Annexe à la Charte pour la Transition : Contribution d'un citoyen.

Publié le mercredi 19 novembre 2014


La révolution burkinabè du 30 Octobre, puisque ç'en est une, est grandiose. Ses ondes ont secoué jusqu'au delà même du Burkina. Les martyrs qui en sont tombés et beaucoup qui ont été meurtris dans leur chair et devant lesquels tout le pays se doit de s'incliner, ont tout motif d'être fiers.




Nous avons chassé un système pourri jusqu'à la moelle. Un système de clientélisme, de clans, de cynisme, de brimades, de crimes (économiques et de sang). Tout est à panser (les plaies), à repenser et à reconstruire. Tâchons de ne pas remplacer le système pourri Compaoré par un autre. A l'heure du 21ème siècle, à l'heure du Web 2.0, à l'heure du Giga, Tera, Peta,..où l'information réelle n'est plus l'apanage de quelques privilégiés, le peuple du Burkina, la jeunesse en tête ne sera plus enclin à accepter toute duperie. Le Président Zida l'a si bien dit. Une nouvelle page doit s'écrire. Le Président Kafando et les futurs gouvernants démocratiquement élus doivent en tenir compte dans leurs actions de tous les jours. C'est dans cette optique que modestement je viens apporter ma contribution au débat national à travers ces quelques propositions, pour aider à tourner la page.


1- Mise en œuvre d'un Impeachment civil et militaire.


Il ne s'agit en aucun cas d'une chasse aux sorcières. Cela doit répondre d'un Impeachment intelligent et pour le seul intérêt du pays, sans animosité et sans acrimonie. Un responsable reconnu unanimement de tous comme compétent, honnête, intègre et arrivé à ses responsabilités « es qualité » n'a aucune raison d'être inquiété sous prétexte qu'il a été nommé sous l‘ère Compaoré. Par contre toutes les nominations importantes qu'on pourrait soupçonner comme relevant du clientélisme, du népotisme et autre de l'entre-soi sont à scruter sérieusement à la loupe. Dans cette optique, une revue de certaines directions de services, d'organismes ou de sociétés est nécessaire, en vue de les conforter ou de procéder purement et simplement au remplacement de la classe dirigeante.


Il pourrait s'agir

o des grands corps de l'Etat, impôts, Trésor, Douanes, Mines, entités économiques et sociales, Audio-visuels, Médias, immobilier, foncier, travaux publiques, voiries, etc.

o de toutes les sociétés d'état et parapubliques vitales pour les populations (Eau, Energie, télécommunication,…)

o des conseils d'administrations où l'Etat est partie

o de certaines représentations dans des institutions internationales

o de certaines ambassades

o Mise en retraite d'office de certains officiers supérieurs militaires ayant participé de près à la gestion du pays depuis plus de 15 ans.


Encore une fois, il ne s'agit pas faire une chasse aux sorcières ou un règlement de comptes, mais de réparer des erreurs là où il y en a. Il ne s'agit pas non plus de substituer un système par un autre mais d'être efficace. « The right man (woman) to the right place ».


2- Vérité et Réconciliation.


Une commission sera créée. C'est un grand pas. Mais elle doit veiller à apaiser tous les cœurs et aplanir les rancœurs. Il est indispensable de passer par une justice véritable et impartiale. « Nous pouvons pardonner mais nous n'allons jamais oublier » C'est de Tiken Jah Fakoli. Vérité et réconciliation ne sont pas synonymes de règlement de compte, ni de vengeance, encore moins de chasse à l'homme. Elles doivent servir de leçon pour l'histoire afin que certaines choses ne se reproduisent plus jamais. Le pardon ne viendra qu'au bout des explications et éventuellement des condamnations si condamnation il doit y avoir.


Il faut donc avant toute chose procéder à l'ouverture ou à la réouverture de tous les grands dossiers ayant secoué le pays.

- Vérité sur l'assassinat du Président Sankara. Beaucoup d'entre nous et au-delà des frontières du Burkina attendent depuis 27 ans pour faire leur deuil.

- Vérité sur J.B. Lingani, H. Zongo et leurs compagnons.

- Vérité sur David Ouédraogo

- Vérité sur l'illustre Norbert Zongo

- Vérité sur le juge Nébié

- Vérité sur……la liste est longue

- Pour les crimes économiques, vérité sur les gros dossiers enfouis et qu'il faut exhumer. On nous dit que le Burkina pullule de milliardaires. Pour les hommes d'affaires, soit. Je suis sceptique pour les hommes politiques. Un calcul simple. Supposons, ceteris paribus, qu'un ministre gagne 2 millions par mois, il lui faut 40 ans pour fêter son premier milliard. Allons y jeter un coup d'œil.


