Transition au Faso : Que faut-il attendre de la commission de réconciliation nationale et des OSC ?
Pour le lancement de ses activités placé sous le parrainage de l'ancien président de la chambre des représentants El Hadj Moussa Sanogo, Initiatives pour la démocratie et action pour les libertés publiques (IDEAL) a organisé ce samedi 21 février 2015 à l'université de Ouagadougou un grand panel sur la problématique de la contribution de la commission de réconciliation nationale et des réformes et de celle des organisations de la société civile au succès de la transition burkinabè.
« Burkina Faso post insurrectionnel entre exigence de la réconciliation nationale et lutte contre l'impunité : quels sont les défis majeurs de la Transition ? ». C'est le thème du grand débat organisé ce samedi à l'université de Ouagadougou par Initiatives pour la démocratie et action pour les libertés publiques (IDEAL) pour le lancement de ses activités. Pour ce grand thème, Ismaël Ouattara, président de IDEAL et ses camarades ont fait appel à Luc Marius Ibriga et à l'Iman Ismaël Tiendrébéogo. Le Pr Ibriga a donné une communication sur le sous-thème 1 formulé ainsi qu'il suit : ‘'Que peut-on attendre de la Commission de réconciliation nationale et des réformes pour la satisfaction des aspirations du peuple insurgé''. Et l'Imam Tiendrébéogo a livré la communication du sous-thème 2 portant : ‘'Rôle et responsabilités des acteurs des organisations de la société civile dans la réconciliation nationale. La modération des deux communications a été assurée par Mahamadi Ouédraogo. De la communication de l'Iman, l'on peut retenir que les OSC après avoir joué à juste titre un rôle avant et pendant l'insurrection, doivent jouer un rôle accru à l'étape post-insurrectionnelle. Elles doivent jouer ce rôle en contribuant à la promotion de la bonne gouvernance administrative et managériale qui implique l'amélioration de la performance dans la gestion du secteur public, la promotion de l'imputabilité, la création d'un cadre juridique favorable au développement. Elles doivent le faire en contribuant aussi à la promotion de la bonne gouvernance économique qui prend en compte la gestion des ressources et l'ensemble des mécanismes de création et de répartition des richesses et à la promotion de la bonne gouvernance politique et démocratique qui se focalise sur la promotion de la démocratie comme condition sine qua non et un tremplin indispensable pour le développement. Les OSC ont également un rôle à jouer sur la question de la réconciliation nationale qui s'avère indispensable pour, dit-il, un certain nombre de raisons. « La situation exceptionnelle du changement a pu créer des frustrations ; la durée du règne du régime précédent a fait beaucoup de bénéficiaires et du coup beaucoup de déçus ; certaines actions, certes justifiées par la poursuite de l'intérêt national pour la plupart, ont pu pécher par l'envie d'aller vite et sur de nouvelles bases ; des partis politiques ont été tenus pour responsables de la situation sans issue à laquelle a été poussé notre pays ; des désabusés de la chose politique sont aussi à être réconciliés avec la chose politique et le processus démocratique ». Et pour répondre présents sur ces différents chantiers de la transition, les acteurs de la société civile peuvent selon l'Iman Tiendrébéogo s'appuyer sur un certain nombre d'outils dont :
la sensibilisation sur la réconciliation nationale ;
la définition de politiques inclusives à proposer aux gouvernants ;
la création de cadres de rencontre et de réconciliation au plus près des populations ;
la promotion d'un développement qui limite les frustrations liées à la non-satisfaction des besoins et qui soient réellement en rupture avec ce qui se faisait…
la promotion de mécanismes inclusifs et participatifs qui convaincront que le changement n'a pas été voulu contre un régime ou des animateurs en tant que tels mais contre des actions de ceux-là qui n'étaient pas efficaces à prendre en charge les besoins réels de la population ;
la défense les droits humains, des hommes et des femmes.
Rôle attendu de la commission de la réconciliation nationale et des réformes
Pour Luc Marius Ibriga, évoquer les actions attendues de la commission de réconciliation nationale et des réformes pour la satisfaction des aspirations du peuple insurgé commande que l'on se souvienne des causes de l'insurrection populaire. A savoir un déficit de démocratie sociale caractérisée, dit-il, par une polarisation des richesses nationales au profit d'une minorité et au détriment du plus grand nombre ; et un système politique verrouillé et non démocratique. Partant de là, les missions de la commission de réconciliation nationale sont, selon le Pr Ibriga, claires. Il s'agit, en ce qui concerne le problème de déficit de démocratie sociale, de veiller à ce que les aspirations socio-économiques des populations soient véritablement prises en charge. Cela passe, dit Luc Marius, par des investissements massifs dans les secteurs clés comme la santé, l'agriculture à travers une maîtrise de l'eau et le secteur de l'énergie. Concernant le plan politique, le contrôleur général d'Etat préconise de réformes politiques et institutionnelles appropriées à même de favoriser la mise en place d'un système politique plus démocratique. Il a parlé de la nécessité de trouver une solution au problème de la Constitution, faut-il rédiger une nouvelle Constitution ou juste amender celle de 1991 ? ; de régler la question de démilitarisation du pouvoir politique ; celle de la chefferie traditionnelle et de la nécessité de définir les modes appropriés de financement des activités des acteurs politiques. Pour ce qui concerne le principe de la question de l'inclusion contenue dans la charte de transition, Ibriga pense que cela n'exclut pas la vérité et la justice. « L'inclusion ne veut pas dire impunité qui crée la rancœur, la frustration et conduit à la violence ». Les deux exposés ont donné lieu à des échanges animés. Naturellement, la question du Régiment de sécurité présidentielle a polarisé une bonne partie des échanges. Pour certains intervenants, le problème est parti du fait de la nomination de Yacouba Zida à la tête du gouvernement de transition, puisque des éléments du RSP ont continué à voir en lui le Lieutenant-Colonel et non un chef du gouvernement. Mais, compte tenu du temps imparti à la transition, des tenants de cette vision ne vont pas jusqu'à exiger la démission de Zida, estimant qu'il est « une tare que la transition doit traîner jusqu'à sa fin ». D'autres, les plus extrémistes, voient en Zida la pièce défectueuse de la transition qu'il faut absolument extirper du système pour lui permettre de fonctionner à merveille. Mais, pour Ibriga, il convient de ne pas lier le problème du RSP en la personne de Yacouba Zida car la question de sa dissolution ne date pas d'aujourd'hui et celle-ci reste plus que jamais d'actualité. « En République, on n'a pas besoin de garde prétorienne ». Pour Luc Marius, le RSP était bel et bien lié à la personne du président Compaoré et de sa famille et que ceux-ci n'étant plus aux affaires, le Régiment n'a plus sa raison d'être dans le Burkina post-insurrectionnel.
Grégoire B. Bazié
Lefaso.net
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