Conflits intercommunautaires : L'Association Tabital Pulaaku interpelle le Premier ministre
Le 17 janvier 2015, des attaques ont été perpétrées contre des campements peuls dans la commune de Pama, dans la Région de l'Est. Leurs habitations, récoltes, biens, bétail… ont été saccagés, incendiés, ou volés. On compte plus de 1300 déplacés et un mort (une personne âgée atteinte par les flammes). Malheureusement, Pama est loin d'être un cas isolé. Ces représailles contre la communauté Peule tendent même à se généraliser à travers le pays ces dernières années.
Tenez ! De 2012 à aujourd'hui, on dénombre une quinzaine d'actes similaires contre la même communauté, avec plus de 100 morts enregistrés. Dans la lettre ouverte ci-après, l'association Tabital Pulaaku Burkina condamne cette« chasse à une communauté du Burkina Faso » et invite à « éviter l'amalgame et la stigmatisation ». Elle appelle le Premier ministre et les autorités à se pencher sérieusement sur le problème, avant qu'il ne soit trop tard.
Excellence Monsieur le Premier Ministre,
Le 17 janvier 2015, des attaques ont été perpétrées contre des campements peuls dans la commune de Pama, dans la Région de l'Est. Ces attaques font suite à une agression d'un homme d'un certain âge par de jeunes bandits qui ont été identifiés comme étant de la communauté peule. Après l'arrestation de deux des bandits par la gendarmerie nationale, des bandes organisées ont décidé de s'en prendre à la communauté peule de la Commune de Pama. Ainsi, des personnes (les Peuls uniquement) ont été attaquées, leurs habitations, récoltes et animaux ont été saccagés, passés aux flammes et pillés.
L'association Tabital Pulaaku Burkina condamne ces attaques dont l'objectif n'était rien d'autre que la chasse à une communauté du Burkina Faso ; sinon, comment comprendre que pour un problème d'insécurité dans la Région de l'Est (problème reconnu comme particulièrement très préoccupant dans cette zone) une communauté soit indexée et attaquée ? Les bandits, les voleurs, les coupeurs de route et autres malfaiteurs du Burkina sont- ils issus de la seule communauté peule ?
Il faut éviter l'amalgame et la stigmatisation !
Par ailleurs, ces attaques et violences ne sont pas des actes isolés au Burkina.
En rappel : sans être exhaustif, les cas les plus connus ont donné lieu aux drames ci-après :
1- Commune de Pama (janvier 2015) : suite à un problème d'insécurité, la communauté peule des villages de la Commune de Pama est attaquée, et massacrée ; leurs habitations, récoltes, biens, bétail…. sont saccagés, incendiés, volés ; +1300 déplacés à Kompienga ;
2. Commune de Tiébélé (juillet 2014) : suite au décès d'un agriculteur (OUENA Kané) dans son champ, la famille de Seydou DIALLO a été attaquée et massacrée par une foule de villageois ; décompte macabre : 4 enfants tués à l'arme blanche « dépecés » et/ou lapidés à mort, les autres membres de la famille blessés (« 3 jeunes Burkinabè Peulhs ont été « dépecés », 1 autre a été « lapidé à mort » (in Le Quotidien n°1111)) ;
3. Commune de Mané/Kaya (avril 2014) : suite à une bagarre pour une question de vol d'animaux, la communauté peule est attaquée, leurs habitations incendiées, leur bétail tué ou volé ; l'âne volé a été retrouvé à Ziniaré (le voleur et le receleur ne sont pas des Peuls) ;
4. Tendangou/Pama (janvier 2014) : violentes réprésailles sur toute la communauté peule de Tendangou/Pama entrainant 421 réfugiés à Pama après le décès d'un paysan suite à une bagarre avec un éleveur. Des centaines d'enfants et de femmes, des personnes âgées chassés de leurs maisons incendiées, des animaux volés et/ou abattus, des récoltes brûlées, etc.
