CAMEG : La position du Mouvement pour la promotion des valeurs démocratiques

Publié le mardi 13 septembre 2016

Dans cette déclaration, le Mouvement Burkinabè pour la Promotion des Valeurs Démocratiques (MB-PVD) donne son avis sur la situation à la CAMEG.

Le Mouvement Burkinabè pour la Promotion des Valeurs Démocratiques (MB-PVD) a suivi avec intérêt et désolation la situation qui prévaut actuellement à la Centrale d’Achat des Médicaments Essentiels Génériques et des Consommables Médicaux (CAMEG).

Au regard de ses objectifs et de sa volonté à œuvrer pour une recherche de solutions adéquates à certaines préoccupations sociales dans le cadre de la bonne gouvernance, le MB-PVD se devait de donner son analyse objective sur cette situation après un bref rappel sur la genèse de la CAMEG, de soulever certaines interrogations et de proposer des solutions de sortie de crise tout en interpellant les plus hautes autorités du Pays.

Rappelons que la CAMEG doit sa création à une concertation régionale (Initiative de Bamako) dans le but de rentre accessible les médicaments au profit des populations, à travers la promotion des médicaments essentiels génériques (MEG).

En effet, la CAMEG a été créée le 21 mai 1992 par décret 92-127/SAN-ASF sous la forme d’un projet doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière pour une durée de 5 ans. Elle est alors administrée par un Conseil d’Administration (CA) de 11 membres dont 2 représentants du ministère de la santé.

Le 23 janvier 1998, les membres fondateurs de la CAMEG ont adopté des statuts portant reconduction et transformation de la CAMEG sous la forme d’une association à but non lucratif de droit privé qui assure une mission de service public à finalité sociale.

Cependant, cette expérience fut amère pour la plupart des différentes centrales d’achat des pays de la sous-région, excepté le Burkina Faso qui a su encadrer le fonctionnement de cette structure pour la rendre opérationnelle dans l’intérêt des populations. Ce qui fait de la CAMEG, la centrale de référence sur laquelle s’inspirent les autres centrales de la sous-région.

Selon le statut, cette association a comme organe délibérant, le Conseil d’Administration (CA), investi des pouvoirs les plus étendus. Le Président du conseil d’administration (PCA) est un des représentants du ministère de la santé, proposés par le ministre en charge de ce département, qui assure la tutelle technique de la CAMEG (art.7 du Décret N°04-070/PRES/ASF du 15/02/1994). Cependant, selon art. 23 du même Décret, les délibérations du CA deviennent exécutoires soit par un avis de non opposition des Ministres de tutelle (Santé et Finances), soit par expiration du délai de 15 jours à partir de la date de dépôt aux cabinets. Il est spécifié dans ce même art. 23 qu’en cas d’opposition, le Ministre doit statuer et notifier sa décision dans un délai d’un (1) mois à partir de l’opposition ; passé ce délai, la décision devient exécutoire.

Notons que les représentants du ministère de la santé, objet de la révocation dans ce CA ont été proposé en 2014 par le Ministre de la santé du gouvernement Luc Adolphe TIAO.

Il faut souligner que le conseil d’administration est nommé en conseil de ministre pour un mandat de deux ans selon le règlement intérieur de 1998 (art. 8 et 9) de la CAMEG. Cependant, cette durée du mandat est de trois ans selon l’art. 10 du Décret N°04-070/PRES/ASF du 15/02/1994.

Pour le MB-PVD, ces contradictions mettent à nu la réalité des insuffisances et des difficultés d’interprétation des textes administratifs qui régissent le fonctionnement de nos administrations, mettant à rude épreuve le principe de bonne gouvernance administrative.

Retenons cependant que depuis sa création, les membres du CA non jamais été nommés en conseil de ministre suivant les textes. Il en est de même de la procédure de recrutement sur la base d’un appel à la concurrence par le CA, stipulé par le statut de la CAMEG en son art.10, n’a jamais été respectée et les différents DG ont toujours été nommés en conseil de ministre ; tout ceci en violation flagrante des textes.

Cependant, après l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, le DG nommé par le gouvernement de la transition a été contesté et une union sacrée du personnel de la CAMEG autour de Dr KADEBA, initialement directeur des approvisionnements pharmaceutiques, lui a permis d’assurer l’intérim du poste de DG pendant six mois. A l’issue de cet intérim, Dr KADEBA a bénéficié d’un contrat d’une année de la part du CA pour lui permettre d’assurer l’opérationnalisation de la CAMEG pendant la transition. Ce contrat devrait prendre fin en juin 2016.

Ainsi, après la mise en place du gouvernement actuel, le PCA, qui était en même temps conseiller technique du Ministre a procédé avec le CA au renouvellement du contrat de Dr KADEBA pour trois ans et ce, courant le mois de mai 2016, avant la fin du contrat initial, sans respecter la procédure d’appel à la concurrence prévue par les textes.

Le Ministre a alors procédé à une nouvelle désignation des représentants du ministère de la santé au CA, lesquels seront nommé au conseil de ministre.

Au regard de cette situation, le MB-PVD fait le constat suivant :

            -une contradiction flagrante de la durée du mandat du CA entre le Décret N°92-127/SAN-ASF du 21/05/1992 en son art. 10 (non modifié par le Décret N°04-070/PRES/ASF du 15/02/1994) et le règlement intérieur adopté le 23/01/1998 en ces art. 8 et 9.

