PATRICE TALON ET LES CENT PREMIERS JOURS 

Publié le mercredi 27 juillet 2016

Il va nous falloir un peu d’attention et beaucoup de patience. De celles qui accompagnent la dégustation d’un grand vin dont les arômes se dévoilent peu à peu.

Ainsi en va-t-il de la méthode Talon. De fait, depuis qu’il est au pouvoir (à peine 4 mois), le fringant Chef d’Etat béninois  est en pleine forme sémantique. Les mots sont pesés, parfois critiqués,, mais toujours pesés.  » Je suis un compétiteur né « , dit-il avec cette sincérité et cette assurance qui le caractérisent. Ou encore  » Le Bénin est un désert de compétences.  » Cette envolée n’a pas fait l’unanimité. L’intéressé a dû, de fait, repréciser sa pensée. Non, ce n’est pas ce qu’il voulait dire. Le Bénin regorge plutôt de cadres de très bon niveau.

Il est vrai que sous Yayi, est apparue une certaine forme de complexe. Ceci nous a amené à classer, à sélectionner et, surtout, à conduire les citoyens à la course aux faux diplômes. Yayi tient à son  » affaire  » de Docteur.  Du coup, tout son entourage, tous les cadres (surtout incolores) réveillent leurs titres de 3ème Cycle.

Tout le monde est  » Docteur  » ; c’est devenu un privilège.  Et sur les cartes de visite…., c’est un plaisir de faire précéder son nom de Docteur. Quel complexe ? Car, en général, ce sont des  » Docteurs  » bien légers, bien superficiels. Je trouve, personnellement, que c’est une aspiration complètement ridicule.

Mais, le plus surprenant, à l’époque, a été l’attitude des vrais cadres, ceux qui « ont vraiment quelque chose dans la tête ». Par exemple, tout le monde a observé le calme et la sérénité d’un Pascal Irénée Koukpaki, grand intellectuel s’il en est, haut cadre, grand commis de l’Etat et rassurant dans tout ce qu’il fait et dit.

Même sa sincérité, sa ponctualité aux rendez-vous, sa rigueur et la synthèse de ses propos forcent  le respect et l’admiration. Mais, jamais, oui jamais, on ne l’a vu plastronner, se « doctoriser ». Il est toujours resté Pascal Irénée Koukpaki, dans l’ombre de Monsieur, pardon, du Docteur Yayi Boni. Aujourd’hui, aux côtés  de Talon, il y en a un autre, tout aussi humble, plein de talent, qui ne s’appelle pas Docteur X. Son nom ? Abdoulaye Bio Tchané. Un monsieur tout aussi compétent, mais calme et discret.

Mais, laissons notre cher Docteur Yayi à ses vacances et revenons à Patrice Talon.

 » Le pays va mal, très mal. Et dans tous les domaines.  » Martèle souvent Patrice Talon. Rien n’est plus vrai. Le Président le sait. Il reconnaît la gravité du mal dont souffre le Bénin. Reste à prendre le bon chemin pour le guérir ; pour surmonter la crise, nous devons mener à bien des réformes en profondeur. Et c’est déjà la voie choisie par Talon et ses proches collaborateurs. Tout est à réformer. Plus de politique-spectacle. Car, le Bénin est un pays qu’il faut réformer  de fond en comble. L’urgence de la situation n’est pas perçue. Et c’est justement pour cela qu’il faut laisser le temps à Talon qui doit se hâter lentement. Sinon, la situation peut devenir catastrophique. Car les politiques ont tous été, à des degrés divers, des complices de Yayi. A l’époque, on a vite découvert en notre Président  un homme méchant. Alors, pour oser le vrai diagnostic d’un président aussi frais, il eût fallu dénoncer, collectivement, l’enlisement insidieux du Bénin dans ce « dictatorisme » archaïque naissant. Aucun grand parti, en ce moment, ne s’y risqua.

Aujourd’hui, à l’heure critique où nous sommes, il faut être vigilant. Il faut éviter une autre gouvernance Yayi qui, en définitive, n’aura été qu’un hyper-président, ivre de mégalomanie, un hors norme au-dessus des lois.

Or, la politique, à mes yeux, n’a de sens que s’il s’agit de rassembler autour de convictions, de valeurs et de propositions. Et, de ce point de vue, Patrice Talon a une certaine indépendance de caractère et d’esprit. Il faut en effet reconnaître, dans ce sens, que Talon a de l’audace et du courage. Les actes qu’il a posés  relativement aux six (6) nouveaux départements et aux douze (12) préfets me paraissent  des actes de bon sens et de courage ; ce courage qui a manqué à ses prédécesseurs. De Soglo à Kérékou, de Kérékou à Yayi, aucun n’osait désigner un chef-lieu pour les départements du Plateau, du Littoral, du Couffo, des Collines, de l’Alibori et de la Donga. Chacun de ces présidents refilait la patate chaude à son successeur. Puis…… vint Talon qui a compris qu’on ne résout pas les problèmes en les mettant de côté. Les nouveaux départements ont désormais leurs chefs-lieux et, dans la foulée, leurs préfets. Depuis, le débat est clos. Ou presque. Pour agir aussi promptement, il fallait une sacrée dose de courage. Pour cela, et rien que pour cela, Patrice Talon est déjà rentré dans l’histoire du Bénin. Ce que je pense alors des cent premiers jours de Talon à la tête du Bénin ? Globalement positifs. Pour le moment en tout cas. Malheureusement, mon avis n’est pas unanimement partagé. Les jeux politiciens sans doute. Les béninois ont en effet une notion à très court terme de leur intérêt. Ils veulent quelque chose et son contraire, tout et … tout de suite. A cet égard, le béninois est très primaire et immédiat. Tout cela manque de réalisme, mais rend le jeu intellectuel très captivant. Le béninois aime se faire remarquer par ses interventions publiques. C’est ce qui explique un goût prononcé pour le maniement des idées, ce jeu politique qui est quand même très prenant et très fascinant. Malgré ces « bavardages politiques », il faut quand même  être réaliste et reconnaître à Talon le courage de n’avoir pas fui un dossier que tous ses prédécesseurs ont fui?. Bref ! D’avoir pris ses responsabilités./.

Jérôme BIBILARY

 


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