Grogne dans le secteur de la douane : Le Sydob est passé à l’offensive hier (Yayi convoque une réunion d’urgence à la Marina)
Les douaniers béninois réunis au sein du Syndicat des douanes du Bénin (Sydob) ont mis leurs menaces à exécution. Hier mardi 26 janvier 2016, ils sont passés à l’offensive. Comme ils l’ont annoncé à l’Assemblée générale extraordinaire du lundi 25 janvier 2016, ils ont organisé devant la Direction des douanes et droits indirects un sit-in qui a duré des heures. Objectif, protester contre le mépris affiché par le gouvernement à leur égard dans le dossier relatif à l’annulation du concours jugé frauduleux qui a permis de recruter 502 agents dans les différents corps de l’administration douanière.
Pour cette action d’envergure, les membres du Sydob ont reçu le soutien de la Confédération des syndicats des travailleurs du Bénin (Cstb), de la Fésyntra-Finances et de plusieurs acteurs portuaires. La mobilisation était à son paroxysme. Venus de toutes les unités et de l’école nationale des douanes, les disciples de Saint-Mathieu ont crié leur ras-le-bol.
Si au niveau des autres unités douanières le service minimum a été de mise, à la Direction générale des douanes et des droits indirects, le blocus des activités a été total. Le Directeur général des douanes et son adjoint l’ont constaté. Ils ont été empêchés d’accéder à leurs bureaux. Il en est de même pour certains de leurs collaborateurs. Le personnel civil de l’administration des douanes a subi le même sort. « L’heure n’est plus à la blague, mais à l’action. Nous ne pouvons plus reculer parce que nous avons le dos au mûr », a d’ailleurs lancé un des manifestants à la figure du Directeur général des douanes. Toutes les tentatives entreprises par le Général Charles Sourou Sèzan pour obtenir des manifestants l’ouverture des portes de la Direction générale des douanes et droits indirects ont échoué. Face à la situation devenue subitement électrique, la hiérarchie douanière a donc rebroussé chemin.
Réunion d’urgence à la Marina
Informé, le Chef de l’Etat, le Dr Boni Yayi décide alors de convoquer de façon expresse les responsables du Sydob. C’était le branle-bas au Palais de la Marina. Sur le terrain, le sit-in a été poursuivi dans l’ordre et la discipline jusqu’aux environs de 15 h 30. « Si rien n’est fait, des actions à intensité progressive vont suivre ». C’est du moins ce qu’a révélé le Capitaine Marcellin Laourou, Secrétaire général du Sydob à la presse avant son départ pour le Palais de la Marina. Le Chef de l’Etat a compris 5/5 ce message, surtout que la période que nous traversons n’est pas propice pour intimider. Dans un ton conciliant, il a appelé les disciples de Saint-Mathieu à mettre de l’eau dans leur vin. Il leur a demandé de lui accorder jusqu’au lundi 1er février 2016 pour donner une suite qui arrangera tous les camps en conflit. Les disciples de Saint-Mathieu ont accédé à sa requête. A l’issue d’une Assemblée générale extraordinaire tenue sous la houlette du Capitaine Marcellin Laourou et sanctionnée par une déclaration de presse (voir ci-dessous), ils ont décidé de donner un moratoire de 05 jours à la haute autorité. Prenant en compte l’intérêt supérieur de la Nation et conscients de leur mission de mobilisation des ressources budgétaires pour le développement du Bénin, les membres du Sydob ont décidé de sursoir à la grève, tout en réservant le droit de reprendre si aucune avancée n’est constatée.
