Djibrill Y. Bassolé, ancien ministre d'Etat burkinabè : « A partir de maintenant, je suis libre de m'engager en politique » (1/4)

Publié le mercredi 25 mars 2015


Dimanche 15 mars 2015. « 6 h 15. Djibrill Bassolé va annoncer officiellement, ce dimanche matin, son départ de l'armée, dans le cadre de la présidentielle 2015 où il compte se porter candidat ». C'est lefaso.net qui diffuse, fort matinalement, cette information dominicale. « 8 h 27. Djibrill Bassolé a obtenu une disponibilité de deux ans de l'armée mais n'entend pas reprendre la tenue à la fin de cette période ». « 8 h 29. Désormais en congé de l'armée, Djibrill Bassolé va bientôt répondre aux jeunes qui l'appellent à s'engager pour la présidentielle de 2015 ».




Dans la foulée, Bassolé, général de gendarmerie, va tenir, ce même dimanche 15 mars 2015, un point de presse. « A partir de maintenant, a-t-il expliqué, je suis libre de m'engager en politique, d'exercer des fonctions politiques ou internationales ». Une déclaration-proclamation qui pouvait étonner dès lors que, dès 1999, il a appartenu au gouvernement. C'était l'objet de sa mise au point. En 1999, il est effectivement détaché de l'armée. « Depuis 16 ans, j'assume des fonctions politiques, internationales, et je n'exerce aucun commandement militaire ». Mais avec la chute du régime de Blaise Compaoré son détachement a pris fin.


Au lendemain des événements des 30-31 octobre 2014, il va donc se rendre en Arabie saoudite où se trouve le siège de l'Organisation de la coopération islamique (OCI) qui va « l'employer […] en tant qu'envoyé spécial dans le Sahel ». Il s'agissait, dès lors, de régulariser sa situation vis-à-vis de l'armée. C'est pourquoi un décret de mise en disponibilité a été adopté. Une disponibilité de deux ans à compter du 10 février 2015. Mais il ajoute aussitôt : « En réalité comme je le dis, ce n'est qu'une formalité. Je n'ai plus de lien avec le commandement de l'armée. Je ne suis plus dans la chaîne de commandement ». Il précise également : « En réalité, je ne suis plus apte à revenir dans les rangs pour exercer les fonctions de commandement ». Il est donc « clair », précise-t-il, qu'au-delà des deux ans, il ne reviendra pas dans l'armée.


Reste la finalité de cette « simple régularisation ». Il ne s'agit pas seulement d'être « employé » par l'OCI, il s'agit aussi d'avoir « la possibilité désormais de [s'] engager en politique ». Autrement dit de « donner une réponse prochainement à l'appel des jeunes qui veulent que je sois candidat à l'élection présidentielle ». Que Bassolé soit candidat à la présidentielle 2015 ne saurait étonner. Dans les milieux de la diplomatie française, il y a longtemps que cette option est affichée. Bien avant la chute de Compaoré. Et au lendemain des événements des 30-31 octobre 2014, beaucoup pensaient qu'il était l'homme-clé de la situation* : il avait été épargné par les « insurgés »** ; il avait permis « d'éviter un bain de sang » (ce qui lui vaudra d'être traité de « judas » par certains commentateurs) ; il conseillera utilement ses amis du RSP comme de l'état-major sur la ligne (de modération) à suivre…


L'AFP, dans une dépêche en date du vendredi 13 mars 2015, évoquant « une opération de reconquête » des « ex-barons du régime du président Blaise Compaoré », note que « cet homme posé […] a de réelles chances de victoire, selon plusieurs observateurs ».


Il est donc acquis, ce qui ne saurait surprendre, que Bassolé sera candidat à la prochaine présidentielle. Reste à savoir dans quel cadre. Il réfute l'idée, qui ne serait pas « politiquement correcte » et « ne veut absolument rien dire » souligne-t-il, d'être le candidat de l'armée même s'il souligne qu'il s'est entretenu avec ses « compagnons d'armes » et la « hiérarchie militaire » de son « projet » ; il ajoute : « Il n'y a pas d'hostilité, il n'y a pas d'objection ». En fait, au Burkina Faso, sa candidature est depuis plusieurs mois réclamée par des groupements de jeunes.


