Une humanisation des prisons du Bénin
Les prisons béninoises ne sont pas vivables. En dehors de celles de Missérété et d’Abomey-Calavi qui jouissent d’un statut particulier, ce n’est pas la joie dans les maisons d’arrêt de Cotonou, de Kandi, de Parakou, de Ouidah, de Porto-Novo, d’Abomey…pour ne citer que celles-là. Construites pour accueillir quelques centaines de divorcés sociaux, ces prisons sont aujourd’hui en mode surpopulation carcérale. Bandits de grand chemin, petits larcins, braqueurs, criminels patentés et innocents se côtoient dans ces maisons d’arrêt qui ne répondent plus à aucune norme et qui font royalement entorse à la réputation de grand Etat de droit dont se vante la République du Bénin.
Franchir les portes des maisons d’arrêt du Bénin et y séjourner n’est pas en tout cas ce qu’il faut souhaiter à son pire ennemi. Personne ne résiste devant l’hécatombe. Pas même les députés. Beaucoup d’entre eux n’ont d’ailleurs pas pu retenir leurs larmes devant ce qu’ils ont vu lors de la descente qu’ils ont effectuée dans les maisons d’arrêt du Bénin il y a de cela quelques semaines. Oui ! Ils ont pleuré parce qu’ils ont pu toucher du doigt les réalités de ces maisons d’arrêt qui abritent des mineurs incarcérés pour des crimes de sang, des femmes écrouées parce qu’elles n’ont pas pu solder les prêts qu’elles ont contractés auprès de certaines institutions de microfinance, des innocents qui croupissent depuis des années en prison dans l’attente d’une hypothétique première audience devant un juge instructeur.
La situation est bien au-delà de ce qu’on pourrait penser. N’ayons pas la langue de bois. Les droits des prisonniers sont bafoués au Bénin. Tous les ministres en charge de la justice qui se sont jusque-là succédé ne peuvent pas me dire le contraire. Coupables, présumés coupables ou condamnés, vous subissez les mêmes violations une fois que vous êtes dans ces maisons d’arrêt. La part belle est certes faite aux ploutocrates. Dans toutes les maisons d’arrêt du Bénin, ce sont les plus nantis qui sont à la bonne enseigne, jouissant de privilèges proportionnels au nombre de billets de banque qu’ils mettent dans la cagnotte. Dans la plupart de ces prisons, d’importants privilèges sont accordés aux prisonniers ploutocrates (Grands faussaires, gros détourneurs de deniers publics et autres). Pour les « Having not » par contre, c’est la galère dimension XXL. Ils doivent se contenter des repas sous-rationnés que l’Etat leur offre par jour un point c’est tout. Pour les soins médicaux, c’est tout simplement un luxe pour ces « Having not » qui crèvent tous les deux jours, juste pour une crise de paludisme, selon les confidences faites par certains prisonniers d’Abomey.
Le rubicond est franchi car la situation dépasse aussi les éléments des Brigades pénitentiaires. Ils sont à bout de souffle. Le comble est que les armes qu’ils portent ne font même plus peur à certains prisonniers qui disent ne plus craindre pour leur vie si cela peut contribuer à changer la situation que vivent les prisonniers béninois. Oui ! Osons le souffler. Le spectre de la mutinerie souffle sur plusieurs maisons d’arrêt du Bénin. Ce n’est pas du vent. Les députés qui ont sillonné ces maisons d’arrêt peuvent en témoigner. Ils ont vu des prisonniers prêts à tout. Le cas le préoccupant d’ailleurs est celui de ces mineurs de la prison civile de Kandi qui y séjournent pour des crimes de sang. Ils sont en prison parce qu’ils ont tué pour ne pas subir la colère de leurs gourous qu’on soupçonne d’être des islamistes. Imaginez qu’il y ait mutinerie et que ces gens-là se retrouvent en liberté. Ce qui va se passer sera tout simplement grave !
On peut tout éviter. C’est pourquoi je plaide pour un peu plus de regard d’amour pour ces prisonniers. Penchons-nous sur leur cas. Offrons-les la chance de se remettre en cause depuis les maisons d’arrêt où ils séjournent en ce moment. Faisons ce qui doit être pour désengorger ces prisons. Pensons à humaniser nos prisons. Aujourd’hui ce n’est pas nous. Demain ça peut être nous à la place de ces pensionnaires des maisons d’arrêt.
C’est ce que je crois !
Affissou Anonrin
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