Bissighin : De l’art dans un bas-fond

Publié le lundi 9 novembre 2015

« Réinventer la ville » est une plateforme d’échange sur la question de l’art dans l’espace public. Fruit de la coopération de l’institut français et l’institut allemand Goethe, l’exposition s’est délocalisée sur un site inhabituel, un bas-fond dans le quartier de Bissighin à Ouagadougou. Les expositions des artistes français, allemands et burkinabè, ce vendredi 6 novembre 2015 n’ont pas laissé indifférente la population sortie pour contempler leurs œuvres.

Après trois semaines de travail, les artistes ont donné à voir à la population de Bissighin des toiles, des œuvres d’accumulation d’objets de récupération, des installations faites d’objets usuels.

Le fait qui marque le plus dans cette découverte est le lieu de l’exposition, un «bas-fond », un trou où les habitants du quartier creusent la terre pour la confection de briques.

C’est un choix délibéré, selon Tekla Ambara Wortch, responsable de l’institut allemand. « On a cherché un lieu qui n’est pas au centre de la ville, un lieu qui n’est pas utilisé à tout moment. C’était aussi le souhait des artistes d’aller dans un lieu défavorisé, un quartier non loti. C’est une manière de travailler tout en discutant avec la population».

Cette exposition qui sort du cadre habituel des artistes est pour eux une manière de se rapprocher des populations et les artistes disent apprécier le site et la collaboration des habitants.

« J’ai fait une installation avec les sceaux. C’est pour rendre un hommage aux femmes. A côté du site il y a une fontaine et toutes les femmes pendant nos semaines de travail ici se regroupaient là. J’ai été marqué par la scène où les femmes portaient le sceau sur la tête.

Le fait d’être là nous amène vers les gens et ça les permet de nous côtoyer et de savoir que ce que nous faisons n’est pas sorcier. Ce sont les objets familiers que nous utilisons », explique Abou Sidibé, sculpteur.

Une des oeuvres exposées

Une des oeuvres exposées

Si certains habitants apprécient d’autres par contre ont une satisfaction mitigée. L’exposition plait à la vue mais elle aura perturbé le travail sur le site.

« Nous sommes contentes de leur exposition mais nous ne sommes pas si contentes parce que ça ralentit notre travail. S’ils nous avaient trouvé autre chose à faire en lieu et place de leurs œuvres, on sera contente », dit Kaboré Salamata, occupante du site.

Elle en profite d’ailleurs pour faire une autre exposition, tout aussi digne d’intérêt : sa vie dans le bas-fond.

« Mon mari est décédé depuis 19 ans me laissant avec des enfants en bas âge, raconte-t-elle. Ne sachant pas quoi faire je me suis retrouvée avec les hommes dans le bas-fond à fabriquer les briques en argile. J’étais la première femme. Les autres se moquaient de moi mais aujourd’hui, nombreuses sont les femmes qui m’ont rejoint et on a même une association des femmes qui confectionnent les briques ».

Cependant, rassure Marine Leloup responsable de l’institut français, ces installations sont éphémères et les habitants pourront s’emparer des objets usuels après l’exposition.

Revelyn SOME

Burkina24


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