Modifications du Code électoral : Des responsables de parti politique apprécient …

Publié le jeudi 9 avril 2015


C'est sous « haute tension » que les membres du Conseil national de transition (CNT) ont procédé, le 7 avril dernier, à l'examen et à l'adoption du projet de loi portant modification du code électoral. Malgré cette adoption, les commentaires sur l'opportunité d'un tel instrument juridique ne semblent pas, pour autant, prêts de prendre fin. En attendant les ultimes étapes de décision du Conseil constitutionnel et de promulgation, des responsables de parti politique portent leurs regards …




Saran Sérémé, présidente du PDC : « Je suis étonnée de voir que certaines personnes crient au scandale ou à l'exclusion »

C'est une avancée vraiment notable que nous avons enregistrée au Burkina à travers cette adoption du code électoral par le CNT. Il faut rappeler le contexte qui sous-tend cette adoption, et rappeler également que nos textes fondamentaux, notamment la Constitution et la Charte sur la transition visent, chacun, la Charte africaine. On ne vise pas des textes pour la forme. Quand nous signions, ratifions des textes supranationaux, c'est pour, ensuite, les ‘'internaliser'' dans notre pays. C'est-à-dire pouvoir mettre en harmonie nos textes avec ceux internationaux auxquels nous avons opté d'adhérer (elle se réfère à certains textes, notamment de la CEDEAO, institution dont elle a occupé, en 2011, la vice-présidence du Parlement). Et cette charte africaine visée a été signée par Blaise Compaoré (alors Président du Faso). Je suis donc étonnée de voir que certaines personnes crient au scandale ou à l'exclusion. Alors que nous nous conformons simplement à ces textes que nous avons ratifiés ! J'ai l'impression que certains ont un malin plaisir à ne jamais vouloir respecter notre Constitution qui vise, dès son préambule, ces textes supranationaux ou le plaisir de croire que l'inclusion, c'est également l'impunité et le non-respect des textes en vigueur. Je pense que le texte (code électoral voté) est vraiment impersonnel parce que, la première mouture que nous avons vue, visait des ministres. Mais le texte final est impersonnel. Ça veut dire qu'il ne vise pas une personne précise. Mais, si un individu, à son âme et conscience, sait qu'il est un citoyen et qu'il a posé des actes contre la République, il doit savoir qu'il doit répondre.

J'estime qu'on ne peut avoir accompagné l'ancien Président du Faso, Blaise Compaoré, l'inciter à un tripatouillage constitutionnel et ensuite, revenir dire qu'on veut être candidat. Et ce, après avoir affirmé qu'en dehors de Blaise Compaoré, ils ne voient pas qui d'autre peut gérer le Burkina. Quand est-ce qu'il y a eu ce réveil pour que certains estiment maintenant qu'ils peuvent venir se présenter pendant que les autres se sont battus pour éviter le chaos ? Certains n'ont pas voulu assumer leur démission et ils reviennent aujourd'hui, sous prétexte qu'il y a inclusion, pour dire qu'ils veulent être Chef d'Etat. Et, on se plait à injecter des milliards déjà sur le terrain pour acheter les consciences. Pensez-vous qu'au risque et au péril de notre vie, on a fait cette révolution pour revenir voir le Burkina dans la même situation qu'avant ou même pire que celle d'avant ? Je pense qu'il faut être quand même sérieux. Tous ceux qui n'ont pas osé, par peur ou par calculs politiciens ou personnels, doivent accepter assumer les conséquences relevées dans la Charte africaine à son article 25, alinéa 4. C'est une sanction que chacun devrait même assumer d'office, en tant qu'humain, pour pouvoir se regarder dans la glace. Sinon, cela voudrait dire que ces gens-là étaient l'ennemi, et de Blaise Compaoré et du Burkina. Et ils ont poussé le pays jusqu'au bout du chaos. Heureusement que le Président a fui avant que la situation ne dégénère complètement. Sinon, il aurait eu trop de morts et on ne sait dans quelle situation on se trouverait aujourd'hui. Malgré cela, personne n'a voulu se venger ; ils circulent librement. Mais de là à vouloir briguer un mandat, je pense qu'il y a un minimum à respecter.

Nous sommes tous frères et sœurs, enfants d'un même pays que nous aimons tant et nous devons, de ce fait, pouvoir trouver la parade pour se dire les vérités dans une perspective du bien-être général. Mon patriotisme est au-dessus de mes relations amicales. Si je ne peux pas trouver le moyen de dire la vérité à un ami, je pense que j'aurais honte de me regarder dans la glace. La politique a une limite à ne pas franchir : la partie, la république, l'intérêt national. Aucune inclusion ne va prôner l'impunité.