Le dimanche 11 janvier 2015, ils ont organisé un premier meeting à la Maison du Peuple, à Ouagadougou. Bassolé y était présenté comme un « homme d'Etat pas un politicien », « un homme à qui les bailleurs de fonds font confiance », « un homme pétri d'expérience qui a une réputation nationale et internationale », « l'homme de la situation », « l'homme qui a 13 décorations à son actif », « l'homme qui a empêché de tirer sur le peuple les 30-31 octobre 2014 », « l'homme de la force tranquille ». 753 associations, aux dires des organisateurs de cette manifestation d'ampleur, seraient à l'origine de cet appel


Onze jours plus tard, le jeudi 22 janvier 2015, dans un long entretien avec Cyriaque Paré, son ancien directeur de la communication et patron du site lefaso.net, Bassolé va clarifier sa position en dix points. 1 – « Je suis naturellement très touché par la mobilisation et l'appel de ces jeunes ».

2 – « Je dois m'assurer que ma candidature fédère les Burkinabè et répond aux réelles aspirations de changement manifestées par le peuple et sa jeunesse en particulier ».

3 – Compaoré a « commis une erreur d'appréciation politique quant au projet de révision de l'article 37 de notre Constitution ».

4 – « Je ne renierai pas le travail abattu avec lui au nom d'un idéal de progrès que nous partagions ».

5 – « Il m'est possible à présent de faire évoluer la conception même du pouvoir d'un Etat moderne afin que les gouvernants soient toujours en phase et en parfaite harmonie avec les aspirations des administrés dans leurs occupations et préoccupations de tous les jours ».

6 – « Il est impératif que le fonctionnement des formations politiques et associatives soient régi par des règles démocratiques et transparentes afin d'accroître la solidité et la crédibilité des institutions républicaines ». 7 – « Ma carrière est désormais politique ».

8 – « Les épreuves que nous avons vécues [au sein du CDP, ex-parti présidentiel] ne peuvent détériorer la qualité de nos relations. Il faut simplement se remettre en cause, moderniser le mode de gestion du parti et reconquérir l'estime et la confiance de la jeunesse ».

9 – « Ce sont les putschs et les coups d'Etat qui portent les militaires au pouvoir qui sont à proscrire. Le militaire qui désire entreprendre une carrière politique en respectant la légalité républicaine devrait être plutôt encouragé ». 10 – « Je militerai […] en faveur de la participation effective des Burkinabè de la diaspora, compte tenu de leur profonde aspiration à s'impliquer dans toutes les actions concernant la vie de la nation ».


Dans cet entretien, Bassolé sera également interrogé sur les questions qui dérangent : il n'est pas de l'ethnie Mossi (majoritaire au Burkina Faso) ; il est franc-maçon ; son parcours au temps de la « Révolution » est parfois suspect.


* Le site ivoirien Fratmat.info, le dimanche 2 novembre 2014, citant une source diplomatique à Abidjan, écrivait que « le général de gendarmerie Djibrill Bassolé semble être la personne idéale pour conduire une transition civile à l'heure actuelle au Burkina Faso ».


** Au matin du lundi 3 novembre 2014, alors que les résidences des « élites » du régime déchu étaient mises à sac et que leurs occupants devaient trouver refuge dans les camps militaires, Djibrill Bassolé me disait que les manifestants avaient été « indulgents » à son égard ; il me disait aussi qu'il s'activait en faveur d'une résolution rapide de la crise de succession, qui devait être impérativement confiée, selon lui, à un civil afin de remettre l'activité économique du pays sur les rails (cf. LDD Burkina Faso 0442/Mardi 4 novembre 2014).


Dans un entretien avec lefaso.net (jeudi 22 janvier 2015), il dira avoir été « amené à revêtir l'uniforme et à travailler intensément avec ses compagnons d'armes pour trouver une solution de sortie de crise qui préserve la paix et la cohésion au sein de l'armée […] J'ai bien volontiers mis mon expérience de gendarme et de médiateur à profit pour trouver les solutions d'apaisement et de sortie de crise […] J'ai plutôt joué un rôle de conseiller pour aider au rétablissement de l'ordre républicain et de la paix sociale […] Il fallait aussi préserver la cohésion au sein des Forces armées, en particulier entre le RSP et les autres composantes de notre Armée nationale qui, dans une situation de déficit de communication, auraient pu s'affronter ».


Jean-Pierre BEJOT

La Dépêche Diplomtique





via leFaso.net, l'actualité au Burkina Faso http://ift.tt/1GjRe5A