A en croire des sources échappées, le Chef de l’Etat n’aurait pas ménagé le ministre de la fonction publique au cours de la rencontre qu’il a eue avec les responsables du Sydob. C’est la preuve que leur mouvement a fait mouche
Affissou Anonrin
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Quelques déclarations
Marcellin Laourou, SG/Sydob
« J’ai déjà évoqué à plusieurs reprises les raisons qui motivent notre mouvement de grève. Nous avons épuisé toutes les voies de recours. On a rencontré les autorités à divers niveau pour négocier. Mais rien de concret n’a sorti de ces négociations. La seule arme qui nous reste est donc de manifester publiquement notre mécontentement face à l’entêtement du gouvernement de valider les résultats d’un concours qui ne respecte aucune norme, aucun texte de la République et surtout la loi votée récemment par les députés et qui porte statut spécial des agents des forces de sécurité publique au Bénin. Ce que nous exigeons est simple. Primo, la suspension de la formation commune de base actuellement en cours au profit des 502 agents recrutés de façon frauduleuse. Secundo, l’annulation du concours par lequel ils ont été recrutés puisque ce concours est émaillé d’irrégularités. Notre souci est de donner les mêmes chances aux enfants de ce pays. Tertio, le démarrage des travaux de construction de l’école nationale des douanes du Bénin. Nous voulons dans l’immédiat la satisfaction de ces revendications, un point, un tiret…Notre mouvement coïncide avec la journée internationale des douanes. C’est le meilleur moment pour nous de nous faire entendre. Les autorités n’ont pas voulu le dialogue. Car au cours des négociations les deux premiers points de notre plateforme revendicative ont été jugés non négociables par les autorités. Cela est triste ! Pourquoi s’obstinent-elles à recruter 502 agents dont plus de 400 préposés alors que la douane béninoise est engagée dans un processus de dématérialisation des opérations de dédouanement des marchandises ? Pourquoi veut-on continuer par nous mépriser ? Trop c’est trop ! Nous sommes prêts à répondre à la mesure de la provocation des autorités…On n’a pas peur des représailles. Il n’y en aura même pas. Il n’y a aucune loi aujourd’hui qui autorise la radiation du douanier pour faits de grève. Nous sommes sereins. Notre cause est juste et nous irons jusqu’au bout… »
Laurent Mètognon, SG/Fesyntra-Finances.
«… La Fesyntra-Finances adhère totalement au mouvement déclenché par le Sydob pour dire non à la fraude, à l’imposture…Lorsqu’un pays est érigé sur la fraude, il ne peut jamais avoir de développement. Et lorsque tout se fait par la fraude, il y a des frustrations. S’il y a fraude, il n’y aura pas de recettes…Nous ne devons pas voir ce que ce mouvement va faire perdre à l’Etat. Nous devons regarder la réalité en face. Nous devons nous interroger sur ce qui a amené les douaniers au mécontentement. C’est le non respect des textes de la République par le pouvoir en place. Les concours frauduleux, nous en avions connu en 2012. On a crié et ils ont été annulés en 2014. Les auteurs n’ont pas été punis. Au contraire, ils ont été promus. Ne voyez-vous pas que c’est une provocation ? Quel péché les douaniers ont-ils commis en demandant que leur corporation soit assainie ? 502 agents recrutés et envoyés en formation sans enquête de moralité alors que la loi portant statut spécial des forces de sécurité publique exige qu’une enquête de moralité précède l’entrée à l’école ! Ce n’est pas sérieux ! C’est une fraude à haut débit qui continue. Ceux qui disent qu’ils défient quiconque apporterait la preuve de ce que ce concours est frauduleux seront défiés. Il faut que les concours-là soient annulés… »
Paul Essè Iko, SG/Cstb
« La Confédération centrale des syndicats du Bénin (Cstb)…vous soutient. Votre lutte est notre lutte. Votre cause est juste… On ne peut accepter qu’on fasse venir à la douane des gens dont on doute de la probité. Le travail que nous sommes en train de faire est une campagne de salubrité nationale. On a des textes, on ne veut pas les respecter. On prend les siens qui n’ont même pas concouru et qui deviennent des douaniers. Le Bénin ne veut plus de ça. Nous ne pouvons pas accepter cela et c’est pour cela qu’on demande l’annulation de ce concours et sa reprise conformément à ce que disent les textes pour donner les mêmes chances à tous les enfants de ce pays. »
Propos recueillis par Affissou Anonrin
Déclaration de presse
Suite au mouvement de grève d’avertissement de 48h déclenché par le Syndicat des douanes du Bénin (Sydob), le Président de la République a eu un échange avec les membres du Bureau directeur national du Sydob le mardi 26 janvier 2016.
A l’issue de la restitution qui leur a été faite au cours d’une Assemblée générale extraordinaire, les fonctionnaires de l’administration des douanes ont pris acte de la promesse du Président de la République pour son implication personnelle afin qu’une suite favorable soit donnée aux revendications du Sydob au plus tard le lundi 1er février 2016.
En conséquence, les fonctionnaires des douanes, prenant en compte l’intérêt supérieur de la Nation et conscients de leur mission de mobilisation des ressources budgétaires pour le développement du Bénin, accordent un moratoire de cinq (05) jours au gouvernement pour compter du mardi 26 janvier 2016.
Aux termes de ce moratoire, les travailleurs de l’administration des douanes se réservent le droit de reprendre les mouvements de grève suivis d’une série d’actions à intensité progressive si aucune avancée concrète n’est constatée. Ils rendront responsable le gouvernement des déconvenues qui découleraient de son entêtement et de son mépris vis-à-vis des travailleurs des douanes.
Enfin, ils prennent à témoin l’opinion publique nationale et internationale de leur bonne foi.
Fait à Cotonou, le 26 janvier 2016
L’Assemblée générale extraordinaire
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