Dysfonctionnements dans la gestion du Ppea 2 : Les Pays-Bas, atterrés, menacent (Barthélémy Kassa confondu dans ses propos)
Le conseil extraordinaire des ministres du jeudi 23 juillet 2015 a connu des conclusions du rapport de l’audit international d’investigation du Ppea2 conduit par le cabinet Kroll. Selon le communiqué du conseil des ministres, il y a eu «des dysfonctionnements graves de l’Administration et une implication directe et active de certains fonctionnaires caractérisée par un système de fractionnement des marchés et des violations graves et répétées des règles d’exécution des dépenses publiques. Un vaste réseau de fraude qui a permis de détourner des fonds de la Direction Générale de l’Eau notamment du Ppea 2 de l’ordre de plusieurs milliards de francs Cfa au préjudice du Trésor public et du bailleur en un temps record dont 2,6 milliards de Francs Cfa dans le cadre du Ppea 2 et 5 milliards au niveau de plusieurs ministères, le tout de l’ordre de 8 milliards… ». Ce qui vient confirmer les conclusions du premier audit réalisé sur le même dossier. A travers un communiqué de presse, la ministre néerlandaise du Commerce Extérieur et de la Coopération au Développement, SEM Lilianne Ploumen, «se dit préoccupée par la gravité des faits révélés…». A l’époque, contraint à la démission parce que ministre de l’eau, Barthélémy Kassa, avait, dans une déclaration faite à l’Assemblée nationale, tenté de mettre en doute les conclusions du premier audit. En plus, il a semblé accuser ceux qui relaient cette vaste fraude de détruire leur pays. Aujourd’hui, les conclusions du rapport du Cabinet Kroll disent clairement que l’honorable Kassa, à l’époque ministre de l’eau, était informé des faits. Maintenant que les responsabilités sont situées, les Pays-Bas veulent voir le gouvernement béninois prendre les sanctions qui conviennent, un préalable pour décider de la suite des relations entre le Bénin et la Hollande. «Sur la base de l’évaluation de ces mesures proposées et aussi des actions déjà entreprises ainsi que leur suite, Madame Ploumen décidera du futur des relations dans le domaine de la coopération entre nos deux pays », avertit le partenaire hollandais. Pour la manifestation de la vérité et pour sauver les relations bénino-hollandaise, ce qu’a poussé Barthélémy Kassa à démissionner de son poste de ministre, va-t-il cette fois-ci faire de même pour son poste parlementaire ?
Communiqué du Conseil des ministres du 23 juillet 2015
«Le Conseil des ministres s’est réuni en séance extraordinaire, le jeudi 23 Juillet 2015 sous la présidence effective du Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement. Au cours de la séance, le Conseil des Ministres a pris connaissance des conclusions de l’audit d’investigation du PPEA 2 conduit par le Cabinet Kroll de renommée internationale choisi de concert par le Bénin et la Hollande. Il ressort de ce rapport, des dysfonctionnements graves de l’Administration et une implication directe et active de certains fonctionnaires caractérisée par un système de fractionnement des marchés et des violations graves et répétées des règles d’exécution des dépenses publiques. Un vaste réseau de fraude qui a permis de détourner des fonds de la Direction Générale de l’Eau notamment du PPEA 2 de l’ordre de plusieurs milliards de francs Cfa au préjudice du Trésor public et du bailleur en un temps record dont 2,6 milliards de Francs Cfa dans le cadre du PPEA 2 et 5 milliards au niveau de plusieurs ministères, le tout de l’ordre de 8 milliards, exclusivement par les sieurs, Rémy Codo du Couffo et Rock Sarè Niéri, beau-frère de Olivier Boco. Ainsi, le rapport a permis d’identifier les auteurs de ces détournements à savoir les deux opérateurs économiques Rémy Codo et Rock Niéri. En outre, le rapport a conclu à :
- des marchés fictifs sans objet réel
- un réseau de sociétés écran qui a permis de recevoir les fonds publics détournés
- des marchés de travaux attribués dans des conditions irrégulières à des sociétés écran,
- le recours à des sociétés ad’hoc de création récente pour répondre aux consultations restreintes en deçà des seuils d’appel d’offre
- des lignes de crédit autres que celles de la Direction Générale de l’Eau et du PPEA 2 ont également fait l’objet de détournement.