3- Moralisation de la vie économique.


On ne saurait faire l'économie des propositions suivantes :

- Audit complet du fonctionnement de l'Etat et de toutes ces entreprises et organismes mentionnés au point 1.


- Audit complet des différents gros marchés publics passés dans les 15 dernières années et en tirer leçon pour plus d'efficacité et moins de complaisance ou de conflit d'intérêt.


- Audit complet des marchés et des entreprises miniers afin de dénoncer juridictionnelle ment tous les contrats dont certaines clauses s'avèreraient léonines, complaisantes, quitte à renégocier certains d'entre eux pour l'intérêt du Burkina.


- Pour les futurs marchés, s'assurer d'une transparence totale pour leur signature (Motivation, principe des quatre yeux, publication dans tous les médias les plus représentatives, etc.)


- Sur le plan économique pur, des cerveaux plus qualifiés que le mien ont leur mot à dire, mais tout burkinabè sait où se situent les priorités : une éducation de qualité (orientée vers les métiers), la santé, l'autosuffisance alimentaire et l'habitat (+eau +électricité) pas seulement pour les grandes villes, devraient être les piliers pour un vrai redémarrage et un réel contrat de confiance entre les gouvernants et le peuple.


- Enfin pour la lutte héroïque de tous les burkinabè et de sa jeunesse en particulier, l'érection d'un monument des martyrs du 30 octobre en hommage à ceux qui sont tombés pour la liberté et la démocratie serait un symbole fort pour dire plus jamais cela. Personnellement, je suis prêt comme beaucoup de burkinabè à y contribuer de quelque façon que ce soit : contribution financière ou aux travaux.


4- Moralisation de la vie Socio-Politique.


- Une publication exhaustive et officielle à la prise de fonction et en fin de mandat, des biens de tout nouveau membre dirigeant d'un corps de l'Etat (président, ministre, député, directeur, etc.)


- Mise en place d'un Observatoire d'Alerte et de Bonne Gouvernance composé de personnalités au-dessus de tout soupçon et issues de la société civile et ayant une grande liberté d'expression pour savoir tirer sur la sonnette d'alarme. C'est un complément nécessaire aux organes anti-corruption et aux médias libres. Le Président Zida devrait y avoir toute sa place.


- Mise en place d'une véritable Cellule anti-corruption avec un réel pouvoir, une indépendance certaine et des prérogatives d'action en matière judiciaire et de contrainte.


- Mise en place d'un statut officiel d'Ancien Chef de l'Etat avec les prérogatives et les avantages qu'il faut, comme par exemple la participation au Conseil Constitutionnel ou l'Observatoire d'Alerte ou à un Collège de Sages. Il ou elle ne bénéficiera de ce statut que s'il n y a eu aucune condamnation pour crime ou trahison. Le Président Zida devrait y avoir toute sa place.


- Une garantie sans entrave d'une justice libre et efficace avec une célérité spéciale pour toutes les poursuites concernant des crimes de sang, crimes économiques et atteinte à l'intégrité des institutions. Cela permettra au Burkina de retrouver le vrai sens du mot Burkina (Intégrité).


- Le symbolique ayant réellement son sens, débaptiser les lieux, voies ou bâtiments publics portant le nom de Blaise Compaoré. Les futures générations pourraient lui rendre hommage s'ils venaient à estimer l'existence de ce mérite pour lui. Un service indépendant au Ministère de Culture ou à la Primature ou autre pourrait être en charge de baptiser nos places, voies et bâtiments en se fondant sur des critères qui ne souffrent d'aucune contestation.


5- Rapprocher le pouvoir du peuple


D'aucuns diront que c'est encore symbolique, mais les symboles sont souvent lourds des sens. Il n'y a plus beaucoup de pays en dehors de l'Afrique où l'on vénère encore les hommes et femmes politiques et hommes et femmes d'état avec des titres honorifiques ronflants, pas toujours mérités et qui frisent souvent le ridicule.


Ainsi,

- à Honorable Député, Monsieur ou madame le (la) Député suffirait ;

- à Son Excellence Monsieur ou Madame le (la) Ministre, il suffirait de Monsieur ou Madame le (la) Ministre.

- On pourrait à la limite conserver le titre d'Excellence pour le Président et les Ambassadeurs qui représentent le Faso à l'extérieur.


En conclusion, comme je l'ai répété avec insistance, les burkinabè sont un peuple pacifique. Il ne s'agit donc pas de faire une chasse aux sorcières, mais tout simplement d'extirper le mal qui a rongé le pays pendant si longtemps, de lever cette chape de plomb et remettre le Burkina sur de bons rails au bénéfice de tous.


Kelsi Sawadogo

kelsawadogo@yahoo.fr





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