Koglweogo : « Condamner sans chercher à comprendre, on se retrouve hors sujet » (Marcel Tankoano)

Publié le lundi 4 juillet 2016

Des organisations de la société civile, dont le M21 dirigé par Marcel Tankoano, ont reçu une délégation des Koglweogo conduite par Moussa Thiombiano, dit Django le 23 juin 2016 à Ouagadougou, peu après la rencontre de Kombissiri. Burkina 24 a joint le président du M21 qui revient sur ce dont il a été question lors de son face-à-face avec Django.

Burkina 24  (B24) : Le M21 avec d’autres Organisations de la société civile ont rencontré le 23 juin 2016 une délégation de Koglweogo. Qu’est-ce qui a motivé cette rencontre ?

Marcel Tankoano (MT) : Il s’est agi pour nous en tant que société civile d’accorder nos violons avec les groupes d’autodéfense tels que les Koglweogo.

Il était temps pour nous de comprendre leur mode de fonctionnement, leur façon de travailler et leur dire ce que nous pensons de leur façon de travailler. Même si aujourd’hui la population se retrouve, il n’en demeure pas moins qu’à l’intérieur, il y a des pratiques qui ne sont pas à encourager.

B24 : Mais de quoi avez-vous discuté concrètement lors de cette rencontre ?

MT : Vous savez, entre les Koglweogo et l’Etat, il y a un bras de fer qui a été engagé. Ils nous ont présenté leurs statuts et règlements et nous ont expliqué que lorsqu’on parle de sévices corporels, comment ça se passe à leur niveau pour ne pas condamner sans comprendre. 

Souvent nous sommes dans du dilatoire. Condamner sans chercher à comprendre, à la fin, on se retrouve hors sujet. Ils ont fait des documents, des statuts, du mode de fonctionnement des Koglweogo et spécialement pour la région de l’Est, Fada N’Gourma.

B24 : A la fin de cette rencontre, les Koglweogo vous ont-ils convaincus ?

MT : A les écouter, quoi qu’on dise, les Koglweogo sont appréciés au niveau des populations riveraines. Quand je prends le cas de ma région de l’Est où il est quasiment impossible de vivre sans être inquiété, où les responsables ou même des chefs de famille ne dorment jamais à la maison de peur d’être attaqués, s’ils veulent vivre avec ce qu’ils ont comme biens, ils sont obligés de dormir ailleurs, dans la brousse ou sur les arbres.

Ils nous ont expliqué les conditions dans lequelles, aujourd’hui ils ont pu travailler, eux en tant que Koglweogo pour mettre hors d’état de nuire des bandits de la région de l’Est. Quand nous les avons écoutés, ils nous ont en tout cas convaincus parce qu’ils sont venus avec deux (2) braqueurs, des bandits de grands chemins.


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Il y a un qui a avoué qu’il est un braqueur de Kantchari, qu’il a fait 10 ans dans le braquage. Il n’a jamais été arrêté par les forces de l’ordre et qu’il n’a jamais eu peur de la sécurité, notamment la police et la gendarmerie et que si ce n’était pas les Koglweogo, on ne pouvait pas l’arrêter.

B24 : Le bandit qui a fait 10 ans dans le métier, était-il un membre des Koglweogo ?

MT : Il a été arrêté par les Koglweogo, mais il y en a qui se sont repentis parce qu’ils ont été gardés par les Koglweogo. Les Koglweogo ont une façon de transformer les grands délinquants, les grands bandits. Ils ont cette capacité de les transformer totalement, et les repentis ne peuvent plus recommencer ce boulot-là. On a échangé avec les grands braqueurs. Il y a de quoi les encourager.

Nous avons interpellé l’Etat. Il faut les encadrer pour qu’il n’y ait pas de dérives. Nous ne pouvons pas dire qu’on ne nous a pas écoutés, mais le débat est revenu sur la table.

B24 : Il y a des dérives, des tortures pratiquées par les Koglweogo qui conduisent souvent à la mort de certains présumés voleurs. Est-ce à dire que vous soutenez ces actes-là ?

MT : Non ! Nul n’est au-dessus de la loi. Ce ne sont pas des forces républicaines, ce sont des gens qui se sont formés eux-mêmes parce qu’à un moment donné, l’Etat n’arrivait pas à vous protéger. Nous ne pouvons pas dire que nous sommes d’accord avec eux, mais à partir du moment où les populations leur font confiance, on peut dire qu’ils font quand même œuvre utile.

Aujourd’hui, ils ont pris la mesure de, non seulement, se protéger, mais de protéger leurs biens. Les pratiques malsaines, il faut recadrer cela. Nous avons attiré l’attention de l’Etat, des pouvoirs publics pour qu’on ne rentre pas dans les dérives. Mais en attendant, nous disons que les Koglweogo font un bon travail parce qu’il y a des grands bandits qui ont été arrêtés.

B24 : Le ministre d’Etat a émis des points interdisant la perception des  amandes, les traitements inhumains et recommandant d’amener tous bandits chez les forces de l’ordre. Les Koglweogo ont rejeté à demi-mot ces points. Est-ce que soutenir les Koglweogo dans ce cas ne reviendrait pas à encourager l’incivisme et la défiance de l’autorité  l’Etat ?

MT : La question a été abordée avec les mêmes Koglweogo. Ils nous ont expliqué que quand ils sortent, il arrive des fois qu’ils aillent jusqu’à 100 km  pour aller récupérer des bandits et l’argent qu’ils récupèrent avec ces bandits leur permet de mettre du carburant, réparer leurs motos et pouvoir arrêter d’autres bandits. Ils n’ont pas d’autres sources de financements. Pour le moment, ils sont d’accord si l’Etat est prêt à les accompagner par ces moyens-là.

Le ministre (Auguste Denise) Barry de la Transition avait fait une proposition en disant que celui qui arrivait à arrêter un bandit, à la tête du bandit, il a une somme. Il faut que l’Etat trouve des solutions.

B24 : Boukary Kaboré dit Le Lion, homme politique a été recruté par les Koglweogo. Ne craignez-vous pas les ingérences du politique dans cette affaire ?

MT : Le Lion n’a pas été recruté, il a émis un soutien. Il a été là-bas. Il dit qu’il vit au sein des populations dans un village où ils sont braqués fréquemment, donc qu’il est sensible au travail des Koglweogo. Il est juste venu renouveler son soutien à ces Koglweogo.

Nous ne voyons pas de mal à cela. Maintenant, il va falloir que les Koglweogo fassent attention pour ne pas donner  lieu à une récupération politique.

Propos recueillis par Ignace Ismaël NABOLE

Burkina 24


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