apc qui fait que l’Inde est une puissance mondiale. J’ose croire que ce que Paul Essè Iko réclame, c’est une veille citoyenne. Nous allons améliorer.
Si vous devez conclure cet entretien ?
J’ai espoir. Je suis quelqu’un d’optimiste.Je ne supporte pas qu’on manque d’espoir.Un pays qui peut entretenir l’espoir de sa jeunesse est un pays qui va réussir.
Réalisée par Jonas Magnidet (Ouémé/Plateau)
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