            -le PCA, chargé d’imprimer la vision du ministère n’était plus en phase avec le Ministre de la santé contrairement au principe de fonctionnement des CA ;

            -l’absence d’une disposition statutaire permettant de mettre fin au mandat en cours d’un membre du CA par le département ministériel, lorsque celui-ci n’est plus en harmonie avec son Ministre de tutelle qui l’a proposé pour ledit CA ;

            -Dr KADEBA n’a pas été recruté DG, conformément au statut de la CAMEG ;

            -le Ministre de la santé a procédé à une nouvelle désignation des représentants du ministère de la santé avant la fin de leur mandat selon le décret suscité. Cependant, cette désignation est conforme au règlement intérieur cité plus haut ;

            -l’opérationnalisation de la CAMEG est mise à rude épreuve avec les difficultés d’approvisionnement ressenties au niveau des formations sanitaires publiques et des officines privées.

Pour le MB-PVD, cette préoccupation soulève les questionnements suivants :

Pourquoi le CA a prorogé le mandat de Dr KABEBA de trois ans sans respecter les textes et avant la fin de son contrat initial ? Pourquoi le Ministre insiste-t-il tant pour remplacer le DG ? Le Ministre voulait –il proposer quelqu’un d’autre comme DG au CA ? Le CA avait-il des intérêts à sauvegarder à la CAMEG en prorogeant le mandat du DG sans respecter les textes ? Y auraient-ils des dysfonctionnements au niveau de la CAMEG pour que le Ministre veuille remplacer le DG ? Pourquoi le DG insiste-t-il autant pour rester à la tête de la CAMEG ? Aurait-t-il des choses à se reprocher ?  Ces prédécesseurs ont-ils insisté autant lors de leurs limogeages ?

Au demeurant, des procédures judiciaires ont été engagées, des décisions de justice ont été rendues.

En effet, le juge administratif a, par jugement en date du 25 aout 2016, ordonné le sursis à exécution de la correspondance du 20 juin 2016 aux motifs que le Ministre a mis prématurément fin au mandat d’administrateurs du requérant. Contre cette décision, l’Agent Judiciaire du Trésor a relevé appel le 29 aout 2016. Cet acte d’appel suspend les effets de la décision ordonnant le sursis à moins qu’il n’ait été assorti de l’exécution provisoire.

Par ailleurs, le nouveau récépissé de reconnaissance de l’association a été attaqué devant le juge qui a une fois de plus prononcé un sursis à exécution. Contre cette décision, une fois de plus, l’Agent Judiciaire du Trésor a interjeté appel, par conséquent, le récépissé querellé continue de produire ses effets sauf lorsque le juge a assorti sa décision de l’exécution provisoire.

En principe donc, tant que le juge d’appel ne confirmera pas la décision du premier juge, les actes attaqués continuent de produire légalement leurs effets et bénéficient du privilège de l’exécution préalable. Le MB_PVD pense donc qu’il n’y a pas de refus d’exécuter une décision de justice pour le moment.

Pour le MB-PVD, la prorogation du mandat de Dr KADEBA devrait se faire dans le strict respect des textes en vigueur. Le Mouvement affirme par ailleurs que le Ministre n’avait pas aussi la légalité de procéder au renouvellement des membres de son département au CA, avant la fin de leur mandat ; cependant, le MB-PVD lui concède la légitimité administrative de ce changement puisque n’ayant plus confiance aux représentants de son ministère. Malheureusement, cette situation laisse entrevoir des luttes d’intérêts au sein de la CAMEG au détriment du bien être sanitaire de la population.

 Pour ce faire, le MB-PVD interpelle le Ministre et le PCA révoqué à s’expliquer sur cette situation dommageable à la population.

Toutefois, il déplore la non implication des instances de la corporation des pharmaciens (ordre et syndicat) pour éviter l’enlisement en cours de la CAMEG. En effet, elles devraient prendre audience avec les plus hautes autorités pour leur faire part des contours réels de cette préoccupation au regard du rôle stratégique de la CAMEG dans la politique d’approvisionnement en médicaments essentiels génériques et en consommables médicaux

Ainsi, le MB-PVD invite les plus hautes autorités, du fait de l’enlisement en cours de la CAMEG, à faire prévaloir l’intérêt général des masses au détriment des positionnements égoïstes et individuels, en mettant fin à ces confusions et batailles inutiles, qui relèvent à la limite de la pagaille.

Le Mouvement interpelle les plus hautes autorités à œuvrer pour une gestion transitoire de la CAMEG sur une période donnée, avec l’implication de l’ordre et du syndicat des pharmaciens pour lever l’urgence des besoins d’approvisionnements, dans l’intérêt de la santé publique.

Il demande par ailleurs un audit rigoureux pour permettre de voir réellement ce qui se passe à la CAMEG, face à ce dysfonctionnement avéré.

La création d’une commission pour se pencher sérieusement sur les statuts et règlements intérieurs de la CAMEG est à envisager véritablement, afin de l’adapter au contexte du moment.

En effet, au-delà des aspects financiers qui entourent la gestion des produits pharmaceutiques, le rôle d’acteur de santé publique de cette structure à travers les alertes pour préserver la santé des populations et entrevoir le faciès épidémiologique du Pays ne doit pas être occulté et négocié : c’est tout simplement un impératif.

Face à cette impasse, le MB-PVD réitère sa détermination à œuvrer pour une adaptation des textes au contexte du moment afin de faire de la bonne gouvernance administrative, une réalité dans notre Pays et appelle les différents protagonistes à la retenue. En effet, aucune société, aucun Etat ne peut se construire dans le désordre.

 La mise en place de référentiels d’éthique et de déontologie, mais également leur respect dans les administrations est à encourager ; une relecture des textes qui régissent le fonctionnement de nos administrations est à envisager pour éviter les décisions administratives arbitraires et les frustrations, sources d’incivisme.

« POUR UN BURKINA RADIEUX, L’INTEGRITE ET LE CIVISME, NOTRE CREDO »

Ouagadougou le 12 septembre 2016

 Le Bureau Exécutif

 Le Président

Dr YARO P. Romuald


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