5. Diébougou (novembre 2013) : suite à une bagarre autour d'un champ, 01 mort (un éleveur égorgé), une victime de tirs à balles, 03 personnes disparues (une vieille femme de 89 ans et ses deux filles de 58 ans et 52 ans), 84 déplacés à Diébougou, des greniers brûlés, des animaux tués et disparus, etc.
6. Zabré (décembre 2012) : 07 morts, dont 06 Peulhs tués et brûlés et enterrés dans une fosse commune ; +1400 déplacés, des centaines de sacs de céréales brûlés, des maisons détruites, des animaux disparus.
7. Gaoua (août 2012) : suite à la disparition d'un jeune enfant (retrouvé mort), la communauté peule est attaquée : 06 morts dont 03 Peulhs, des habitations incendiées, des centaines de personnes déplacées à Bobo Dioulasso et des centaines d'animaux disparus ;
8. Passakongo (Dédougou, avril 2012) : suite à une bagarre entre des individus, la communauté peule est attaquée : leurs maisons sont détruites, leurs animaux tués et/ou volés, leurs biens pillés ;
9. Kantchari, 01 mort, plusieurs dizaines de blessés et des milliers de sinistrés, des animaux disparus ;
10. Saré Peulhs (Gombousgou, juillet 2012) : 04 blessés, des cases incendiées ; des millions de francs CFA perdus dans les incendies, des animaux abattus et disparus ;
11. Sari (zone frontalière avec le Mali) : + 100 personnes tuées, des habitations détruites et saccagées, des animaux disparus ;
12. Tiankoura : 2 agriculteurs décédés en détention, 10 peulhs tués en représailles, des habitations détruites, des animaux disparus ;
13. Perkoura (Poni) : 14 morts, 800 sinistrés, 3000 animaux tués ou disparus ;
14. Gogo (Zoundwéogo) : 3 morts, 2642 sinistrés et 197 cases incendiées, des centaines d'animaux disparus ;
15. etc.
Tabital Pulaaku Burkina constate avec consternation la généralisation de ces violences et actes barbares sur la communauté Peule et appelle les autorités à se pencher sérieusement sur le problème.
EXCELLENCE MONSIEUR LE PREMIER MINISTRE,
Notre association apprécie les efforts fournis par les différents départements ministériels concernés pour venir en aide aux victimes. Elle suit également avec beaucoup d'intérêt les actions engagées par la justice dans le traitement de certains dossiers.
Tabital Pulaaku Burkina voudrait attirer l'attention de tous les acteurs soucieux de la recherche de solutions durables à ces graves crises, et au premier chef, les autorités Burkinabè sur la nécessité de mener les actions suivantes pour ramener la paix et la sécurité et renforcer la cohésion sociale :
Le soutien aux réfugiés pour leur permettre de survivre sur les sites d'accueil en attendant que des mesures adéquates soient prises pour leur retour dans leurs villages ;
Le renforcement du dispositif sécuritaire et la prise de mesures concrètes pour sécuriser et préserver la vie des populations qui sont de plus en plus menacées par les bandits et les hors-la loi ;
L'ouverture diligente d'enquêtes judiciaires pour identifier toutes les personnes qui seraient impliquées dans les violences, retrouver les auteurs et engager des poursuites judiciaires à leur encontre ;
Le dédommagement des victimes qui ont pratiquement tout perdu : (i) toutes leurs récoltes de l'année (des centaines de sacs de céréales brûlés/volés par les assaillants), (ii) leur bétail (volaille, ovins, caprins, bœufs tués et brûlés et/ou volés par les assaillants), et (iii) leurs maisons (détruites et incendiées) ;
Le traitement de tout dossier de justice avec équité et transparence afin d'éviter l'amalgame et la stigmatisation d'une communauté ou d'un groupe.
Notre association condamne fermement ces actes barbares de plus en plus récurrents et apparemment prémédités et dirigés contre la communauté Peule du Burkina Faso et invite les autorités à tout mettre en œuvre pour prévenir les tueries et restaurer l'autorité de l'Etat.
Le Président du Bureau Exécutif
Douramane Sidibé
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