Quand on pose des actes de crimes politiques, il faut s'attendre à une sanction politique. Quand on pose des actes qui sont des crimes économiques, il faut s'attendre à des sanctions judiciaires et autres ! Mais, la sanction politique reste quoi, quand un citoyen ose aller à l'encontre des textes, de sorte même à remettre carrément en cause les fondamentaux de la République ? Il faut que les gens acceptent s'assumer tout simplement. Le CNT, même s'il n'a pas été élu, est un consensus national. Les partis qui estiment qu'il n'est pas habilité à faire un tel travail oublient qu'eux-mêmes, ont leurs représentants au sein de l'organe. Nous avons œuvré à éviter l'exclusion et la chasse aux sorcières. Je pense humblement qu'il faut avoir raison gardée et surtout ne pas continuer avec cette arrogance dans les propos et les comportements. Ces comportements qui auront encore tendance à engendrer un semi-chaos au Burkina. Il y a nécessité que tous comprennent que le peuple burkinabè a accepté jouer à la tolérance et au pardon. Sinon, dans aucun pays, on a vu qu'après une insurrection populaire, ceux qui ont été à l'origine se retrouvent assis sur la table de négociation avec ceux qui se sont battus pour éviter au pays de sombrer. Le peuple l'a accepté, pas par faiblesse ou idiotie. Je pense donc que les gens doivent avoir un minimum de conscience. Ceux qui ont posé des actes doivent avoir la décence de les assumer. Nous disons au PDC que nous sommes pour les trois « R » : le Respect de soi, le Respect des autres et la Responsabilité de ses actes. Donc, on se respecte, on respecte le point de vue de chacun ; le débat a été démocratiquement mené. Depuis longtemps, l'opposition qui n'arrivait pas à faire passer des textes (à l'Assemblée nationale, ndlr) n'appelait pourtant pas systématiquement à aller dans la rue. C'est quand elle a vu à un moment donné que la nation courrait un danger qu'elle est passée à une autre étape pour éviter le pire. Nous nous connaissons au Burkina et nous devons savoir accepter que ceux qui n'ont pas raison l'admettent pour ne pas engendrer le pire.

En ce qui concerne la caution à la candidature à la Présidence du Faso, c'est vrai qu'elle est un peu élevée mais je dirais qu'il faut s'adapter. D'autres prendront des exemples de pays où ils sont à 100 millions comme caution mais nous n'avons pas les mêmes réalités. La loi est adoptée et il faut s'y adapter parce qu'il ne s'agit pas d'un point de vue personnel ; la loi est l'expression de la volonté générale, de la majorité.

En ce qui concerne les candidatures indépendantes, je pense que sa mise en œuvre va requérir beaucoup de dextérité. Sinon, on va se retrouver avec des bulletins uniques comportant plus de 300 candidatures avec toutes les conséquences que cela implique. Donc, au-delà de la volonté des citoyens à vouloir se présenter sans être dans un parti politique, il y a aussi des réalités qui s'imposent. Qu'à cela ne tienne, je respecte les points de vue et on verra dans sa mise en œuvre, comment faut-il tirer les leçons pour avancer.

Et ce, en attendant que le quota genre soit renforcé et que le statut des chefs coutumiers soit adopté, les questions relatives à l'Armée examinées, etc., je salue l'adoption de la loi nouvelle. Aucune loi n‘est parfaite, on l'améliore en tirant des leçons dans la marche.


Mamadou Kabré, président du PRIT-Lannaya, membre du CNT : « Il y a des gens qui ont reçu de l'argent pour mobiliser, pour faire amener des gens à voter … »

