CDP : des jeunes appellent à un renouveau du parti
Ce n'est plus un doute, le parti de l'ancien Président du Faso traverse une crise profonde qui pourrait diviser les militants. Dans la perspective de réinventer une nouvelle façon de faire la politique, des jeunes militants dudit parti se sont réunis en Comité de réflexion et d'action pour le renouveau du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). En prélude à leurs activités, ils ont animé une conférence de presse pour exiger la démission pure et simple du secrétariat exécutif national du parti dirigé par Assimi Kouanda. C'était ce vendredi 23 janvier 2015 à Ouagadougou.
Aly Badra Ouédraogo et ses « camarades » ont, avant l'entame de la rencontre avec les journalistes, demandé une minute de silence pour le repos de l'âme des martyrs de l'insurrection populaire. Une insurrection qui, a rappelé monsieur Ouédraogo, a abouti à la perte brutale du pouvoir de leur parti le CDP, aux affaires depuis 27 ans. Le bilan de la manifestation, dit-il, est aussi lourd, tant au plan humain que matériel avec à la solde, le traumatisme de la population.
Le 13 novembre, le secrétariat exécutif national a fait son mea-culpa ; un acte que les jeunes du parti, réunis au sein de leur regroupement le CRAC (Comité de réflexion et d'action pour le renouveau de Congrès pour la démocratie et le progrès), ont salué et qualifié de « courageux ». Cependant, ils regrettent « l'insouciance de l'instance dirigeante face aux leçons qui devaient en être tirées ». Même s'ils se réjouissent que leur parti préalablement suspendu a été rétabli, ces jeunes s'insurgent contre un « certain nombre d'actions en cours ».
C'est par exemple, cite Aly Badra Ouédraogo, le cas de la question du directoire devant conduire les affaires courantes du parti jusqu'au prochain congrès. Ces membres sont constitués à plus de 80% des membres du Secrétariat exécutif national (SEN) que l'animateur de la conférence trouve défaillants d'ailleurs. Pour lui, les membres du SEN doivent être très minoritaires au sein du directoire. « Mieux, que des camarades qui traînent avec eux un lourd passif ne puissent pas être de ce directoire. Au-delà de cette vision, nous estimons que l'accent doit être mis sur la jeunesse et les femmes à travers une représentativité conséquente », note le coordinateur du CRAC.
Plus rien ne sera comme avant au CDP
En un mot comme en mille, Aly Badra Ouédraogo et ses « camarades » qui croient toujours aux idéaux du CDP estiment que le SEN, pour des « questions stratégiques », devait avoir le courage de battre en retraite afin de permettre à d'autres militants de reprendre en main la conduite de la lutte. Sans donc remettre en cause l'engagement politique de ces anciens du parti, le CRAC dit exiger respectueusement la démission du secrétariat exécutif national du Congrès pour la démocratie et le progrès. Enfin, ces jeunes militants de l'ancien parti au pouvoir estiment que l'heure de la promotion et de la responsabilisation de la jeunesse a sonné. Une jeunesse qui est toujours restée disciplinée et qui a toujours répondu à la mobilisation pour la défense de la cause du parti. Force est, malheureusement, de constater, soutient l'animateur de la conférence, qu'elle a été instrumentalisée avant d'être victime d'exclusion ou de la rapacité de certains aînés qui continuent de vouloir à tout prix l'étouffer afin d'assouvir leurs intérêts égoïstes. D'où l'idée de la mise en place du comité de réflexion et d'action pour le renouveau du CDP (CRAC).
L'initiative est, selon eux, loin d'être un affront à l'encontre des aînés. Ce n'est pas non plus, explique le coordinateur, une réaction immature et iconoclaste d'une jeunesse guidée par un ou des gourous tapis dans l'ombre. Il s'agit ici d'une expression profonde d'une prise de conscience d'une jeunesse qui se reconnaît dans cette révolution de fin octobre dont l'une de leçons majeures est que « plus rien ne sera comme avant ». Ainsi donc, « plus rien ne sera comme avant au CDP et plus rien ne sera fait contre le peuple mais plutôt avec le peuple par le peuple et pour le peuple ». Le CRAC appelle ainsi les militants sincères du parti à se démarquer de tout sentiment de haine, de vengeance envers les militants des autres partis. « Ils sont nos sœurs, nos frères avec qui nous partageons les mêmes rêves de paix et de développement de notre pays » a- t- il déclaré.
