Composition du Gouvernement ZIDA 1 : analyse critique

Publié le dimanche 30 novembre 2014


Beaucoup d'encres ont coulé depuis la composition du Gouvernement Zida 1. Numéro 1, parce que le 2 est attendu, sinon qu'il est imminent, étant donné qu'il y a un poste à occuper au niveau du Ministère de la culture, suite à la grogne populaire, grogne amplifiée par les critiques virulentes fusant sur autre membre du tout nouveau Gouvernement.




La présente analyse critique est partielle et vient juste en complément à d'autres faites par nos concitoyens et de pertinence indéniable. Elle touche le cumul des postes au sommet de l'Etat par le Président Michel Kafando et par le Premier Ministre Yacouba Isaac Zida, qui conforte sa position et son autorité en s'attribuant le Ministère de la défense. Certes, c'est connu ! La critique est plus facile, mais l'exercice et l'œuvre pratiques, encore plus difficiles, répondent à des logiques non toujours exposées sur la place publique ! Cependant, l'intention ici est d'user des droits démocratiques, pour exposer aussi un angle de lecture différent.


I. L'occupation du poste du Ministre des affaires étrangères par Michel Kafando, Président de la transition


En ce qui concerne le Président du Faso, il semble qu'il pouvait bien se passer du poste supplémentaire de Ministre des affaires étrangères pour certaines raisons.


En effet, l'un des principaux facteurs d'élimination de nombre de nos concitoyens selon les termes de la charte, c'est surtout les compétences et expériences pertinentes en matière de relations internationales. De ce point de vue, même l'un des concurrents sérieux du candidat Michel Kafando à l'époque, se trouvait buté à un obstacle de taille, en l'occurrence, Shérif Sy. Vu ce constat, dans une lettre publique de félicitation au nouveau Président, il était relevé la nécessaire priorité de promouvoir la formation et l'insertion des jeunes générations dans les carrières internationales pendant la transition et surtout après. Une priorité justifiée surtout par le fait que nous accusons au Burkina Faso, une faible performance en termes de nombre de professionnels internationaux par rapport à certains pays de la sous région (Lire lien : http://www.lefaso.net/spip.php?article61883 ). Je ne savais pas si bien le dire quand je parlais de cette priorité pendant la transition, au regard des multiples dossiers à traiter pendant ce court temps d'un an.


Cette période de transition - avec les multiples dossiers sensibles et inédits à traiter à l'international -, est belle aussi pour mettre en exercice une personne moins expérimentée, pour apprendre aux côté du Président, surtout en cette période aussi particulière et unique, dans la vie de notre nation. Cela ferait une expérience de plus pour un autre citoyen, et présenterait l'avantage de libérer davantage le Président de la Transition sur les dossiers principaux et du ressort direct de la Présidence. Même non revêtu du titre de Ministre des affaires étrangères, le Président a cette latitude de prendre en main les dossiers internationaux qu'il souhaite au regard de ses prérogatives. En outre, après cette période transition de seulement une année, l'actuel Président est appelé, à renouer avec le repos bien méritée que la retraite naguère amorcée, fait valoir. A ce titre, si l'on privilégie l'utile besoin de renforcement de capacité des jeunes générations, ce cumul à l'air plus superflu.


Cependant, nous restons optimistes à l'esprit, qu'hormis le poste de Ministre, pour le besoin de l'expérience et de l'apprentissage – des cadres de l'administration publiques seront au devant des choses et bien imprégnés dans les plus hautes sphères internationales, à l'instar d'un Ministre, - des dossiers gérés au titre du Ministère des affaires étrangères.


II. L'occupation du poste du Ministre de la défense nationale par Yacouba Isaac ZIDA, Premier Ministre


Comme s'il le savait bien avant, Ablassé Ouédraogo, dans une interview, se montrait très tôt favorable à cette option. Pour ma part, je marque une grande adhésion au cumul des postes de Premier Ministre et de Ministre de la défense par le Lieutenant-colonel Yacouba Isaac ZIDA, pourvu que ce cumul serve utilement à faire des réformes majeures au sein de l'armée !


Nul besoin de rentrer dans le débat RSP et reste de l'armée qui a été fortement alimenté ces derniers temps. Le cumul de poste, se justifie avec pertinence par l'urgente nécessité de maintenir l'unité de l'armée par un commandement unique au sommet de l'Etat ! Etant donné que l'ancien Président Blaise Compaoré cumulait le poste de la défense avec celui de chef de l'Etat, il serait probablement moins habile de changer cet ordre des choses en cours depuis 2011, surtout avec un corps aussi sensible, voire irascible comme l'Armée. Au-delà de l'Armée, ce besoin d'ordre est aussi présent dans la société politique et civile pour préserver l'autorité de l'Etat.


Par ailleurs, trop de fléaux présents à nos portes, peuvent sévèrement mettre à rude épreuve notre défense et notre sécurité nationales. A côté de l'épidémie d'Ebola sévissant dans la sous-région - dont le Mali voisin -, et qui peut déstructurer toute l'économie et la sécurité nationale, des pays assez puissants militairement dans la sous-région comme le Nigéria rencontrent mille et un ennuis avec le « djihadisme » et le terrorisme interne et transfrontalier. Ces menaces nécessitent une armée unie et une certaine sérénité sécuritaire, qu'un commandement « unique » permet d'assurer plus habilement.