Je ne me suis pas retrouvé dans le code électoral qui, à mon avis, n'était pas suffisamment sain pour qu'on puisse parler d'un code électoral à l'image de ce qu'on attend après ce refus de voir tripatouiller les textes ; ce qui a conduit à l'insurrection. D'abord, je suis contre les candidatures indépendantes parce que dans ce cas, aussi bien des individus que des associations n'ont pas vocation à faire de la politique, s'ils ne sont pas encadrés par des formations politiques. Et les textes sont clairs là-dessus. Ce n'est pas parce qu'on peut avoir des candidatures indépendantes au niveau de l'élection à la Présidence du Faso que l'on estime que ce doit concerner également les autres élections de base. Si on fait un peu l'histoire politique de ce pays, Blaise Compaoré a fait naître cette décision parce qu'il a voulu simplement se débarrasser des groupes marxistes-léninistes qui étaient autour de lui et il l'a fait de cette manière. Généraliser la candidature indépendante est donc une aberration et on crée des problèmes. Encore que ceux de l'administration territoriale, que ce soit l'actuel ministre ou les ministres passés, ont dit qu'il y a trop de partis politiques. Biensûr, c'est dans la dynamique de la démocratie mais ça pose des problèmes. Vous reconnaissez actuellement qu'il y a plus d'une centaine de partis politiques et vous voulez encore ajouter des candidatures indépendantes. Quelqu'un qui va déposer sa liste au niveau de la province du Kadiogo, a la taille d'un parti. Puisqu'il ne déposera pas vingt listes, il déposera une seule liste. Donc, il viendra avec sa liste où il a déposé au Kadiogo, comme le PRIT-Lannaya ou comme tout autre parti qui aura déposé. Ça fait donc l'équivalant d'un parti politique. Nous avons donc dit que si c'est cela, les gens peuvent aller librement créer leur parti politique (il ne faut pas qu'ils s'agitent pour dire qu'ils sont intéressés par les élections). Encore qu'à la direction qui s'occupe des partis politiques, on dit qu'on ne voit pas les partis entre deux élections et que c'est pendant les élections qu'on les voit. Mais, cette organisation de la société civile ou cet indépendant-là, à quoi à foutre à l'intervalle de deux élections, si ce n'est rentré dans ses ornières et puis dormir ! Ça va être la même chose et on n'encourage pas l'avancée de la démocratie. Deuxième élément d'appréciation, en rapport avec la présence des partis politiques, nous, nous n'avons pas compris pourquoi l'article 75 n'a pas été si explicite ! Parce que, déjà avec les élections de 2012 où on a vu qu'il y avait une kyrielle de partis politiques à Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et dans certaines localités, vous n'avez pas déterminé la taille que doit avoir le logo, que doit avoir chaque parti sur le bulletin unique. On va faire des logos miniaturisés…et ça va donner quoi pour que l'électeur puisse déterminer ? On n'a pas tenu compte de cet amendement que nous avons proposé. Le troisième élément concerne la caution du Président du Faso. Moi, je pense que la fonction du Président du Faso n'est pas une fonction de prestige où on vient pour montrer qu'on a eu des millions. Vous prenez n'importe quel fonctionnaire au Burkina, en dehors de ceux qui sont des professeurs agrégés d'Universités, qui sont dans différentes facultés, qui font des consultations, le salaire d'un fonctionnaire moyen (moyen au sens qu'il a quinze à vingt ans de service et qui est au plafond) ne peut pas prendre un crédit, en intervalle de cinq ans, 25 millions de francs CFA. Vous avez voté une loi contre la corruption, il n'y a pas longtemps, où il est dit qu'il ne doit pas avoir de financement extérieur et les chefs de parti politiques doivent déclarer leurs biens. Vous n'allez pas me dire que dans l'ensemble des fonctionnaires, toutes catégories confondues, il n'y a pas des gens qui sont dignes pour être Président du Faso ! Et ces hommes, ils ne peuvent pas avoir, sur la base de leur salaire, un crédit pour aller payer leur caution. C'est du ridicule ! Ce n'est pas la ploutocratie qu'on veut, c'est la démocratie. La caution doit donc refléter les moyens économiques des gens et ne doit pas faire de la fonction de Président du Faso, une gloire. C'est plutôt un sacerdoce. Le quatrième grief, c'est l'article 135 qui dit qu'en ce qui concerne ceux qui ont soutenu la modification de l'article 37 de la Constitution sont frappés d'inéligibilité. Mais, on ne nous a pas dit c'est en faisant quoi ? Est-ce c'est en parlant à la radio, ou en se préparant pour voter une loi ou en incitant le Président à prendre des mesures ou encore c'est en parlant au cours d'un meeting, etc. ? On ne nous a pas dit également, c'est à partir de quelle date. On fait quoi maintenant ? Parce que, quelqu'un a dit en 2005 que Blaise Compaoré va être le Président du Burkina, même en 2015, 2020, 2025. Même s'il a démissionné et n'est plus d'accord avec cette position, le fait d'avoir dit ça, ça a prospéré ailleurs avec des gens qui ont accepté la théorie et qui sont restés malgré sa démission, une année après ses propos. Ça a eu des effets, ça a fait des tâches d'huile… On fait comment ? Donc, à partir du moment où on n'a pas précisé et qu'on laisse le champ libre (je n'ai pas dit de préciser les personnes mais de qualifier au moins les infractions), je trouve que c'est la porte ouverte à tous les abus. Et pour cela, homme de foi, Dieu a dit : si tu dois rendre justice, fais en sorte que celui que tu as jugé et condamné reconnaisse son tort. S'il ne reconnaît pas son tort, parce que tu ne lui as pas rendu justice, il ne sera jamais d'accord avec toi. Et tu auras péché doublement. C'est pour ne pas péché doublement que je me suis abstenu. Je n'ai pas dit que je ne suis pas dans l'insurrection ; je n'ai pas reçu d'argent avec qui que ce soit mais je sais qu'il y a des gens (qui ont voté cette loi) qui ont reçu de l'argent pour mobiliser des gens, pour faire amener des gens à voter, à être d'avis avec eux. Ça aussi, j'ai des informations. Maintenant, chacun est libre. Mais moi, avec ma conscience, pour avoir résisté depuis le 16 octobre 1987 au régime de Blaise Compaoré, je n'ai pas changé de position et je ne vois pas en quoi si je suis convaincu d'une position, sain de corps et d'esprit, je ne vais pas l'exprimer. Je l'exprime et puis je n'ai rien à cirer. C'est pour cela que je me suis abstenu de voter une loi qui, à dessein, va créer une instabilité au Burkina.


Propos recueillis par Oumar L. OUEDRAOGO

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