Participation des OSC « politiques » au CNT : Rendre justice aux acteurs d'aujourd'hui et légiférer pour l'avenir

Publié le samedi 29 novembre 2014


Après la publication de la liste des représentants de la société civile au Conseil National de la Transition (CNT), après s'être rendu compte que certains acteurs désignés au compte de la société civile appartenaient aussi à des partis politiques, des voix se sont élevées pour protester contre la participation au CNT de ces acteurs à double casquette au titre de la société civile.




J'ai eu à participer aux échanges sur les réseaux sociaux. Face à la virulence de certains intervenants qui traitaient ces camarades de lutte « d'intrus » ou de « tricheurs » à extirper de la transition, et vu l'importance de la question, j'ai décidé, comme d'autres avant moi, de donner ma contribution à travers les médias.

Comment en sommes-nous arrivés là ?


Face aux dérives monarchiques de notre processus démocratique voulues par Blaise Compaoré et les siens, plusieurs fronts se sont ouverts pour résister. Sur le front politique par exemple, des partis politiques d'opposition se sont retrouvés autour du Chef de File de l'Opposition d'alors pour mener le combat face au CDP et plus tard au Front Républicain. Au plan de la société civile, des organisations existant antérieurement ou créées ad ‘hoc ont mené la lutte, soit individuellement, ou à travers des regroupements suscités par la volonté de mise en place d'un sénat et les velléités de modification de l'article 37 de la Constitution. C'est ainsi que nous avons assisté à la naissance d'organisations comme le Balai Citoyen, le Collectif Anti-Référendum(CAR), le Collectif des Femmes pour la Défense de la Constitution(COFEDEC), le mouvement Ca Suffit pour ne citer que celles-là, ou à des regroupements comme le Font de Résistance Citoyenne(FRC) et bien d'autres.


Ces organisations de la société civile, comme on le voit, à objet éminemment politique, opposées à la modification de l'article 37, ont été créées par des citoyens préoccupés par la perversion de la démocratie et prônant l'alternance démocratique comme forme de transmission du pouvoir dans notre pays. Conscients des limites objectives de l'action des partis politiques d'opposition enfermés dans des carcans législatifs inhibiteurs, certains de ces citoyens ont su profiter des insuffisances de notre législation en matière de création d'organisations de la société civile pour envahir le champ de bataille qui était pratiquement l'apanage de le la FEDAP BC.


En effet, la loi No10/92/ADP portant libertés d'association, qui régit aujourd'hui la création des organisations de la société civile dans notre pays brille par l'absence de balise quant à la confusion des genres et à l'envahissement du champ social par le politique. Nulle part dans cette loi, il n'est fait obligation à un citoyen, de faire la preuve de son non appartenance à un organe dirigeant d'un parti politique pour militer dans une organisation de la société civile. Pire, l'article 47 de cette loi qui préconise la dissolution d'une association qui se livrerait à des activités contraires à ses statuts, n'a jamais été appliqué alors qu'il aurait dû l'être à la FEDAP BC. Le foisonnement des OSC, notamment celles animées par des acteurs politiques a beaucoup bénéficié de cette faiblesse législative et de la bienveillance du pouvoir d'alors à l'endroit de la FEDAP BC.


Dans le combat ayant conduit à la chute du pouvoir de Blaise Compaoré, l'apport de la société civile a été considérable. On ne peut nier aujourd'hui le rôle important joué par le CAR de Hervé OUATTARA, Ca Suffit de Aziz SANA, le COFEDEC de Marie Madeleine SOMDA, l'APCD de LOPEZ, le FRC de Marius Luc IBRIGA, le Balai Citoyen de Sam's K le JAH et autres, et bien d'autres organisation de la société civile. Aucun parti politique de l'opposition républicaine, malgré sa volonté, ne pouvait se permettre de poser certaines des actions que ces OSC ont menées sur le terrain, au risque d'être taxé de putschiste et traité comme tel. D'où la synergie d'action que nous avons observée durant cette dure période insurrectionnelle.


Aujourd'hui, légitime est le débat autour de la représentation de la société civile par des acteurs de la société civile qui ont lutté comme tels, mais qui malheureusement sont aussi des acteurs politiques. Mais il est aussi juste de reconnaître que ces acteurs à double casquette à qui la loi en vigueur n'interdisait pas leurs activités, ne peuvent être déchus de leur droit d'agir encore aujourd'hui au nom de la société civile, où qu'ils se trouvent. Certes, des conditionnalités avaient été édictées pour la désignation de leurs représentants par une coordination des OSC, mais un collège de désignation mis en place par cette même société civile a décidé de retenir des candidats dont le profil diffère légèrement de celui fixé par la feuille de route. De plus, les conditionnalités retenues ne peuvent se mettre au dessus de la loi portant liberté d'association, pire, de la Constitution, qui garantit les libertés des acteurs.


Pour ma part, et en guise de conclusion, reconnaissant l'impérieuse nécessité de dépolitiser notre société civile, il serait judicieux de rendre justice aux acteurs d'aujourd'hui, en ne leur interdisant pas, par le fait du prince, ce que la loi autorise, mais plutôt d'entamer immédiatement la réflexion pour finalement légiférer en la matière pour l'avenir, pour que les acteurs à double casquette d'aujourd'hui soient obligés au choix, entre la société civile et les partis politiques, de par la loi.


Dr SOMDA M. Joseph

msomdaj@yahoo.fr





via leFaso.net, l'actualité au Burkina Faso http://www.lefaso.net/spip.php?article62042