- des défaillances des corps de contrôle de l’Etat
- un système d’alerte bancaire et de déclarations de soupçons insuffisants
Au titre des responsables impliqués à des degrés divers, le rapport a cité :
- l’ex-ministre en charge de l’Energie, des Recherches Pétrolières et minières, de l’Eau et du Développement des Energies Renouvelables
- le Directeur de Cabinet du ministre en charge de l’Eau
- le Directeur de la Programmation et de la Prospective du ministère de l’Eau
- la Directrice des Ressources Financières et Matérielles du ministère et certains de ses collaborateurs
- le Directeur Général de l’Eau
- le Délégué du Contrôleur financier auprès dudit ministère et certains de ses collaborateurs
- le Coordonnateur du Programme PPEA 2 et son adjoint
- le Directeur administratif et financier du Programme PPEA 2
- le Chef Comptable
- le Chef du Service matériel et logistique et certains opérateurs économiques.
A la suite de l’examen du rapport, les mesures et recommandations ci-après ont été retenues et sont en cours d’exécution. Il s’agit notamment de :
1- Geler tout décaissement au profit du ministère de l’Eau
2- Créer la Cellule technique de suivi de l’exécution des accords et contrats publics
3- Renforcer les capacités des délégués du Contrôleur financier
4- Instaurer l’avis de non-objection où il sera désormais fait obligation à tout ministre sollicitant une réallocation des ressources portant sur un financement extérieur de joindre l’avis de non-objection du bailleur.
5- Evaluer des réformes en cours au niveau du Ministère chargé des finances
6- Renforcer l’Inspection générale des finances
7- Faire conduire un audit systématique des biens, services et forages censés avoir été fournis, exécutés par la Direction Générale de l’Eau en 2014 et 2015.
Des fonctionnaires responsables interrogés ont en effet été incapables de produire les éléments permettant d’établir la matérialité des biens livrés et des prestations effectuées.
8- Renforcer l’indépendance des inspections générales de la tutelle des ministres. Indépendance qui va de pair avec le renforcement de leurs moyens d’actions techniques, humains et matériels
9- Instituer un parquet financier indépendant chargé de la lutte contre la délinquance économique et financière.
Eu égard à la gravité des faits relevés dans le rapport, le Conseil des ministres a :
1- A l’endroit de l’ex-ministre en charge de l’Eau, Barthélémy Kassa pour lequel le Cabinet a relevé qu’il était informé de la fraude orchestrée sans avoir réagi. Mais il souligne qu’aucun flux financier n’a été repéré au profit du ministre. Cependant le ministre est invité à se soumettre aux procédures constitutionnelles visant à la manifestation de la vérité en raison de sa qualité de ministre au moment des faits, en occurrence la Haute Cour de Justice, structures habilité à écouter les personnalités de son rang puisqu’il continue de nier les faits qui lui sont reprochés par le Cabinet qui serait en possession d’information échangée entre lui et ses agents incriminés.
2- A l’endroit des opérateurs économiques, décidé de leur radiation pure et simple de la chaîne de passation et du bénéfice des marchés publics au Bénin au terme des procédures conformément à la loi.
3- A l’endroit des responsables et agents du ministère en charge de l’Eau au nombre d’une dizaine, donné les instructions au ministre en charge de l’Eau aux fins de les suspendre immédiatement de leurs fonctions respectives
4- Instruit le ministre en charge de la fonction publique à prendre les dispositions urgentes conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur en vue de la radiation immédiate des agents et responsables mis en cause
5- Instruit le Garde des Sceaux, ministre de la justice, de la législation et des droits de l’homme à faire engager les poursuites judiciaires appropriées en vue des sanctions pénales et de remboursement des sommes détournées.
Le Conseil des Ministres saisit cette opportunité pour réaffirmer sa détermination à mettre en œuvre les recommandations contenues dans le rapport en vue de l’amélioration du système d’exécution des dépenses publiques ; à prendre les mesures nécessaires en vue du renforcement de la coopération entre le Bénin et les Pays-Bas. C’est le lieu d’insister sur la nécessité de combattre l’impunité et la corruption qui ont droit de cité dans notre pays depuis des décennies. Elles expliquent tous ces dysfonctionnements que le gouvernement actuel s’emploie à mettre en exergue en raison de son option de la transparence dans la gestion des affaires de l’Etat. Dans cet effort, le gouvernement doit pouvoir compter sur la justice dont le rôle dans la lutte contre la corruption pour mettre fin à l’impunité est central. Le gouvernement est déterminé à tout mettre en œuvre, y compris les réformes de tout la chaîne de contrôle, en vue de gagner ce combat tant il est vrai que sans la fin de la corruption et de l’impunité, il ne saurait être question de recul de la pauvreté, encore moins de son élimination.
