Ministère de la Jeunesse, de la Formation Professionnelle et de l'Emploi : Des agents d'indignent contre la gestion du ministre
Rien ne semble aller au département en charge de la Jeunesse, de la Formation Professionnelle et de l'Emploi où des voix s'élèvent pour dénoncer la gestion du premier responsable à travers surtout les nominations. C'est ce qui ressort de cette lettre ouverte d'un groupe d'agents que nous vous proposons in extenso.
Lettre ouverte à M. le Ministre de la Jeunesse, de la Formation Professionnelle et de l'Emploi
Monsieur le Ministre,
La présente lettre a pour objet d'exprimer notre indignation et nos inquiétudes relatives aux nominations du mardi, 27 janvier 2015.
Nous n'avions jamais pensé que ce qui est arrivé au Ministère de la Jeunesse, de la Formation Professionnelle et de l'Emploi (MJFPE) à travers les récentes nominations pouvait se faire, même au temps du régime Compaoré. L'incurie grave dont vous avez fait preuve dans ce contexte de transition nous contraint à réagir afin de ne pas assister dans l'indifférence à la démolition d'un édifice qui a été érigé avec tant d'efforts et de temps en vue de l'épanouissement socio-économique de la jeunesse burkinabè. Notre silence face au désordre qui est en train de se créer dans ce département ministériel qualifié de stratégique serait inconcevable, irresponsable et complice ; d'où la présente lettre ouverte adressée à vous, notre Ministre.
Il est bien connu du peuple burkinabè que le gouvernement de transition est censé, au-delà de sa mission de gestion des affaires courantes des différents départements ministériels, opérer des réformes nécessaires à la bonne marche des services, rectifier les mauvaises pratiques du système ancien, donner l'exemple en matière de gouvernance, en un mot tracer les sillons avec le peuple pour permettre aux régimes démocratiquement élus à venir d'éviter les errements. Partant de ces attentes légitimes des populations et surtout des agents des différents départements ministériels, nous sommes en droit de nous poser des questions et d'exprimer notre indignation et nos inquiétudes élémentaires par rapport aux nominations. Il s'agit notamment :
De la nomination de votre collègue consultant, au poste de chargé de missions en violation flagrante des textes y relatifs.
Monsieur le Ministre, vous avez nommé un de vos amis consultants, qui n'est pas de l'administration publique, au poste de chargé de missions. Il est clair que cette fonction, selon les textes, est réservée ‘‘entre autres'' aux agents publics ayant acquis une certaine expérience dans l'administration publique. Il ne fait l'objet d'aucun doute que cette nomination ne respecte pas l'esprit du décret portant organisation type des départements ministériels car ce ‘‘entre autres'' ne saurait être la porte ouverte au recours à des amis consultants privés.
De la démolition de la Direction Générale de la Formation Professionnelle (DGFP) par le changement, en un Conseil des Ministres, du Directeur Général et de tous ses directeurs de services.
La DGFP a été complètement démolie après plusieurs années de construction. Cette démolition est dramatique pour trois raisons :
Primo : vous avez procédé au changement de toute l'équipe à savoir le Directeur Général et les trois directeurs de services. De mémoire, des changements dans l'administration publique, rarement un ministre n'a opéré un tel changement par un seul acte. A moins que l'on reproche à l'équipe sortante des fautes graves, des malversations, ou autre type de manquement. On ne peut tuer la mémoire et briser la dynamique interne d'une direction générale en agissant de la sorte. Que cache cette destruction de la Direction générale ? Que veut-on bâtir de totalement et de radicalement nouveau pour un ministre ayant « un contrat à durée déterminée » ?
Secundo : Changer une équipe de techniciens dans sa totalité est très grave sur le plan managérial. Dans ces conditions, pour garder un tant soit peu la dynamique interne de la maison, on procède en général par une ou des promotions à l'interne. Là également, vous n'avez trouvé aucune compétence parmi le personnel de la DGFP capable de « faire votre affaire ». Toute la maison est reconstituée avec des prétendues compétences venant d'autres directions. Que peuvent-ils faire objectivement dans une telle situation en l'espace de moins d'une année.
