Animation de la vie politique nationale au Bénin : Ces partis qui portent bien leur nom de «clubs électoraux»

Publié le lundi 3 octobre 2016

Au Bénin, il n’existe pas encore de partis politiques dignes du nom. 26 ans après l’historique conférence des forces vives de la Nation, la vie politique nationale est plutôt animée par des « clubs électoraux ». En tout cas, l’organisation, le fonctionnement, le financement, l’animation…de ce que nous avons actuellement comme partis politiques au Bénin sont encore loin des normes.

S’il n’est pas le premier, le Bénin doit en tout cas faire partie des pays du monde qui comptent le plus grand nombre de partis et d’alliances politiques. Au Ministère de l’intérieur où ils sont enregistrés après leur création, le répertoire explose. La barre des 300 partis, mouvements et Alliances de partis politiques a été en tout cas franchie depuis.

Selon nos investigations, la dernière décennie a été la période de la vache grasse. Les formations politiques ont poussé comme des champignons pour apporter leur soutien à l’homme fort de la Refondation, Boni Yayi. Il n’y a pas de week-end sans Assemblée générale constitutive consacrant la création d’un parti politique. La situation était devenue telle que chaque région, (que dis-je ?) chaque famille avait sa formation politique.

Pour la plupart, ces partis politiques créés à la faveur du multipartisme intégral décrété à la conférence nationale de février 1990 et consacré par la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 n’ont aucune base. Mieux, ils ne sont guidés par aucune idéologie si ce n’est pas celle du ventre. Autant qu’elles sont, ces formations politiques se partagent d’ailleurs les mêmes militants. Il n’est d’ailleurs  pas rare de voir ici au Bénin la même personne détenir plusieurs cartes de plusieurs partis politiques.

Animation et formation de la relève : zéro !

Sur le front de la formation à une relève de qualité, plusieurs partis politiques brillent par leur absence. Des efforts sont faits çà et là certes. Le Parti du renouveau démocratique, l’Alliance pour un Bénin triomphant (ABT), l’Alliance Union fait la Nation, le Parti Restaurer l’espoir, le Parti communiste du Bénin et dans une certaine mesure La Renaissance du Bénin montrent des signes extérieurs de partis politiques  au sein desquels un minimum est respecté. Mais de façon globale, ce n’est pas encore ce qu’il faut. Dans les régions, plusieurs partis politiques sont absents sur le front de l’animation de la vie politique nationale. Ceux d’entre eux qui ont fait l’effort de s’offrir des locaux pour abriter leurs structures décentralisées ne font aucun effort par contre pour donner vie à ces structures. A Abomey, c’est le silence plat aux sièges du parti La Renaissance du Bénin et de l’Alliance pour un Bénin Triomphant. A Porto-Novo, le siège du grand Parti du renouveau démocratique n’existe que de nom. Aucun signe de vie dans le grand bâtiment qui l’abrite. C’est le même constat qui est aussi fait au siège du Furd, cette formation politique créée dans la foulée des dernières élections par Mme Mathys Adidjathou, actuelle ministre de la fonction publique dans le gouvernement du Président Patrice Talon.

De véritables clubs électoraux

Pour beaucoup de politologues, le concept de parti politique n’est pas encore développé au Bénin, 26 ans après l’historique conférence de février 2016. « On est encore à l’étape des clubs électoraux. A la limite on parlera même de syndicats politiques », a déclaré un enseignant de la faculté de droit et des sciences politiques de l’université d’Abomey-Calavi. Poursuivant ses propos, il a en effet relevé le fait que la plupart des partis politiques béninois sont sans idéologie. Le comble, a-t-il poursuivi est que c’est seulement en période électorale qu’on sent véritablement que ces partis existent. Un tour dans les sièges des partis politiques en période électorale vous fait en effet découvrir une autre réalité. Ces sièges grouillent de monde. Vous avez des gens à qui vous adresser. Une permanence est bien tenue et des réunions s’enchainent. Mais après, plus rien comme c’est le cas en ce moment.

Le comble est que rares sont  les partis ou Alliance de Partis qui respectent la loi N° 2001-21 du 21 février 2003 portant  charte des partis politiques votée par l’Assemblée Nationale. Aux termes des dispositions de l’article 2 de cette charte, « les partis politiques sont des groupements de citoyens, formés en vue de promouvoir et de défendre des projets de sociétés et des programmes politiques dans le cadre de la Constitution du 11 décembre 1990 et des lois subséquentes. Dans leur vocation de conquérir le pouvoir d’Etat ou à participer à la représentation du peuple au niveau local et national, ils concourent à la formation de la volonté politique et à l’expression du suffrage universel par des moyens démocratiques et pacifiques, entre autres en : stimulant et en approfondissant l’éducation civique ; encourageant la participation active des citoyens à la vie publique ; formant des citoyens capables d’assumer des responsabilités publiques ; participant aux élections locales et nationales par la présentation de candidats ; contribuant à l’animation politique au Parlement, au gouvernement et dans la vie publique ; veillant à une liaison entre le peuple et les organes de l’Etat… ». La loi est donc claire. Mais au Bénin, beaucoup de partis sont créés pour soutenir les actions du Gouvernement et de son Chef. La vie politique au Bénin a été malheureusement rythmée par cette façon de voir la chose politique ces dix dernières années. Si Talon n’avait pas dit « Stop » à cette hypocrisie collective plusieurs partis auraient été créés pour le soutenir.

Urgence de changer la donne

Cela urge maintenant. Il faut changer la donne peut-être en profitant de la réforme sur le système partisan annoncée par le Président Patrice. Autrement, le Bénin restera seulement et pour toujours encore le pays qui a réussi le passage de la dictature militaro-marxiste à la démocratie sans effusion de sang, mais pas un pays véritablement démocratique où la vie politique est animée par les Partis politiques.

La conséquence de l’inconséquence des partis politiques est là. Depuis 1990, aucun d’entre eux n’a réussi à hisser au pouvoir un de leurs membres ou responsables. Soglo n’avait pas de parti politique quand il a été porté au pouvoir en 1991. Kérékou II non plus. C’est en étant au pouvoir que Boni Yayi qu’il  a été créé pour Boni Yayi les Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe). Patrice Talon devenu Président du Bénin à l’issue des élections présidentielles de 2016 n’a pas non plus de parti politique.  Si les responsables des partis politiques qui existent ne prennent pas conscience, ce  parachutage continu des gens qui n’ont rien à foutre avec la politique à la tête de l’Etat ne s’arrêtera pas. Sous d’autres cieux, on connaît ceux qui peuvent occuper tel ou tel poste politique du niveau local au niveau national. Mais ici au Bénin, c’est le contraire. Et ne pourra qu’assister à la destitution des maires comme c’est le cas en ce moment avec pour corollaire l’échec du développement à la base. Changeons la donne encore qu’il est temps.

Affissou Anonrin


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