Ayons foi en l'avenir !

Publié le mardi 4 novembre 2014


Dans quelques heures, le soleil de la première semaine de notre vie politique, sociale, culturelle et économique va se lever depuis la démission forcée du président Compaoré. A ces moments historiques, je voudrais rendre un vibrant hommage aux martyrs de la démocratie et de la liberté qui ont accepté offrir leur vie pour la construction d'un Burkina fondé sur plus de démocratie, plus de liberté, plus d'égalité et plus juste.




Dans mon post qui a suivi immédiatement la chute de l'ex président Compaoré, j'indiquais que si nous avions franchi un pas de géant, les défis qui nous attendent demeurent gigantesques. En écrivant cela, j'étais profondément inquiet sur les risques de délitement total de l'Etat si les forces de défense et de sécurité ne s'organisaient pas pour garantir l'ordre et la sécurité.


En effet, il est impossible de construire quoique ce soit dans le désordre, dans l'anarchie. Grande fut ma joie de constater qu'en moins de 48 heures, la vie avait repris son cours normal dans notre pays. Vous l'aurez remarqué comme moi que dans la matinée d'hier les boutiques, les stations, les petits commerces avaient repris leur activité. Hélas, tout allait vite se dégrader avec l'épisode des présidents auto proclamés ! Pour ironiser, certains ont dit que nous avons reçu l'exploit en moins de 48 heures d'avoir cinq chefs d'Etat. Il nous faut réfléchir par sept fois avant d'agir aux conséquences de nos actes en cette période critique de notre histoire. Aucune ambition personnelle fut-elle légitime ne doit se substituer à l'intérêt général. Je fonde l'espoir que les écoles vont ouvrir ce matin et que nos enfants pourront retourner en classe dans le calme avec une reprise totale de l'activité économique.


Beaucoup de nos compatriotes et des amis à l'étranger, y compris moi-même se posent des questions sur la conduite de la transition. Est-ce que notre révolution démocratique a-t-elle été prise en otage par les militaires ?


Pour ma part, je puis répondre non à cette question. Je reste optimiste sur les perspectives de notre lutte car nul ne peut s'opposer durablement à la soif de démocratie et de liberté d'un peuple. Les militaires qui sont aussi nos frères ont conscience que personne ne peut nous voler cette victoire arrachée de haute lutte. Mais ce qui est arrivé avec cette prise de pouvoir par les militaires étaient inévitables en raison de la nature de notre système politique. Si la révolution tunisienne qui présente de nombreuses similitudes avec la nôtre n'a pas connu l'intrusion de l'armée dans la gestion de la transition c'est parce que dans ce pays il existait une armée républicaine. Chez nous, à côté de l'armée républicaine, le président compaoré s'était construit son armée à lui plus puissante que celle du peuple. Il faudra tôt ou tard rebâtir cette armée du peuple en fusionnant les différentes entités. Mais, les militaires savent que la communauté internationale dont une partie avait observé un silence coupable face aux dérives du régime Compaoré n'acceptera jamais un pouvoir militaire.


Toutefois, dans la phase critique actuelle de notre transition, nous devons avoir de la patience avec nos frères militaires qui se sont installés au pouvoir. Ils sont là pour nous accompagner comme ils ne cessent de l'affirmer. En effet, demander aux civils de trouver un chef d'Etat, je puis vous assurer que vont éclater au grand jour les ambitions démesurées des uns et des autres et des palabres à n'en pas finir alors que le temps urge !


Une transition comme celle là est conduite par des organes et des instances avec un cahier de charges à exécuter dans un délai limité (au plus tard novembre 2015). La réalité du pouvoir devra être confiée à ces organes composée principalement de civils capables de mettre l'intérêt général au dessus des intérêts partisans et mis en place de façon consensuelle. La tradition qui se dégage en Afrique et ailleurs dans le monde en cette matière c'est que tous ceux ou celles qui participeront à l'animation de ces organes doivent être exclus des compétitions politiques prochaines (présidentielles et législatives).


Il faut faire vite car le temps est court. Il me semble que les militaires qui nous dirigent ont adopté la bonne méthode en entamant un processus de consultation tous azimuts avec toutes les forces vives de la nation qui ont permis la chute de Compaoré. Chaque entité doit y aller pour exprimer sa vision et sa conception de la transition en restant dans son rôle. Au-delà de ceux-ci, nous devons rester ouverts même à nos frères qui se sont trompés en soutenant Blaise contre vents et marées. On ne peut pas mener une lutte démocratique dans l'exclusion d'une frange de la société. C'était là un défaut du système compaoré, ne reproduisons pas les mêmes erreurs.


La lutte qui a abouti à la fin du règne de Compaoré est une lutte collective dont personne ne peut s'approprier la paternité. Une avancée comme le disait Nelson Mandela n'est jamais le résultat d'un effort individuel. Comme dans toute société, la lutté a été menée sous le leadership du CFOP et des partis qui lui sont affiliés depuis au moins un an et en cela il faut reconnaitre à César ce qui lui appartient. Dans sa dernière étape, on a assisté à un activisme plus prononcé de quelques organisations de la société civile dont le Balai citoyen. Une campagne de dénigrement a été orchestrée contre eux ces derniers jours, si nous voulons éviter les erreurs du passé, il faut savoir être reconnaissants envers ceux qui ont osé braver de multiples risques dans la lutte. Comme dans toute action humaine, il peut y avoir des erreurs. Nelson Mandela écrivait « seuls les hommes politiques qui gardent les bras croisés sont à l'abri des erreurs. Les erreurs sont inhérentes à l'action politique ».


Aussi, pour terminer, je voudrais interpeller de façon particulière les dirigeants actuels de la transition sur la nécessité de rétablir très rapidement les dispositions constitutionnelles compatibles avec l'ordre actuel, je pense en particulier au titre relatif aux droits et libertés. Tout en préservant l'ordre et la sécurité, ils doivent se garder de réprimer de façon violente les manifestations des citoyens.

Dieu bénisse notre patrie !


Abdoul Karim SANGO, juriste





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