Tertio : De l'équipe entrante, vous avez nommé deux agents non titularisés et issus de la Direction Générale de la Promotion de l'Emploi. En conséquence, ceux-ci sont handicapés par la non-maîtrise de la question technique de la formation professionnelle et du management des services. Du moment où le corps dont sont issus ces agents (les conseillers en emploi et en formation professionnelle) regorge des compétences ayant plus de cinq ans d'expérience dans le domaine spécifique de la formation professionnelle, pouvez-vous nous dire, quel but poursuivent ces nominations ? Nous nous doutons que le but est d'atteindre des résultats, puisque vraisemblablement, on ne peut atteindre des résultats à travers ces nominations qui sont sources d'immobilisme, de frustrations et de détérioration du climat de travail.
De la nomination de Madame Aguiratou TOU/NANA au poste de Directrice Générale de la Promotion de l'Emploi (DGPE) et bien d'autres cas
Techniquement, cette nomination ne saurait se justifier car, l'esprit de justice et d'impartialité de l'administration ne peut permettre qu'elle soit nommée Directrice Générale dans une direction où elle a fait moins d'une année de service au détriment de ceux dans le corps qui y ont fait plus de cinq. C'est parfaitement scandaleux !
En outre, cette nomination ne saurait se justifier dans un contexte politique post-insurrectionnel. En effet, lors de la rencontre des secteurs structurés du CDP, en juin 2014, à la Maison du Peuple, où il a été principalement question de la responsabilisation des militants du CDP dans l'administration publique et de l'appel à la modification de l'article 37, Madame TOU, en sa qualité de rapporteur du comité d'organisation, a publiquement lu une motion de soutien au nom de la cellule CDP du MJFPE.
Il est inconcevable que cette dernière, après avoir bénéficié des avantages de son militantisme, soit encore propulsée à un poste de directrice générale, au détriment de ceux ayant été privés durant des années pour avoir commis le péché de n'avoir pas été du CDP. C'est apparemment dire à ceux qui ont lutté et qui ont injustement été brimés sous le régime de Blaise COMPAORE « tant pis pour vous ! ».
Au-delà du cas Madame TOU précédemment évoqué, des anciens barons de la cellule CDP du MJFPE qui, naguère, faisaient la pluie et le beau temps, sont devenus subitement vos hommes de confiance. C'est le cas de Monsieur Antoine Iwaoga BILGO, l'ancien Inspecteur Général des Services (IGS). Par exemple, le 30 octobre 2014, ce dernier ayant minimisé l'ampleur de l'insurrection se rendait au siège du CDP pour célébrer la victoire de son parti. Celui-ci a été contraint de prendre les jambes à son cou, laissant derrière lui le véhicule de service qu'il conduisait lui-même. Ce véhicule a été totalement dépouillé de ses pièces par les pillards avant d'être incendié sans qu'aucune sanction ne lui soit infligée jusque-là. Au contraire, en dépit de ce passif très récent, vous ne vous êtes pas empêché de le nommer comme votre Conseiller Technique.
Monsieur BILGO, en tant que IGS, faisait le tour des régions en compagnie de Madame TOU pour contraindre les Directeurs Régionaux de la Jeunesse, de la Formation Professionnelle et de l'Emploi à mettre en place des cellules CDP. Sans être contre l'esprit de l'inclusion stipulé dans la Charte de la transition, nous estimons que les insurgés ne peuvent se sacrifier pour que cela profite à ceux qui ont allègrement attisé le feu de l'article 37.
De la nomination de la Directrice Générale de la Promotion de la Jeunesse (DGPJ)
Il s'agit encore là d'une nomination qui se justifie difficilement. En effet, la nouvelle Directrice Générale de la Promotion de la Jeunesse en la personne de Mme BANGRE Gisèle, affectée à la DGPJ, il y a à peine quatre mois, n'a jamais dirigé de sa vie un service encore moins une direction de service. Pire, lorsqu'elle est appelée à diriger des collaborateurs qui ont plusieurs années de service dans la catégorie, il s'agit d'une incongruité sur le plan managérial et technique. Pour nous, sa nomination n'est pas fondée sur le souci technique et d'efficacité mais plutôt sur d'autres motifs dont vous seul avez le secret.
