Lettre à mon jeune frère : Pour une nouvelle citoyenneté
Je t'ai vu ce matin du 1er Novembre 2014, le regard bien projeté. Tu avais toute l'apparence d'un soldat, fier d'avoir gagné une bataille. Tu as raison mon frère. C'est effectivement le cas. Parce que tu viens d'enregistrer une victoire historique, que tous les jeunes dans le monde, envient. Ta fierté est légitime.
J'ai aussi remarqué que beaucoup de gens ont félicité, toi et les autres. Vous autres, connus pour quelques-uns, et anonymes pour le grand nombre, êtes des braves. J'en conviens.
Ce fut dur en effet, et cela est un grand mérite pour tous, d'avoir bravé. Le mérite d'avoir libérer ton pays, sans les sirènes ouest africaines et internationales, sans les gros costumes sombres sortis du néant et accourus au chevet du pays où « tout allait bien pourtant, Blaise maîtrisait sa situation ». Oui.
Je voudrais, moi, non pas rallonger la liste des compliments, mais juste te rappeler ceci : « tu viens d'enregistrer une victoire d'étape, non pas la guerre. »
Toi, ta guerre n'est pas terminée. Je te la résume :
La guerre contre la pauvreté et pour le développement ;
La guerre contre l'injustice et pour l'équité ;
La guerre contre l'analphabétisme et pour l'éducation ;
La guerre contre la résignation et pour l'espoir ;
La guerre contre un Burkina désuet et pour un Burkina nouveau.
Telle est ta guerre, une seule et même guerre. Tu dois la gagner dans la durée et, la bataille remportée n'en est qu'une étape.
…
D'accord, tu as vraiment bataillé. Mais c'est, disais-je, une étape. Oui, tu as bien entendu. Je te vois interloqué. Tu veux me dire que tu as fait ton boulot et que le reste appartient aux politiciens. C'est là que je veux te rappeler que tu n'as raison qu'en partie. Car, je crains fort, ton rôle dans la reconstruction, tu l'occultes.
Tu as contribué à mettre hors d'état de nuire la « bande à Blaise », mais pourquoi penses-tu laisser la reconstruction à d'autres ? Tu me diras, je le devine : « qu'est-ce que je peux faire, moi dans mon coin ? »
Justement mon frère. Si tu ne sais pas encore ce que tu dois faire, laisse-moi te dire ceci :
Cesse de « brûler les feux » sur ton chemin, comme lorsque tu te disais révolté ;
Cesse d'envier les tricheurs, tu sais que ceux-ci ont emprunté un chemin court mais dangereux ;
Cesse ta paresse de malade, et travaille dur comme si le monde entier te regarde ;
Cesse de dire pendant les élections : « on sait qui va gagner », évidemment !
Réclame une révision des listes électorales parce que tu n'es pas inscrit, on sait pourquoi ;
Sois actif dans ton quartier, dans l'association de ton choix, pour le parti de ton choix, même si avant, cela ne te disait rien ;
Fais toutes choses que tu penses utiles pour ta communauté.
Et puis,
Change tes rapports avec ton corps, prends tes plaisirs, mais attention à ta santé, tu ne peux être utile à ta communauté si tu es malade ;
Change tes rapports avec ta famille, elle doit te protéger mais c'est d'abord à toi de la protéger ;
Change tes rapports avec tes camarades, écoute les, mais surtout apporte ta critique aux débats ;
Change tes rapports avec tes enseignants, apprends d'eux et ne leur manque jamais de respect ;
Change tes rapports avec les politiciens et les autres leaders, refuse les faux cadeaux, inspire-toi de leurs hauts faits, mais exige toujours la transparence ;
Change tes rapports avec ton pays, tu peux attendre beaucoup de lui mais apporte toute ton énergie à la construction de ta Nation.
…
Te demandes-tu encore pourquoi tu dois faire cela ?
Voici, en rappel, la réponse :
Tes concitoyens ont été déçus par ses leaders. Mais apeurés et incapables d'assumer leur révolte, tous appelaient de leurs vœux, au bon Dieu, la fin de cette impasse. L'incivisme et ses corolaires, en réponse à cette crise, étaient devenus l'expression privilégiée de leur ras-le-bol. Çà et là, les actes de rejet de l'autorité étaient légion. La situation était devenue grave, alors que tes dirigeants jouaient aux aveugles et aux muets.
Comme dans une marmite d'eau bouillante, toujours sur le feu, mais incapable de laisser échapper la vapeur, l'explosion était évidente. Ça devait « péter » un jour.
Puis, grâce à toi et aux autres, qui n'aimeriez pas que ce pays soit la risée des autres, les indésirables responsables ont été priés de partir. Tu excuseras mon euphémisme !
Et voilà, tu as fait ce boulot, tu t'es acquitté d'une tâche qui marque le début d'une autre vie. Le reste de ce travail, c'est pour le reste de ta vie. Si tu faiblis aujourd'hui, ce sera pire après. Car le mal que tu as combattu reviendra, beaucoup plus lancinant, si tu retournes dormir.
Ok, je parle trop. Excuses-moi. C'est, je pense, moins périlleux que le fait pour toi d'avoir affronté les soldats envoyés par Tiao. Je suis sérieux.
Je disais que c'est le début du travail. Un travail de longue haleine. Nous y participerons tous. Moi, je me suis donné, déjà, cette petite part de ce travail, de t'écrire, et de te rappeler ce qui te reste à faire. J'espère t'avoir du côté des reconstructeurs.
…
J'allais oublier quelque chose :
Rassure-toi la prochaine fois, quand il s'agira de choisir un dirigeant dans ta circonscription, tu pourras le faire toi-même, et que tu pourras demander que ta voix soit protégée et prise en compte. Tu t'assureras que personne ne voudra le faire à ta place.
Et moi, je me réjouirai comme tous ceux qui, tous les jours, travaillent pour que le Burkina brille de mille feux dans le concert des Nations. Parce que notre pays aura été guéri de son mal. Pour que prévale une nouvelle citoyenneté, propre à nous donner les bases d'un développement véritable.
Grâce à toi et aux autres.
A bientôt.
Ouagadougou, 21 Novembre 2014
K. Isidore YAMEOGO
Président de l'Association CITOYENNETE AZIMUTS
06 BP 10764 OUAGADOUGOU 06
citoyenneteazimuts@yahoo.fr ou isid7@yahoo.fr
Tél : 00 226 70 29 49 60
(Récépissé 2013-483/MATS/SG/DGLPAP/DAOSOC du 26 Avril 2013, insertion au JO 28 du 11 juillet 2013)
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