Vivre de la musique au Burkina : Seydoni Productions suscite le débat
Seydoni Production a soufflé ses 20 bougies la semaine dernière à travers une série d'activités dont un panel. « Vivre de la musique au Burkina, est-ce possible pour les artistes et entreprises culturelles ? » C'est la question qui a fait l'objet d'une conférence débat le 28 mars dernier, à l'institut français de Ouagadougou.
Avec ses 40 ans d'expérience dans le domaine de la musique, Cissé Abdoulaye, l'un des panélistes se veut formel. Il est impossible pour un artiste de vivre uniquement de ses œuvres au Burkina Faso. « Avoir une vie pleine, se construire une maison, s'occuper de sa famille, envoyer ses enfants à l'école et financer leurs études jusqu'à l'université, par la musique, Non ! », a –t-il martelé sans ambages. La faute à l'organisation, aux lacunes des managers, incapables de trouver des contrats à l'artiste, qui se voit obligé de porter plusieurs casquettes pour valoriser son art.
Par contre, selon l'artiste Fat Lion, représentant des structures syndicales des artistes, il est possible de vivre de son art au Burkina. Il en être convaincu parce que la demande en musique burkinabè est devenue forte. Il faut seulement « débroussailler » le milieu de toutes les touffes qui l'empêchent de briller.
Quand l'artiste est lui-même le concepteur, distributeur, et est encore amené à faire la promotion de son œuvre en vue de tirer profit de son activité. Dans ces conditions, il est tout de même difficile de faire dans le professionnalisme.
Intervenant pour le compte des industries culturelles, Saidou Richard Traoré, Président directeur général de Seydoni Productions, a aussi épousé l'idée de Cissé Abdoulaye pour les industries culturelles. Selon lui, il est impossible pour une entreprise culturelle de faire de la musique son « affaire », et pouvoir sortir la tête de l'eau. L'expérience de Seydoni Productions permet à son PDG, de dire sans ambages, qu'à l'heure actuelle, une entreprise faisant uniquement la production musicale, ne peut exister. Tout simplement, les préalables ne sont pas réunis. Trop de taxes et d'impôts pèsent sur les industries de production culturelle.
Des maisons de production de musique moderne ou traditionnelle ont mis la clé sous le paillasson ou ont été obligées de se reconvertir dans d'autres domaines pour continuer à vivre.
L'Etat n'est pas une banque à financer les artistes
L'autorité ne fait pas non plus grand-chose pour soutenir les entreprises culturelles. « Avec seulement 0,34% du budget attribué au département de la culture, il est pratiquement impossible de baliser le terrain » se désolera le PDG de Seydoni Productions. Les artistes eux, non plus, ne peuvent accéder aux crédits dans les institutions financières. Conséquence, les projets artistiques sont difficilement réalisables.
Comme solution, Saidou Richard Traoré a préconisé celle de la commande publique. « Quand par exemple il y a les élections, on peut solliciter les artistes pour produire en vue de sensibiliser les population ».
Pour le secrétaire général du ministère de la culture et du tourisme, Désiré Ouédraogo qui intervenait au panel en tant que conseiller culturel, les problèmes évoqués par les acteurs sont réels. Mais au lieu de parler de difficultés, lui préfère les présenter comme des défis.
Les artistes doivent gagner le défi de la professionnalisation et de l'organisation. Pour lui, il est impossible de faire tout. « Les artistes ont-ils un plan de carrière, s'est-il interrogé, avant de poursuivre qu'un artiste ne peut gérer tout seul sa carrière ». De l'autre côté, l'Etat a aussi sa part de responsabilité. Il faut qu'il accompagne la création artistique par des infrastructures, des politiques structurelles, des espaces de diffusions artistiques.
L'autre défi selon Désiré Ouédraogo, c'est le changement de comportement des consommateurs, très extravertis. Le Burkina est un pays qui reçoit beaucoup de l'extérieur en termes de musique et fini par s'oublier, a-t-il ajouté.
Pour les artistes et acteurs culturels qui attendent que l'Etat leur donne l'argent pour réaliser leurs projets, le conseiller culturel a été formel. « L'Etat n'est pas une banque, son rôle n'est pas de distribuer de l'argent ».
La conférence a donné lieu des débats animés. Au finish, il y a eu des points d'accord sur les contradictions. La responsabilité dans l'essor de la musique burkinabè est partagée. Mais des artistes au consommateur en passant l'Etat et tous les acteurs de la chaine, chacun détient la clé de la solution.
Tiga Cheick Sawadogo
Lefaso.net
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