Déclaration des biens du gouvernement : Les questions du REN-LAC

Publié le mercredi 29 avril 2015

Le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC), dans cette déclaration, réagit à la situation nationale et plus particulièrement sur la déclaration des biens des membres du gouvernement.

Ces dernières semaines, la situation nationale a été fortement marquée par des faits majeurs, dont les actions engagées dans le cadre de la lutte contre l’impunité et la publication des déclarations de patrimoines des membres et du Secrétaire Général du Gouvernement.

Sur le terrain de la lutte contre l’impunité, l’on a en effet noté des interpellations de personnalités pour divers faits qui leur sont reprochés, dont les « malversations dans les lotissements », les « surfacturations et malversations dans l’exécution des marchés publics », l’« atteinte à la sureté de l’Etat », l’« atteinte à la sécurité des personnes », le « trouble à l’ordre public », les « activités politiques illégales », à en croire le communiqué du Ministre de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité (MATDS).

Si certains, notamment les anciens ministres ont été relâchés du fait de la méprise des procédures, d’autres par contre, ont été déférés dans les maisons d’arrêts et de correction de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso dans l’attente de l’aboutissement des procédures judiciaires engagées contre eux.

Tout en saluant ces interpellations, et en espérant qu’elles augurent une réelle volonté politique vainement attendue sous l’ère Compaoré et aux premières heures de la Transition, de s’attaquer à l’impunité des crimes, notamment ceux économiques, le REN-LAC voudrait cependant relever que la lutte ainsi entamée ne doit pas seulement consister en des actions d’éclats, encore moins en de simples règlements de comptes.

Elle doit être empreinte de sincérité et d’impartialité. Cela s’entend d’une part, qu’elle doit être respectueuse des procédures judiciaires établies et des garanties du droit à la défense des personnes concernées, au risque de compromettre toute chance de manifestation de la vérité dans les dossiers concernés.

Il ne faudrait absolument pas que par une quelconque méprise de ces procédures, des dossiers finissent par rester non élucidés. L’on se souvient encore de cet épisode du gel des avoirs dans lequel, la décision du Premier ministre a été remise en cause par la justice, ce qui, en définitive, a permis à des pilleurs de la République de s’en tirer pour l’instant à bon compte.

D’autre part, cela s’entend que cette lutte doit être objective et impartiale. Tous ceux dont les noms sont associés à des dossiers de crimes économiques doivent s’expliquer devant la justice, qui qu’ils soient, quels que soit leur bord ou couleur politique. Tous ceux qui ont participé à la gestion chaotique de ce pays avec Blaise Compaoré doivent rendre compte. Il faut absolument des garanties sincères dans le sens de solder le lourd passif des 27 ans de règne de Blaise Compaoré, car il y va de la refondation de la société burkinabè sur des bases saines et solides.

Une exploitation judicieuse des rapports de l’Autorité supérieure du contrôle d’Etat, de la Cour des comptes et du REN-LAC donnera plus de chances à cette opération de réussir et de rendre justice à des millions de Burkinabè.

Les audits de la gestion des différents ministères annoncés, devraient s’accélérer en vue de permettre d’élucider les différents crimes économiques commis par les dignitaires du régime COMPAORE.

Sur le terrain de la transparence de la vie publique, le REN-LAC note la publication des déclarations de patrimoines des membres et du Secrétaire Général du Gouvernement de la Transition dans le Journal Officiel Spécial n°02 du 13 avril 2015. Il convient toutefois, de relever qu’à ce jour, soit plus de cinq (5) mois après la mise en route de la Transition, la publication des déclarations des membres des autres organes de la Transition se fait toujours attendre !

Tout comme, il est impératif que Blaise Compaoré et les membres de son gouvernement qui ont quitté leurs charges sans rendre compte le fassent instamment. L’obligation de déclaration de patrimoines vise non seulement, à protéger les deniers publics contre des prédateurs, mais aussi, à s’assurer que les lourdes charges confiées à certaines personnes ne sont pas utilisées à des fins détournées, notamment en les monnayant.

Si dans le principe, la publication ainsi faite est à saluer à sa juste valeur malgré le temps mis, il convient cependant de souligner avec force ce doute qui assaille le citoyen « Tartempion » quant à la sincérité de la déclaration de patrimoines de certains membres du Gouvernement.

Comment croire en effet, à la sincérité de ces déclarations qui ne mentionnent aucun moyen de transport, aucun compte en banque, aucune maison d’habitation ou aucun terrain, quand on sait pertinemment que les intéressés en disposent ?

Comment croire à leur sincérité, lorsque des déclarations sont simplement non datées ? Ou alors, sommes-nous entrain de vouloir ruser avec les lois de la République ? A cette allure, le Gouvernement pourra-t-il réussir à restaurer l’autorité de l’Etat, quand il est donné au « citoyen lambda » de constater que certains de ses membres veulent s’adonner à ce jeu de ruse avec les lois de la République ?

En tous les cas, le Conseil Constitutionnel et la Cour des Comptes que la Charte de la Transition a investis, en son article 10 alinéa 4, de «tous les pouvoirs pour établir le patrimoine des personnalités concernées », sont ici fortement interpellés à assumer pleinement et en toute indépendance, leur rôle afin que se dissipe cette épaisse couche de doute sur la sincérité de certaines de ces déclarations. Par ailleurs, le patrimoine de certaines personnalités laisse simplement pantois ! Etre riche n’est certainement pas un délit.

Mais, encore faut-il que cette fortune ait une histoire limpide. Ces différents questionnements qui taraudent l’esprit des Burkinabè méritent d’être éclaircis, car il s’agit là du destin de toute une Nation et ceux qui président à ce destin se doivent d’être exemplaires.

En tout état de cause, les esprits malins qui auraient fait de fausses déclarations devront répondre un jour devant le peuple. Il appartient aux citoyens d’exercer une veille et un contrôle citoyens afin que l’exigence de la transparence dans la vie publique et de la reddition de compte fortement exprimée par notre Peuple prenne corps dans le quotidien des Burkinabè.

Il n’est pas question que la sueur du peuple burkinabè au lieu de se traduire par un meilleur accès à des soins de santé de qualité, un enseignement de qualité, une alimentation de qualité, un logement de qualité… bref, à un mieux-être, se traduise par des immeubles de haut standing, des comptes bancaires bien garnis à l’intérieur et à l’extérieur du pays, etc., pour des individus.

Le processus engagé pour obtenir une plus grande transparence doit se poursuivre afin que tous les membres des organes de transition déclarent leur patrimoine comme stipulé par la charte au « début et à la fin de leur fonction ».

La loi anticorruption du 03 mars 2015 donne des opportunités pour combattre l’enrichissement illicite dans notre pays. En conséquence, tous ceux qui ont connaissance de biens de personnalités assujetties à l’obligation de déclaration, qui ne figureraient pas sur les listes publiées ont le droit si non le devoir de les dénoncer.

Le numéro vert du REN-LAC (80 00 11 22) est à votre disposition.

Le REN-LAC en appelle à la responsabilité de tous pour une transparence et un assainissement de la vie publique afin que « plus rien ne soit comme avant » !

Ouagadougou le 28 avril 2015

Le Secrétariat Exécutif


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