Fait à Cotonou, le 23 Juillet 2015.
Le Secrétaire Général du Gouvernement
COMMUNIQUE DE PRESSE de l’AMBASSADE DU ROYAUME DES PAYS-BAS A COTONOU
Dans le cadre de l’affaire des malversations financières révélées dans le dossier PPEA II, le Gouvernement Béninois a commandité, sur demande des Pays-Bas, un audit d’investigation pour situer les responsabilités à divers niveaux dans ce dossier.
Selon le communiqué du gouvernement, ce rapport présenté par un cabinet de renommée internationale, stipule que les malversations financières sont beaucoup plus larges qu’initialement estimées par le rapport du cabinet FCG. Il ressort que les détournements ne concernent pas uniquement les fonds néerlandais mais aussi d’autres sources de financement dont le Budget National.
L’ancien Ministre de l’Eau Barthélémy Dahoga Kassa, des fonctionnaires, des responsables du PPEA-II ainsi que des entreprises sont cités comme ayant eu connaissance ou pris activement part à un vaste système de détournement des deniers publics, selon ce rapport d’audit présenté au gouvernement par les auditeurs internationaux.
La Ministre néerlandaise du Commerce Extérieur et de la Coopération au Développement, SEM Lilianne Ploumen, se félicite de la qualité du rapport mais se dit préoccupée par la gravité des faits révélés. Madame Ploumen apprécie de la volonté du gouvernement, à travers son communiqué, d’œuvrer au bon aboutissement du processus et s’attaquer structurellement au fléau de la mauvaise gouvernance et dans un souci de lutte contre l’impunité. La conduite à terme de cette investigation indépendante, la création du Bureau de l’Auditeur Général ainsi que les différentes mesures administratives et judiciaires annoncées y inclus celles devant la Haute Cour de Justice, constituent un début de solution utile dans ce sens selon Madame Ploumen.
Les Pays-Bas recevront dans les prochaines semaines, sur la base d’une analyse profonde du rapport d’audit, des propositions détaillés du gouvernement Béninois en vue d’éviter dans le futur de nouvelles malversations, et d’assurer que la population bénéficie des fonds qui lui sont destinés.
Sur la base de l’évaluation de ces mesures proposées et aussi des actions déjà entreprises ainsi que leur suite, Madame Ploumen décidera du futur des relations dans le domaine de la coopération entre nos deux pays.
Fait à Cotonou le 25 juillet 2015
Jos van Aggelen, Ambassadeur
Déclaration de Barthélémy Kassa au sujet des fraudes du Ppea 2
«… Nous, nous sommes tenus de garder le silence, de ne parler simplement au nom de la République. Vous savez très bien qu’un Ministre ne gère pas un projet. Il s’agit d’un résultat d’audit à l’issue duquel il y a eu des sanctions qui ont été prononcées à l’endroit de l’Etat béninois. Que l’audit soit contesté ou pas, là n’est pas la question parce qu’au moment où la réfutation de l’audit se posait, la plupart des responsables en charge du dossier étaient en campagne électorale. Est-ce que ceux qui ont répondu aux questions de l’auditeur étaient qualifiés pour ? Je ne saurais le dire. Mais une chose est sûre, il y a un audit international qui est commandité pour faire toute la lumière sur cette affaire. Mais avant ça, il faut reconnaître que du moment où des sanctions ont été prises à l’encontre du Bénin, il fallait que nous puissions prendre nos responsabilités. Est-ce que c’est notre personne qui est au-dessus du pays ? Pour montrer l’amour que nous avons pour cette patrie, nous avons décidé tout simplement de démissionner pour que les partenaires qui ont pris des sanctions contre le Bénin puissent voir que nous sommes de bonne foi. Lorsque nous disons que nous ne sommes pas impliqués dans la gestion du dossier, on doit le matérialiser à travers un certain nombre d’actes et c’est ça qui a été fait. Ce que les gens qualifient de détournement massif et que vous vous employez à relayer sur toutes les chaînes, sans savoir que c’est votre pays que vous détruisez, je vais vous dire de quoi il s’agit. Il s’agit simplement du fait d’avoir décidé de donner de l’eau et de faire des forages en lieu et place des matériels et des mobiliers de bureau. En ce