Lettre d'un Martyr à sa Mère : "NE PLEURE PAS MAMAN ! "

Publié le dimanche 9 novembre 2014


Les images de corps sans vie des martyrs tombés au cours de notre insurrection populaire me hantent ! Je fais mienne la douleur des familles particulièrement celle des mères. Malheureusement, il me manque les mots justes pour consoler nos mères et ma plume manque d'adjectifs pour rendre hommage à ces dignes fils du Faso. Mon seul exutoire reste les poèmes et hymnes comme celui du palestinien Ziad Medoukh : « Ne pleure pas Maman si je tombe en Martyr »… Si j'étais martyr, voici la lettre que j'aurai aimé adresser à Mère !




Chère Mère, M'Ma, Né Bâ, In'Na ham,


Tu es mon ange et mon soutien, avec toutes les mères vous êtes Lumière du Pays des Hommes intègres. Les attaques sanglantes du dictateur assoiffé de pouvoir, accompagné de sa horde de courtisans aveugles nous ont fait vivre des journées tachées de sang les 30 et 31 octobre 2014. Ce tyran qui a semé partout la terreur sous les yeux d'un monde complice par son silence a mis le feu au pays par ses velléités de modifier notre loi sacrée ces derniers mois. Tu as du entendre depuis ta case aux confins du Burkina la colère sourde de la population. Du caractère pacifique de nos marches, notre "Homme Fort" se délectait jusqu'au jour fatidique du sacrifice de notre Teng-Kugri. La colère s'est transformée en révolte populaire faisant de chaque Burkinabè une cible ; sans le savoir ton fils était un futur martyr !


M'Ma, toi mon rayon du soleil, ma reine drapée de loyauté : JE SUIS TOMBE EN MARTYR ! Saches que je suis parti pour une cause noble, je me suis sacrifié pour la Patrie. Cette fière Volta de nos aïeuls devenu le Pays des Hommes intègres avait besoin de mon sang pour se purifier. Mon sang a été versé pour que les bons ne soient plus tués et brûlés, pour que les innocents ne soient plus sacrifiés sur des autels occultes, pour que le deuil sacré des veuves ne soit plus violé. Le Faso avait besoin de mon sang pour retrouver sa LIBERTE et sa DIGNITE !


Né Bâ, sois forte ! Je sais que ton cœur saigne. Je voudrais vivre plus longtemps, pour t'accompagner et te protéger jusqu'au crépuscule de ton âge. Je voudrais fêter avec toi notre victoire après ces longues années sombres. Je voudrais poursuivre le combat avec mon Peuple, mais la terre de nos ancêtres m'a appelé. Ô Mère, ne pleure pas, Souris ! Vers l'horizon lève les yeux, frémit aux accents tumultueux de tes fiers enfants tous dressés pour libérer la Patrie. Les vagues de cette révolte auréolées de notre sang ceindront bientôt le Faso d'un diadème triomphant. Sois fière de ton fils parti à cet âge où le bonheur fleurit ! Chaque goutte de sang des martyrs fertilisera la lutte héroïque de notre Peuple.


In'Na ham, sois courageuse ! Mes frères et sœurs ont besoin de toi pour être éduqués comme moi dans la tolérance et loin de la haine. Ne regarde point les vautours accompagnateurs du Père sacrificateur qui ont repris leur vol macabre au dessus de nos sangs frais. Pour biens et pouvoir, ils pleurent d'une voix lugubre sans repentance. Mère oppose à ce chant de morgue ton cantique maternel qui a su toujours calmer la colère. De ta lutte permanente sous le soleil brulant du Faso pour nourrir tes enfants, tu n'as eu que pour seule médaille les rides précoces creusées sur ton visage par un mal silencieux. Alors Mère, malgré le sang versé de tous ces morts qui luttaient les mains nues, apprends à mes frères et sœurs à être TOLERANTS, INTEGRES et DIGNES !


M'Ma, tu m'as enfanté dans la douleur au risque de ta vie dans une case. Souviens-toi de ce sacrifice et de toutes les autres privations. Né Bâ chérie, prépare une génération qui aime sa Patrie, une génération digne malgré les tentations funestes du pouvoir et de l'argent, une génération qui ne se nourrit pas de haine, une génération sans forbans drapés aux couleurs nationales aux mains trempées dans la compromission et le meurtre, bref une génération résistante et attachée à sa terre… Cette terre qui aperçoit l'horizon du bonheur tant espéré, l'horizon des premières lueurs annonciatrices de la LIBERTE et du PROGRES.


In'Na ham, le jour de mon enterrement, prend une poignée de terre de ma dernière demeure. De tes mains, tu fabriqueras une brique que tu apporteras pour la construction du "MONUMENT AUX MARTYRS D'OCTOBRE 2014". Ce sera notre lieu de rendez-vous ! En cette demeure, les MORTS NE SERONT JAMAIS MORTS ! Nos Esprits habiteront ce Temple où les générations futures viendront communier avec le passé. Nous y chanterons en chœur la 4ème strophe de l'hymne de la victoire le Ditanyè :

« Révolution populaire notre sève nourricière

Maternité immortelle du progrès à visage d'homme

Foyer éternel de démocratie consensuelle

Où enfin l'identité nationale a droit de cité

Où pour toujours l'injustice perd ses quartiers

Et où, des mains des bâtisseurs d'un monde radieux

Mûrissent partout les moissons de vœux patriotiques, brillent les soleils infinis de joie. »


Ma Mère/M'Ma/Né Bâ /In'Na ham tant aimée,


Lors des adieux, n'oublie pas de poser ta main douce sur mon front et ma joue afin que je respire. Fais-moi sentir une dernière fois ton odeur généreuse, la pureté de ton cœur, la beauté de ton âme. Je veux entendre ton cœur battre de tendresse et d'amour. Ô Mère, femme gracieuse aux larmes de joie de tendresse et de tristesse… Comme j'aimerais encore être près de toi !


Prie pour moi et tous les martyrs tombés afin que nous dormions en Paix !


Sois certaine Mère : LE BURKINA FASO VIVRA ! LE PEUPLE VAINCRA !


Marcel Daba BENGALY

bengalymd@yahoo.fr





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