DCC 15-156 du 16 juillet 2015 : La Cour Constitutionnelle met en danger la sécurité de notre système juridique
La décision rendue par la Cour Constitutionnelle le 16 juillet 2015 (DCC 15-156) crée la polémique. Saisie par une requête le 11 mai 2015 pour se prononcer sur la violation du principe d’égalité prévu par les dispositions de l’article 26 de la Constitution, la Cour, dans l’analyse du recours, a opéré incidemment et subrepticement une interprétation des termes de l’article 44 de la Constitution.
De sa décision, il convient de retenir en substance que, toute année entamée est achevée, de sorte que la Constitution ayant requis des candidats aux élections présidentielles de justifier avoir au moins quarante ans à la date de dépôt de la candidature, les potentiels candidats qui sont nés en 1976 pourront être candidats en février 2016 et même se faire élire, quand bien même ils seraient nés le 31 décembre 1976.
En termes clairs, on peut être candidat et se faire élire Président de la République sans avoir » au moins » 40 ans, l’essentiel étant d’être dans sa quarantième année lors de l’année des élections.
Dans l’esprit de la Cour, être dans sa 40ème année au cours d’une année se confond avec avoir au moins 40 ans à une date quelconque de l’année considérée.
La Cour constitutionnelle du Bénin est connue, il est vrai, pour son audace, son sens de l’anticipation, et sa capacité à résoudre les crises pour un fonctionnement des principaux organes de l’Etat conformément aux prérogatives qui lui sont reconnues à l’article 114 de la Constitution ; ce qui permet de pallier aux impasses et d’assurer la promotion de la démocratie et de l’Etat de droit.
Mais en l’espèce, par la présente décision, la Cour semble dénier la » sagesse » qu’on attribue à ses membres, tant la décision ne peut se justifier au regard de sa motivation.
Il est vrai que dans son dispositif, la Cour ne s’est pas prononcée sur les dispositions de l’article 44 relativement à l’âge (cela n’étant d’ailleurs pas l’objet de la requête), mais dans l’analyse du recours qu’on pourrait appeler » les motifs « , la Cour a retenu en se fondant sur un adage de droit français (annumusincoeptushabetur pro completo « , que les 40 ans, au moins, au jour du dépôt, doivent simplement s’entendre d’être dans sa quarantième année.
Il s’agit là d’une acrobatie intellectuelle maladroite qui heurte frontalement la sécurité de notre système juridique et dévalorise l’autorité de la Cour.
Imaginons le nombre de contestations que va générer le fâcheux précédent que constitue cette décision.
A titre d’exemples, un candidat qui a 17 ans révolus peut concourir à un recrutement pour lequel l’âge requis, est de 18 ans, l’essentiel pour le candidat, serait de justifier qu’il est dans sa 18ème année à la date du dépôt des dossiers ou de la composition.
La décision de la Cour pourra et sera sans doute évoquée pour justifier les conditions d’âge quel que soit le domaine considéré, donc bien au-delà de la question de l’éligibilité aux élections présidentielles.
Cette situation conduit à conclure, que la Cour constitutionnelle est allée au-delà de sa mission, en créant du droit. Elle se substitue manifestement au pouvoir constituant originaire, en créant du droit complémentaire au moyen d’une interprétation inopportune.
Cela nous amène à nous poser d’autres questions : jusqu’où la Cour présidée par le Professeur Holo ira-t-elle ?
Me Jacques A. MIGAN
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