qui concerne l’opportunité de ce projet qui est prévu, un coordonnateur dit que conformément à son Plan de travail annuel (Pta) et au regard de l’ampleur de la pénurie d’eau, il préfère réaliser des forages d’eau. C’est ça qui est qualifié de détournement. Personne ne s’est demandé si les forages sont réalisés ou pas. J’ai entendu beaucoup de personnes dire qu’ils ont mis dans leurs poches, l’argent qui est prévu pour réaliser des forages d’eau. Pensez-vous que l’argent du Blanc se vole comme ça ? Il faut que nous puissions savoir raison garder. Le pays nous appartient à nous tous. Où que nous soyons, que nous soyons cireurs de chaussures, maçons, acteurs politiques, ou hauts responsables administratifs, nous devons savoir que notre comportement doit toujours faire avancer le pays. Si nous n’avons pas conscience de cela, alors, nous sommes des pécheurs. Lorsqu’on se retient de parler pour la crédibilité de son pays, cela ne signifie pas qu’on se reproche quelque chose. On ne se reproche rien du tout. Lorsqu’on situe les responsabilités et qu’on dise que c’est un coordonnateur, pensez-vous qu’un ministre puisse gérer un projet à la place d’un coordonnateur ? Il faut être grand d’esprit. Nous devons refuser de nous faire gouverner par la rue. C’est très dangereux. Si vous n’essayez pas de corriger et de dire exactement ce que les textes doivent dire, nos comportements doivent respecter nos textes. Chacun d’entre nous est appelé à diriger notre pays. Vous serez ministre demain. Et je prie pour vous. Voilà pourquoi il y a des bornes qu’il ne faut pas dépasser… »
La rédaction
Les incongruités du communiqué du Conseil des ministres
Des incongruités, il y en a bien dans le communiqué du Conseil extraordinaire des ministres du jeudi 23 juillet 2015 qui a pris connaissance des conclusions de l’audit du cabinet Kroll sur le dossier Ppea 2. Au sujet du ministre de tutelle à l’époque des faits, Barthélémy Kassa, le Cabinet, selon le conseil des ministres, a relevé qu’il était informé de la fraude orchestrée sans avoir réagi. C’est alors que le conseil des ministres l’invite « à se soumettre aux procédures constitutionnelles visant à la manifestation de la vérité en raison de sa qualité de ministre au moment des faits, en occurrence la Haute Cour de Justice, structure habilité à écouter les personnalités de son rang puisqu’il continue de nier les faits qui lui sont reprochés par le Cabinet qui serait en possession d’information échangée entre lui et ses agents incriminés ». Et c’est là où se situe la première incongruité. Pourquoi dire que le ministre Kassa devra se soumettre aux procédures constitutionnelles alors que dans d’autres cas similaires, le gouvernement s’était empressé de procéder autrement ! En effet, on se souvient que le gouvernement de Yayi, toujours pour la manifestation de la vérité dans un dossier, avait écrit au président de l’Assemblée nationale, demandant la levée d’immunité de l’honorable Issa Salifou. Plus récent encore, dans le dossier Icc Services, le gouvernement a écrit au président de l’Assemblée nationale pour demander la levée de l’immunité de l’honorable Janvier Yahouédéhou. Pourquoi ne le fait-il pas pour Barthélémy Kassa ? Le gouvernement veut-il faire du deux poids, deux mesures ? Autre incongruité, c’est le nom de l’homme d’affaires béninois Olivier Boco, cité dans le communiqué du conseil des ministres, établissant un lien de parenté avec l’un de ceux qui auraient détourné les milliards. On sait que Olivier Boco était cité dans les dossiers de « tentatives d’empoisonnement et de coup d’Etat ». Est-ce que le gouvernement a cité le nom de ce dernier dans cette affaire de détournement, juste pour salir le nom d’Olivier Boco ? Malgré toutes les explications qu’on pourrait apporter, on a du mal à comprendre d’où est sorti ce nom dans un pareil dossier. Autrement, les liens de parenté étant ce qu’ils sont en Afrique, on finirait par associer tout le monde à une malversation commise par un parent, proche ou lointain. En tout cas, on se rend compte du vrai visage du gouvernement.
Athanase Dèwanou
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