Serge Prince Agbodjan au sujet de la déclaration de Martin Rodriguez : « On ne crée pas son parti pour faire de l’opposition »
L’acte posé le dimanche 3 avril 2016 par l’homme d’affaires béninois Martin Rodriguez en créant un parti politique et en se déclarant opposant à Patrice Talon continue de susciter des réactions. Après les honorables Lazare Sèhouéto et Victor Séké Dangnon, c’est désormais le tour du juriste Serge Prince Agbodjan d’apprécier à l’aune de l’arsenal juridique en vigueur dans notre pays la déclaration qui a été faite par le Président du tout nouveau parti d’opposition porté sur les fonds baptismaux le dimanche 3 avril 2016 au Bénin Marina Hôtel de Cotonou. Se référant à la loi N° 2001-21 portant Charte des partis politiques et à la loi N° 2001-36 du 14 Octobre 2002 portant statut de l’opposition au Bénin, le juriste Serge Prince Agbodjan a lui aussi démontré qu’il est quasiment impossible au Président du Parti démocratique (PD) de se déclarer comme l’un des Chefs de file de l’opposition au Bénin. En effet, aucun des trois critères reconnus par les dispositions de l’article 7 de la loi N° 2001-36 du 14 Octobre 2002 portant statut de l’opposition au Bénin n’est encore rempli par le parti de Martin Rodriguez. Pour avoir ce statut, il doit en effet avoir fait le chemin : participer à une élection, avoir des députés dont le nombre constitue de façon autonome un groupe parlementaire à l’Assemblée Nationale … Rodriguez est loin de son objectif. Il doit achever les formalités. A l’étape actuelle des textes en vigueur au Bénin, soufflons tout simplement à Martin Rodriguez que le Chef d’un parti politique ne peut pas à la naissance de son parti se déclarer un chef de l’opposition.
Affissou Anonrin
Réflexion : « Essayons de toujours lire nos lois avant la prise des décisions »
A l’étape actuelle des textes en vigueur au Bénin, le Chef d’un parti politique peut-il à la naissance de son parti se déclarer un chef de l’opposition ?
La réponse à cette question nous oblige à nous référer à la loi N° 2001-21 portant Charte des partis politiques et celle du 14 Octobre 2002 portant statut de l’opposition au Bénin.
L’article 2 de la loi portant Charte des partis politiques indique clairement que les partis politiques sont des groupements de citoyens, formés en vue de promouvoir et de défendre des projets de sociétés et des programmes politiques dans le cadre de la Constitution du 11 décembre 1990 et des lois subséquentes. Dans leur vocation à conquérir le pouvoir d’Etat ou à participer à la représentation du peuple au niveau local et national, ils concourent à la formation de la volonté politique et à l’expression du suffrage universel par des moyens démocratiques et pacifiques, entre autres en :
- stimulant et en approfondissant l’éducation civique ;
- encourageant la participation active des citoyens à la vie publique ;
- formant des citoyens capables d’assumer des responsabilités publiques ;
- participant aux élections locales et nationales par la présentation de candidats ;
- contribuant à l’animation politique au parlement, au gouvernement et dans la vie publique ;
- veillant à une liaison entre le peuple et les organes de l’Etat.
Il est constant dans la loi portant Charte des partis politiques au Bénin, qu’on ne crée pas son parti pour faire de l’opposition. Un parti politique c’est pour promouvoir et défendre des projets de société et des programmes politiques dans le cadre de la Constitution du 11 décembre 1990. C’est également pour promouvoir des citoyens capables d’assumer des responsabilités publiques.
A cela, il faut rappeler qu’en dehors des règles classiques indiquées comme critères d’appartenance à l’opposition dans la loi N° 2001-36 portant statut de l’opposition et qui dans le cas d’espèce sont difficilement réalisables vu que ce parti est nouvellement crée, il y a des critères spécifiques contenus dans son article 7 pour être l’un des Chefs de l’opposition au Bénin.
Selon l’article 7 de la loi du 14 Octobre 2002 portant statut de l’opposition au Bénin:
- Est considéré comme l’un des chefs de l’opposition, tout chef d’un parti politique de l’opposition dont le nombre de députés à l’Assemblée Nationale constitue de façon autonome un groupe parlementaire.
- Est également considéré comme l’un des chefs de l’opposition, tout chef d’un groupe de partis de l’opposition constitué en groupe parlementaire à l’Assemblée Nationale.
- Est enfin considéré comme l’un des chefs de l’opposition, tout chef de parti, alliance de partis ou groupe de partis de l’opposition représentés ou non à l’Assemblée Nationale mais ayant totalisé à l’issue des dernières élections législatives, 10% des suffrages exprimés.
Les chefs de l’opposition choisissent en leur sein un porte-parole ».
A la lecture de la loi et selon nous, aucun des trois critères n’est encore rempli par le nouveau parti « Parti Démocrate » pour faire cette annonce du week-end.
Jean Stobée, ne disait-il pas dans les Extraits, sentences et préceptes que « La meilleure République est celle où l’on écoute le plus la loi, et le moins les orateurs ».
A moins de considérer cette sortie comme un coup de gueule, il est demandé à tous les acteurs ayant l’intention de jouer à cet important et nécessaire rôle de Chef de l’opposition à se conformer à notre loi pour une consolidation de notre démocratie.
Encore un non évènement ?
Essayons de toujours lire nos lois avant la prise des décisions. Cela fait plus sérieux dans notre République.
Serge PRINCE AGBODJAN
Juriste
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