Défis de l'insurrections et candidature des militaires : L'incertitude gagne du terrain
Depuis la mise sur orbite de la transition politique au Burkina Faso en novembre 2014, la crainte légitime de tous ceux qui veulent le bien de ce pays portait sur la capacité des autorités et la bonne volonté de toutes les parties prenantes de pouvoir réussir les défis de l'insurrection. Sans paraître comme un oiseau de mauvais augure, le constat amer qui persiste au fur et à mesure que le temps passe, est que l'incertitude continue de gagner du terrain.
Après la tempête des nominations contestées, les tirs croisés qu'ont suscités les émoluments des députés et la très inquiétante affaire du RSP, c'est le tour de l'éligibilité des tripatouilleurs de l'article 37 de la Constitution et des militaires de défrayer la chronique.
Le débat qui est sur presque toutes les lèvres est de savoir s'il faut prendre le risque de laisser ceux qui ont été à la base de la révolte du peuple de revenir encore aux affaires de si tôt. L'autre paire de manche, non moins importante, est de savoir s'il faut permettre aux bidasses de continuer à diriger le pays. Les avis restent toujours partagés sur ces questions au nom, bien sûr, du sacro-saint principe de la souveraineté du peuple avec en toile de fond la légitimité que confère le suffrage universel.
Le peuple reste certes souverain en démocratie. Il est le garant de la légitimité du pouvoir politique et le dernier rempart de toute prise de position définitive. Mais, la réalité africaine de la démocratie caractérisée par l'ignorance des populations des vraies valeurs du système démocratique n'invite-t-elle pas à la prudence ?
On peut répondre par l'affirmative car très souvent, la mise en œuvre mécanique de certains principes du jeu démocratique peut constituer un facteur de risque pour l'idéal démocratique. La récurrente interrogation qui se pose souvent en Afrique est de savoir si le vote reflète réellement le choix des électeurs. Ce n'est un secret pour personne qu'au Faso les espèces sonnantes et trébuchantes influent considérablement sur le verdict des urnes. Que vaut alors la soi-disante souveraineté d'un peuple taillable et corvéable à merci par des dépositaires de biens financiers mal acquis ?
C'est là où le bât blesse dans ce débat sur l'exclusion ou inclusion aux échéances électorales d'octobre 2015 d'une certaine catégorie de personnalités de notre pays. Ayant bénéficié des avantages (sur tous les plans) de l'Etat durant une trentaine d'années, ils ont amassé des milliards sur le dos du peuple. Ils sont prêts aujourd'hui à en injecter dans la bataille pour acheter la conscience des électeurs dont la majorité sont à la limite indigents. Ainsi, il n'est pas exclu qu'en dépit des rejets dont ils font l'objet actuellement, un des fidèles de Blaise COMPAORE puisse revenir en force aux affaires à l'issue des élections pour travestir le renouveau politique idéalement attendu.
A l'analyse, pour éviter un chaos éventuel au pays, des mesures d'inéligibilité méritent d'être prises à l'encontre de tous les ex-députés internés à Azalaï Hotel Indépendance le 29 octobre 2014, de tous les membres du Gouvernement déchu et tous les présidents des conseils municipaux ou régionaux. La mesure doit également concerner tous les chefs des partis de la mouvance présidentielle et du front républicain. En plus, chaque candidat devrait faire preuve de son non implication dans aucun dossier de crime économique ou de sang durant le régime COMPAORE.
Comme l'estiment certains, il ne s'agit pas d'une exclusion mais d'une action qui vise à parachever durablement l'aspiration profonde du peuple. C'est pourquoi, les sanctions ne devraient pas toucher aux partis politiques mis en cause. Elles doivent viser uniquement les personnes fautives. Ainsi, au nom de l'inclusion et de la réconciliation nationale, ces formations politiques enverront aux élections d'autres leaders comme c'est le cas au Conseil national de la transition (CNT).
A défaut, le pire est à craindre à bien des égards, ce qui pourrait donner raison aux responsables de l'ancien régime qui prédisaient le cataclysme sans Blaise COMPAORE. Du reste, leurs activités, leur réorganisation actuelle et leurs attitudes sur le terrain politiques laissent entrevoir un « On gagne ou on gagne » - le slogan de campagne des pro-Gbagbo en 2010 -.
Dans cette optique, la candidature du général de gendarmerie Djibril BASSOLE est la plus inquiétante des multiples plans des COMPAORE pour reprendre la main. Son contrôle de la gendarmerie nationale voire de l'armée peut créer un scénario de crise post-électorale à l'ivoirienne en cas d'échec électoral. Au cas où il accepterait d'être de l'opposition, il resterait un opposant à haut risque car capable d'opérer un hold-up à tout moment. A défaut d'un contrôle sur toute l'armée, le pire reste toujours à craindre à savoir une division de la grande muette, ce qui pourrait conduire à une guerre civile.
Mais avant toutes ces éventualités catastrophiques non souhaitable pour le Burkina Faso, l'agenda même de la transition avec à la clé les élections du 11 octobre 2015 ne semble pas à l'abris d'un « tremblement de terre » à l'allure où vont les choses. Chaque burkinabè est donc interpellé à la vigilance et à mettre de l'eau dans son vin. A commencer par les syndicats qui continuent de poser leur revendication comme s'ils étaient en face d'un pouvoir ordinaire. Il y a également les hommes politiques qui sont déjà en précampagne comme s'ils avaient une garantie sur l'effectivité des élections en octobre prochain.
Etant les plus responsables, les autorités et les organes de la transition doivent être les plus vigilants et les plus rigoureux afin de relever le défi de la transition. Le peuple burkinabè a besoin de cette nouvelle prise de conscience des enjeux de l'insurrection pour dissiper le désespoir qui commence à s'installer dans les esprits. Mais comme le disait l'autre, « le Burkina Faso vient de loin ! » Espérons que Dieu a toujours sa main sur lui et qu'il y aura, en fin de compte, plus de peur que de mal.
Zégué Abdouldaoz SOROMADI
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