Les intimidations et les menaces continuent
« Lorsque nous avons initié cette action, nous avons été traités de tous les noms d'oiseau, ça se disait que nous sommes des infiltrés du MPP, que nous avons été achetés, que nous sommes manipulés etc… », explique Aly Badra Ouédraogo qui souligne par ailleurs que : « ce sont des étiquetages, la stigmatisation, ces suspicions, ces comportements qui ont toujours régné dans notre parti qui n'ont pas permis d'avoir une idée claire lorsque nous défendions le projet de loi pour la modification de l'article 37 ». Selon les animateurs de la conférence, après une crise majeure, il faut que cela s'arrête. Les anciens du CDP ne doivent plus continuer à infantiliser la jeunesse qui est tout aussi capable, responsable et consciencieuse.
La discipline observée par les jeunes n'est pas un aveu de faiblesse, en témoigne l'approche après moult et une démarches pour rencontrer le SEN avant l'organisation de la conférence. « Le SEN a envoyé deux personnes notamment Léonce Koné et Maurice Traoré avec qui nous avons discuté pendant deux heures. C'était en décembre. Ils ont apprécié l'initiative. Malheureusement le parti a été suspendu. Après la levée, nous sommes revenus à la charge en tentant de rencontrer en vain le SEN. Pendant ce temps il mettait en place un directoire. C'est dire qu'ils ont fait fi de notre démarche », explique Aly Badra Ouédraogo qui estime qu'il n'est plus question que la jeunesse soit brimée. Sans vouloir être des « putschistes », des « séparatistes » ou encore des « fractionnistes », le CRAC dit haut et fort que le directoire est illégal, illégitime.
Malgré les mécanismes d'intimidation mis en place pour empêcher de réagir, le CRAC, par cette conférence, entend démontrer que plus rien ne sera comme avant. La fin du centralisme démocratique qui a ruiné le CDP a sonné, de même les cooptations basées sur les affinités. L'heure est à forger un nouveau type de jeunes militants en rénovant le parti car, le CDP de demain n'aura pas d'adversaires politiques. Le CDP de demain ne prendra plus jamais en ennemi les frères et sœurs qui ont choisi une autre idéologie politique. Déplorant l'attitude de certains jeunes camarades qui se laissent toujours instrumentaliser par les mentors qui, à la limite, donnent des vomissures vertes selon M. Ouédraogo. Il les invite à se réveiller pendant qu'il est temps.
Il n'y aura pas de CDP bis, aucune connexion avec le MPP
A la question de savoir ce qui pourrait arriver si toutefois le message n'est pas entendu par le SEN, les membres du CRAC, rassurent qu'ils ne créeront pas un autre parti. Ils ne militeront pas de façon parallèle aussi. Ils continueront leurs activités d'éveil de conscience de la jeunesse car, disent-ils : « Le CDP nous appartient et nous resterons CDP. Nous voulons un CDP nouveau en phase avec l'opinion nationale, réconcilié avec lui- même et avec tous les burkinabè ». Cette sortie médiatique ne donne-t-elle pas raison au Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) ? Pour le conférencier, le MPP ne devait pas figurer sur l'échiquier politique du Burkina, si le management au sein du CDP avait été des meilleurs. C'est dire alors que ce parti du soleil levant (le MPP) est la conséquence de l'insuffisance démocratique et du manque de la prise en compte des opinions divergentes. C'est pourquoi, ces jeunes du comité pensent qu'il n'y aura pas d'opposition, invitant du même coup les militants sincères à sortir du bois, à arborer fièrement leurs habits à l'effigie du CDP.
Des actions spontanées en vue
Des membres du SEN ont été pris en otage après la rencontre pour la validation du directoire. L'initiative était du CRAC qui a mobilisé une jeunesse pour mener cette action afin d'attirer l'attention des membres sur le renouveau du parti. Ce sont entre autres action, en plus de la conférence publique autour du thème « la jeunesse du CDP face aux enjeux de la transition », des missions dans toutes les 45 provinces pour sensibiliser les jeunes sur les enjeux politiques du moment. Un forum national des jeunes leaders et sympathisants du CDP sur le thème « Transition politique au Burkina, rôle et responsabilités des jeunes et des femmes socio-démocrates » s'inscrit en perspective.
Bassératou KINDO
LeFaso.net
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