Exception d’inconstitutionnalité pour complicité de violence : Placide Azandé débouté par la Cour Constitutionnelle

Publié le jeudi 4 juin 2015

Le Préfet des départements de l’Atlantique et du Littoral a joué et a perdu dans le conflit qui l’oppose aux responsables de la Csa-Bénin, de la Cgtb, de la Cosi-Bénin, de la Cspib, de la Cstb qui l’ont traduit en justice. Même si le Président du Tribunal de Porto-Novo a violé l’article 5 de la Constitution, le Préfet Azandé devra répondre dans les jours à venir de ses actes pour complicité de violence sur les syndicalistes. La Cour Constitutionnelle par décision Dcc 15-108 a déclaré irrecevable sa requête. Voici l’intégralité de la décision.

La Cour constitutionnelle,

Saisie par la correspondance n° 092/PT-PN du 08 avril 2015 enregistrée à son secrétariat le 23 avril 2015 sous le numéro 0856/094/REC, par laquelle le président du tribunal de première Instance de première classe de Porto-Novo a fait tenir à la haute juridiction le jugement avant-dire-droit n° 028/1CD/2015 du 26 janvier 2015 relatif au dossier n° Port/2014/786 affaire MP c/ Placide AZANDE pour complicité de violences suite à l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par Monsieur Placide AZANDE ;

VUla Constitution du 11 décembre 1990 ;

VU la loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique                    sur la Cour constitutionnelle modifiée par la loi du 31 mai 2001 ;

VU le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle ;

Ensemble les pièces du dossier ;

Ouï Monsieur Akibou IBRAHIM G. en son rapport ;

Après en avoir délibéré,

 CONTENU DU RECOURS

Considérant quele juge Jean da SILVA, dans le jugement avant-dire-droit indique : « Par exploit de citation directe en date du 12 juin 2014, le nommé Placide AZANDE a été cité à comparaître devant le tribunal de première Instance de Porto-Novo statuant en matière correctionnelle (citation-directe) pour y être jugé conformément à la loi pour les faits de complicité de violences et voies de fait, délit prévu et puni par les articles 59, 60 et 311 du code pénal.

«… A l’audience du 02 février 2015, le prévenu a soulevé une exception d’inconstitutionnalité.»

… Aux termes de l’article 577 du code de procédure pénale : « Dans une affaire qui le concerne devant une juridiction, tout citoyen peut soulever l’exception d’inconstitutionnalité de la loi appelée à s’appliquer à l’espèce.

L’exception doit indiquer clairement le ou les articles de la loi incriminée avec à l’appui et par écrit l’exposé sommaire des moyens.»

… Poursuivant, l’article 578 du même code de procédure pénale précise : « La décision de sursis à statuer doit être prise sur le siège.

La décision de sursis à statuer contenant les précisions et moyens sommaires du plaideur est transmise dans un délai de huit (08) jours à la Cour constitutionnelle qui statuera dans le délai d’un (01) mois.

La décision ordonnant le sursis à statuer n’est pas susceptible d’appel «.

… Au regard de ces deux dispositions, il y a lieu d’admettre l’exception d’inconstitutionnalité soulevée et d’ordonner subséquemment le sursis à statuer jusqu’à la reddition de la décision de la Cour constitutionnelle. » ;

Considérant que statuant en la cause, le juge Jean da SILVA a, sur le fondement des articles 577 et 578 du code de procédure pénale, ordonné la saisine de la Cour constitutionnelle ;

 ANALYSE DU RECOURS

Considérant qu’aux termes des articles 122 de la Constitution, 24 alinéa 3 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle et 41 du règlement intérieur : « Tout citoyen peut saisir la Cour constitutionnelle sur la constitutionnalité des lois, soit directement, soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité invoquée dans une affaire qui le concerne devant une juridiction. Celle-ci doit surseoir jusqu’à la décision de la Cour constitutionnelle qui doit intervenir dans un délai de trente jours. » ; «…Celle-ci, suivant la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité, doit saisir immédiatement et au plus tard dans les huit jours la Cour constitutionnelle et surseoir à statuer jusqu’à la décision de la Cour » ;