III. Invitation de l'exécutif pour des réformes démocratiques progressistes


La principale invitation à faire à Monsieur Zida ici est d'avoir un égard très poussé pour l'Histoire. Bon gré, mal gré, il est intimement lié à l'Histoire politique du Burkina Faso à jamais même s'il prend sa retraite aujourd'hui même ! Comment bien s'illustrer démocratiquement et sortir la tête haute ? Seule cette question demeure la haute équation ! Disposant de pouvoirs significatifs pour orienter le cours de l'Histoire politique et démocratique burkinabè, on ne saurait nier qu'il n'a pas d'atouts. Mais ces atouts seuls ne suffisent pas ! Il faut une volonté forte de changement ! Et la principale garantie de ce changement proviendra surtout de l'équipe de conseillers autour de Premier Ministre. Ces conseillers doivent appartenir à différents bords et surtout connus pour leurs attachements aux valeurs démocratiques et à l'intérêt général ! Au-delà de ce collège de conseillers diversifiés et non suivistes, il importe que le Premier Ministre institutionnalise des sessions de dialogues périodiques ( 1 session tous les 2 mois, soit au moins 6 pour la période de la transition) avec l'ensemble de la classe politique sur les grandes questions pour anticiper sur d'éventuelles dérives.


L'orientation que le peuple burkinabè veut à ce cours de l'Histoire nationale, c'est d'instaurer une démocratie réelle sans fard, de sorte que notre pays soit cité comme modèle, comme pôle démocratique dans la sous-région. François Hollande n'a pas manqué de citer en exemple l'enseignement inédit donné par le Peuple burkinabè à toute la planète ! Les burkinabè aujourd'hui sont fatigués d'être chaque fois cités à la queue des rangs dans différents domaines. Nous disposons de beaucoup d'atouts pour réussir cette option parce que nous avons la chance, - à la différence d'autres pays, d'avoir renvoyé l'ancien Président par une insurrection populaire et non par un coup d'Etat militaire, - un coup d'Etat militaire présentant l'inconvénient d'amener les autorités de transition militaires à tourner en rond pour raison de garantie de leurs propres sécurités !


La PRINCIPALE REFORME est d'ordre mental et idéologique !


Il faut travailler à faire comprendre à tous, corps policier, militaire et civil que les armes ne sont aucunement déterminants pour l'accession au pouvoir et que les coups d'Etat militaires sont à jamais bannis dans notre pays comme c'est le cas dans les pays développés comme les USA. Si les coups d'Etat sont inimaginables aujourd'hui aux USA, ce n'est point parce que les américains sont des surhommes ! Nous sommes tous de la même civilisation contemporaine ! Et s'ils sont arrivés à ce niveau de démocratie, c'est parce des personnes comme toi lecteur, moi et un tiers, ont accepté renoncé à la facilité, à la force brutale et ont fait violence sur eux-mêmes ! Une attitude à l'instar du bon garçon, tenu à la retenue devant la femme de quelqu'un dans certaines tenues et aussi dans certaines circonstances, pour préserver l'ordre public.


A ce titre, je fais une proposition ici. Pour l'occupation certains postes de responsabilités pendant la transition, même s'ils sont politiques, il est souhaitable qu'une proportion soit ouverte à concurrence de façon transparente, pour des compétitions sur le critère de compétences. La vertu de cette mesure est de permettre aussi aux citoyens qui n'ont pas la chance de connaître des personnalités au sommet, de faire valoir équitablement - comme le prescrivent nos textes fondamentaux (Constitution et Charte de transition) – leurs compétences dans une certaines marge. Cette mesure crée l'impression au Peuple d'être vraiment impliqué dans la gestion du pouvoir au plus haut niveau. Ce sont les interrogations sur de telles ouvertures qui peuvent justifier certaines appréhensions chez le citoyen. A ce sujet, l'appréhension exprimée dans la récente tribune de Monsieur Abdoul Karim Sango est assez révélatrice ( lien : http://www.lefaso.net/spip.php?article61960 ).


Pour terminer, la suite de cette tribune devrait consacrer avec justification, la reconnaissance de la qualité de « DEMOCRATE FORT » (mieux que « homme fort » simplement) à certains acteurs de la scène politique qui se sont brillamment illustrés selon les canons de la démocratie au cours d'un temps de référence donné (le Peuple Burkinabè dans son ensemble, Zida et son équipe dans la transition première (1), etc.). (Lire lien : http://burkina24.com/2014/10/15/analyse-les-institutions-fortes-et-les-hommes-forts-dobama/) .


Vivement donc, que chaque acteur politique (civil, militaire, parti politique ou OSC) soigne davantage et durablement ses actes publics dans le sens de l'intérêt général, pour conforter ses mérites démocratiques !

Ouagadougou, le 30 novembre 2014.


Idrissa DIARRA

Géographe, politologue.

Membre-fondateur du Mouvement de la

Génération Consciente du Faso (MGC/F).

Mobile : (+226) 66 95 04 90

Courriel : diarra.idrissa@rocketmail.com





via leFaso.net, l'actualité au Burkina Faso http://www.lefaso.net/spip.php?article62055