Notre armée saura-t-elle nous épargner l'avenir ?

Publié le dimanche 1 mars 2015


A quelques 120 jours de l'insurrection populaire des 30 et 31 octobre, la transition qui en a résulté continue de couver les attentes du peuple burkinabé partagé entre frisson et espoir. Pendant que les élections présidentielles à venir sont attendues comme l'ultime point de chute qui va ramener le fonctionnement normal des institutions et ouvrir une nouvelle ère pour un régime démocratique et véritablement républicain, ce sont les militaires qui continuent de se faire désirer.




Les candidatures annoncées des colonels et généraux à la présidentielle prochaine affichent clairement, s'il en était encore besoin, la volonté des militaires de continuer de jouer un rôle prépondérant sur la scène politique au risque de rater l'occasion de nous mettre à l'abri des soubresauts que notre pays a connus à cause de ce mélange des genres.


Ma conviction est donc faite : l'armée doit repartir à ses fondements en se retirant du pouvoir politique républicain pour son unité, l'unité nationale et la paix durable au Burkina Faso.


Notre armée, rappelle-t-on, a fait irruption dans la gestion politique de l'Etat depuis le 3 janvier 1966, qui a marqué la fin du pouvoir du Président Maurice YAMEOGO.Mais il convient de restituer à l'histoire que Lamizana avait été appelé par les civils qui venaient de déposer Maurice à la suite de ce qui a constitué la première insurrection de notre pays post- indépendance.

Le Président Maurice avait à l'époque accumulé autoritarisme et mal-gouvernance qui ont conduit à sa chute.


Exception faite de cette prise de pouvoir où il y a eu une jonction entre les civils et les militaires pour faire partir une dictature naissante, dans les autres cas, ce sont des fractions de l'armée qui se sont imposées à l'ordre républicain ; ouvrant dès lors la boite de pandore des séries des coups d'état militaires où des fractions de l'armée se succédèrent les unes aux autres.


Chacun venait avec son unité et ses hommes et imposait sa loi. De Saye ZERBO à Blaise COMPAORE, les successions étaient musclées avec leurs corollaires de règlements de compte. La baïonnette avait ainsi force de loi dans la politique et prenait ainsi le dessus sur le libre choix des populations qui devaient acquiescer ou se taire.


L'institution militaire elle-même ne pouvait que souffrir de ces grands clivages, et c'est ainsi que sa cohésion et son unité s'en sont trouvés fragilisées depuis cette saga des militaires en politique.


Le militaire devenu politique qui s'est le plus illustré dans cette hégémonie d'une fraction de l'armée sur le gros de la troupe et de la population est sans conteste Blaise COMPAORE. Ayant à l'esprit de se prémunir de ces sempiternels combats fratricides et nourri par le rêve du pouvoir à vie, il a méthodiquement cassé toutes les poches de résistance et les velléités de coups d'Etat en divisant les unités de l'armée selon la vieille doctrine de diviser pour régner.


Pour arriver à ses fins , il a transformé son corps d'origine, le CNEC en une garde rapprochée anormalement plus armée et choyée au détriment des autres forces de défense. Résultat des courses, nous avons aujourd'hui au Burkina une armée divisée où chaque composante attend et prépare ses jours de gloire.


Chers frères et sœurs,

Une transition et une réorientation de notre armée sur ses fondements originels s'imposent ! C'est un des grands chantiers nécessaires à l'instauration de la culture démocratique dans notre pays. Pour ce faire ; une trêve de la participation des militaires au pouvoir politique est nécessaire et indispensable.


La multitude de candidatures militaires qui éclore en ce moment va à contre-courant de ce renouveau démocratique attendu par les burkinabé au lendemain de cette deuxième insurrection. Les grands pays du monde, les démocraties que nous tenons en exemple et dont la gestion est encore plus complexe (dotés pour certains de l'arme atomique) sont tous dirigés par des pouvoirs civils soutenus par des armées puissantes, unies et respectées.


Loin de nous l'idée de denier aux militaires leur citoyenneté ni les droits et devoirs que cela leur confère. Mais nous disons que pour mettre fin à l'instabilité et à la Démocratie de la baïonnette, les militaires qui désirent jouer des rôles importants dans la politique doivent faire une reconversion civile avérée avant d'entamer une carrière politique au risque de voir perpétuer l'amalgame et le retour à l'instabilité.


Dans le contexte actuel, il est légitime de douter de l'engagement de tous ces militaires qui s'alignent sur la liste des présidentiables. Que proposent-ils de nouveau ?


Les Burkinabè aspirent et demandent la rupture et le changement par rapport à la mauvaise gouvernance et au déclin moral des années Blaise Compaoré.

Quelqu'un avant moi avait dit en son temps que la morale agonisait au Faso. Comment des gens qui n'ont pas été capables, malgré leurs grades reluisants, de s'opposer à la forfaiture et à la dérive autocratique de Blaise, leur irremplaçable candidat, peuvent-ils nous convaincre d'être dignes de foi au point où des personnes sérieuses puissent leur faire confiance ?


Comme dit mon grand-père, cela revient à confier aux lionceaux qui ont juré de ne plus manger de la viande, la garde des agneaux après avoir chassé le père lion.


Lassina OUATTARA.

lassina67 @gmail.com





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