« L’exception d’inconstitutionnalité prévue à l’article 24 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle peut être soulevée à tout moment de la procédure devant la juridiction concernée. Celle-ci doit saisir la Cour constitutionnelle dans les délais de huit (8) jours au plus tard et surseoir à statuer jusqu’à la décision de la Cour » ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que, d’une part, l’exception d’inconstitutionnalité doit porter sur la question de conformité à la Constitution d’une loi applicable au procès en cours, la loi étant entendue comme une règle écrite, générale et permanente, votée par le parlement, promulguée par le président de la République ou déclarée exécutoire par la Cour, d’autre part, la juridiction saisie d’une exception d’inconstitutionnalité est tenue de transmettre le dossier dans un délai de huit jours au plus tard ;

Considérant que de l’analyse des éléments du dossier, devant le juge de la première chambre citation directe du tribunal de première Instance de première classe de Porto-Novo, le prévenu, tout en invoquant l’exception d’inconstitutionnalité, ne cite pas une disposition d’une loi qui serait contraire à la Constitution et ne produit non plus d’écrit pour exposer ses moyens ; que le droit pour les citoyens de saisir la Cour, tel que le prévoit l’article 122 précité de la Constitution, emporte pour eux l’obligation de présenter les moyens qui fondent leur prétention et devant permettre à la Cour d’examiner la disposition incriminée puis de statuer ; qu’en se contentant de soulever une exception d’inconstitutionnalité, sans indiquer ni la loi dont s’agit ni ses moyens, Monsieur Placide AZANDE ne permet pas à la Cour de statuer de façon efficiente ; que dès lors, il y a lieu de dire et juger que l’exception d’inconstitutionnalité soulevée est irrecevable ;

Considérant que la Cour a reçu le jugement avant dire droit portant sursis à statuer le 23 avril 2015 alors que ledit jugement a été rendu le 26 janvier 2015 ; qu’entre le 26 janvier 2015 et le 23 avril 2015, il s’est écoulé un délai de deux mois et 29 jours ; qu’il en découle que cette transmission a été faite hors délai, dénotant de la part du président du tribunal de première Instance de première classe de Porto-Novo une méconnaissance des dispositions relatives au traitement des dossiers d’exception d’inconstitutionnalité ; que ce comportement du président constitue une violation de l’article 35 de la Constitution aux termes duquel : « Les citoyens chargés d’une fonction publique ou élus à une fonction politique ont le devoir de l’accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté dans l’intérêt et le respect du bien commun.» ;

D E C I D E :

Article 1er.-L’exception d’inconstitutionnalité soulevée par Monsieur Placide AZANDE devant le juge de la première chambre de citation directe du tribunal de première Instance de première classe de Porto-Novo est irrecevable.

Article 2.- Monsieur le Président du tribunal de première Instance de première classe de Porto-Novo à l’époque des faits a violé l’article 35 de la Constitution.

Article 3.- La présente décision sera notifiée à Monsieur Placide AZANDE, à Monsieur le Président du tribunal de première Instance de première classe de Porto-Novo, à Monsieur le Ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique et des Cultes, à Monsieur le Ministre en charge de la Justice et publiée au Journal officiel.

Ont siégé à Cotonou, le vingt-et-un mai deux mille quinze,

Messieurs Théodore HOLO                             Président

Zimé Yérima KORA-YAROU         Vice-Président

Simplice Comlan DATO                   Membre

Bernard Dossou DEGBOE                              Membre

Madame Marcelline C. G. AFOUDA             Membre

Monsieur Akibou IBRAHIM G.      Membre

Madame Lamatou NASSIROU    Membre

Le Rapporteur,                                   Le Président,      

Akibou IBRAHIM G.                   Professeur Théodore HOLO


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