Du relèvement des directeurs de catégorie A2 de leur poste
Monsieur le Ministre, vous avez procédé au remplacement de certains cadres à leur poste de responsabilité sous prétexte qu'un agent de catégorie A2 ne peut pas ‘‘commander'' un A1. Si cela répond à une logique bien déterminée de vous, bien que les textes de l'administration publique burkinabè ne l'interdisent pas clairement, il faut cependant relever que dans votre même logique, vous ne deviez donc pas nommer aux postes de Directeurs, des agents qui sont d'échelon inférieur pour qu'ils ‘‘commandent'' des collaborateurs d'échelons supérieurs comme c'est le cas à la DGFP et à la DGPJ précédemment évoqué. Aussi, pendant que certains de catégorie A2 sont relevés de leurs fonctions, d'autres agents de catégorie A2 et pire, des agents de catégorie B1 sont nommés. Cela constitue à notre avis un paradoxe parfait.
De la nomination des directeurs des Fonds du MJFPE
Monsieur le Ministre, concernant la nomination des directeurs des Fonds de notre département, nous constatons un hiatus entre ce que vous dites et ce que vous faites. En effet, de notre mémoire, aucun cadre du ministère n'a jamais eu la chance de diriger un Fonds ni un projet ou programme alors que les compétences, il y en a à la pelle parmi les cadres des Fonds et du Ministère.
Ainsi, la nomination des directeurs des Fonds ne prennent-ils pas en compte le principe de la valorisation des compétences internes et ne tiennent seulement qu'à des affinités. La conséquence est que ces structures connaissent une instabilité permanente et de sérieux problèmes de gouvernance. Parmi les solutions figurent la responsabilisation des cadres du Ministère ou des Fonds dans la gestion desdites structures et non l'éternelle tendance à faire recours aux financiers comme on l'a reproché à vos prédécesseurs car pour nous, pouvoir diriger un Fond, n'est pas plus conditionné par la maîtrise des finances publiques qu'à la maîtrise de l'objet pour lequel le fond a été mis en place. Avec le retour des attitudes anciennes à travers ces nominations, nous nous autorisons d'avoir la même pensée d'avant les 30 et 31 octobre, à savoir que chaque ministre envoie en réalité ‘'ses hommes et ses femmes'' pour se servir et non pour rendre service à notre jeunesse laborieuse.
De tout ce qui précède, notre inquiétude majeure après ces nominations de complaisance, est relative à l'avenir de notre département et des services techniques. Le climat de travail au MJFPE s'est considérablement détérioré après cette « conflagration » du 27 janvier 2015. Il s'agit aussi de l'avenir des corps. Nous nous inquiétons que ces nominations, au-delà d'instaurer la chienlit et les frustrations dans les services et d'avaliser le clanisme au sein des corps, ne soient qu'un moyen pour vous de parvenir à vos fins c'est-à-dire, la disparition de notre département à la fin de la transition.
Monsieur le Ministre, lors de vos tournées dans les régions, vous avez dit à plusieurs reprises que le MJFPE n'est qu'un ramassis de trois secteurs d'activités qui devraient relever d'autres départements ministériels. Vous y avez émis le vœu de voir la Jeunesse rattachée au Ministère des Sports et des Loisirs, et la Formation Professionnelle au Ministère des Enseignements Secondaires et Supérieurs. Bien curieux de votre part, vous qui avez accepté volontiers de conduire un département sachant bien que son existence même vous pose problème ! Sans rentrer dans ces débats théoriques sur lesquels nous pourrions revenir plus tard, nous vous rappelons que ce département est le fruit d'une lutte de longue haleine menée par notre jeunesse.
Pour terminer, nous tenons à vous rassurer que nous ne sommes nullement contre votre personne, bien au contraire, nous sommes seulement animés d'un esprit citoyen et professionnel, visant à préserver les acquis et à renforcer la cohésion sociale au sein du département. Toute chose qui contribuera à un meilleur accomplissement de nos missions au profit de la vaillante jeunesse burkinabè.
Le Groupe des Indignés des Actions du Ministre (GIAM/MJFPE)
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